19/11/2005
L'exception qui confirme la règle
Lorsqu'on a un minimum d'honnêteté, on devrait remarquer la présence dernièrement, sur les divers plateaux de télévision, des invités qui sont des exemples d'intégration et de réussite. En faisant abstraction de quelques sportifs, comiques, chanteurs ou récemment, deux-trois officiels, en français "réussir" veut dire que les invités en question sont parvenus à monter leur propre affaire. Rien d'énorme, ne rêvons pas. Mais, on a cherché sur le terrain ces pépites d'or, et on les montre au public. A la radio, l'animateur de l'émission peut aller jusqu'à demander à son interlocuteur de préciser qu'il est Antillais et noir (je l'ai entendu ce matin).
A leur tour, les invités-exemples récitent la leçon: "oui, c'est sans doute difficile" (ils ont intégré aussi les euphémismes), mais "quand on a de la volonté", "on arrive à s'en sortir", etc, etc...A, j'oubliais, "quand on fait les bonnes rencontres"...
Ces gens-là sont des exceptions à une règle, et ils ne font que la renforcer et la rendre encore plus visible.
Curieux, j'éprouve le même sentiment de peine à l'égard de pareilles démonstrations précipitées, au premier degré, qu'à mon égard, étrangère vivant en France depuis presque 14 ans, et n'ayant pas réussi...
Néanmoins, je n'aimerais pas être une pépite d'or roumaine, exhibée devant les caméras et répétant les réponses que des journalistes s'empressent de vous induire généreusement, selon la thèse ou l'anti-thèse.
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14/11/2005
Vous dites bureaucratie, Monsieur Verheugen?
J'ai écouté ce matin sur "Euronews" vos remarques sur, disons-le brièvement, la souplesse et l'adaptabilité qui deviennent nécessaires dans le mécanisme législatif europen.
Vous parlez aussi de l'attention qui devrait être accordée à la création d'entreprise. Il est évident que parler de dynamisme économique européen sans encourager la création d'entreprise, est un non sens.
Lorsque vous étiez en charge de l'Elargissement (car vous êtes l'un des rares commissaires à avoir conservé un poste similaire, ainsi qu'une partie de votre ancienne équipe, d'après ce que je constate), vous connaissiez parfaitement le fonctionnement réel des entreprises en Roumanie, aussi bien que le détournement des financements européens, via divers programmes. Vous savez bien que l'Office européen de la Lutte Anti-Fraude n'a jamais épinglé un seul cas de corruption en Roumanie, bien que la lutte anti-corruption soit constamment la priorité recommandée par vos instances. Vous savez qui peut bénéficier, en général, des fonds europens. D'ailleurs, on vient de le voir récemment, avec l'excellent scandal, qui couve encore ici et là, sur les subventions agricoles.
La CE va accorder 50 millions d'Euros pour soutenir les banlieues françaises, vraisemblablement à travers des projets. Donc, à quelque chose malheur est bon.
Mais moi, infatigable citoyenne lambda, que faudrait-il que je fasse pour obtenir, en fin de compte une subvention et monter ce sacré projet qui ferait démarrer ma PME roumaine et créerait des emplois, le mien d'abord? Me faire exploser? Remarquez, je serais la première femme-kamikaze européenne (enfin, presque...) à protester de cette manière radicale contre la surdité institutionnelle. La cause est noble, puisque la bureaucratie tue. Quand je regarde en arrière mes années de démarches stériles et de misère en France (aucune exagération), j'ai la nausée. En faire un livre, comme c'est la coutume de nos jours, ne servirait à rien. Il y a inflation de témoignages, tout le monde écrit. Je ne veux que sortir de là et essayer d'oublier.
Ce blog me suffit. Il n'a pas beaucoup de commentaires parce que j'efface ceux qui sont à côté, ou parce que c'est No (more) comment. Lisez-le dès le début, en entier, Monsieur le Commissaire, ou faites-vous le traduire, si vous ne vous souvenez pas de mes dossiers et courriers en recommandé (coûteux pour moi...) envoyés à Bruxelles depuis 2000. Monsieur Prodi est un souvenir, Monsieur Pasquarelli aussi, Madame Nicholson également...Mais vous durez, donc je vous écris encore.
Délester la CE? Mais qui vivra pour voir?
Carmen Serghie Lopez
16:15 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer
10/11/2005
Intégration -modèle français
Toutes les notes publiées sur ce blog sont et ont toujours été signalées en même temps à des officiels nationaux et internationaux, dans un mailing que j'ai établi en fonction d'un indice de confiance citoyen (car il faut bien un critère), et qui garde son noyau, tout en s'agrandissant de jour en jour. C'est ainsi que j'ai réalisé que je faisais le tour de la planète, et qu'elle était toute petite...
Vous, vous connaissez bien ce modèle d'intégration pour en avoir fait l'expérience directe depuis maintenant 8 ans. Le modèle est censé aider des gens à "s'en sortir"-le mot-balise ces jours-ci- face à une société où ils ne trouvent pas leur place, pour diverses raisons. Mais il ne peut pas, techniquement parlant. Ce qu'il peut, c'est vous maintenir en salle de réanimation. Là, tout dépend de vos capacités vitales: vous perdez pied, ou vous rebondissez par miracle. "You need a miracle? Be yourself The Miracle!" (c'est un slogan américain, impossible à transposer tel quel).
Il y a deux ans, vous décriviez dans une lettre à un journaliste comment vous aviez répondu à une offre de l'Anpe pour petits travaux secrétariat, qui n'étaient que des heures de ménage, et comment vous aviez pu tenir en vous faisant soutenir par...Spinoza (oui, Baruch). Vous rentriez en nage le soir et, après une douche (c'était pendant la célèbre canicule), vous calmiez votre révolte en vous plongeant dans des raisonnements abstraits.
Bien sûr, tout le monde ne lit pas Spinoza. Eh bien, le propre du modèle français d'intégration est justement de vous assurer les 600 Euros par mois pour survivre, à travers un complexe dispositif de prise en charge, et cela que vous soyez un ami de Spinoza ou que vous soyez à l'âge de pierre.
Cet exemple, ce qu'il y a de plus réel, de la serpillière et de Spinoza est un raccourci qui vous évite la tentation de vous risquer dans d'éventuelles considérations d'ordre axiologique. Vous êtes en France, le pays où le débat est Roi. Ce ne sont pas les paroles qui font défaut, ni les intellectuels, plus ou moins vrais pour les porter. Vous n'avez qu'à vous en laisser imbiber.
Néanmoins, vous vous dites innocemment qu'il vous semble plus facile d'assurer 600 Euros par mois, qui de toute manière servent à entretenir un circuit économique (bas loyers, commerces, le dispositif administratif en question), que de créer de vrais emplois. Mais, vous n'êtes pas économiste.
En d'autres termes, c'est le modèle de l'égalité devant la loi, de l'égalité des chances aussi. Tout dépend de la grille de lecture, faites appel à vos bagages de base, par exemple Eco, l'"Opera aperta": plus le degré d'ambiguïté est grand, plus c'est poétique. Pourquoi n'y aurait-il pas de poésie en politique?
En tout cas, le modèle est à prendre ou à laisser, ou comme dit un leader français: "la France, on l'aime ou on la quitte". C'est calqué sur le bien connu "Love It or Leave It" des US. Seulement...
Carmen Serghie Lopez
09:45 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer
31/10/2005
Lettre d'un étranger en situation régulière en France
Monsieur le Premier-Ministre,
Monsieur le Ministre de l'Intérieur,
La question soulevée ces derniers jours concernant le vote des étrangers m'a intéressée, et pour cause. D'après ce que j'ai pu comprendre, elle n'est pas nouvelle, seulement reprise de temps à autre, suivant l'éclairage. Sans doute, est-elle aussi délicate parce qu'elle touche de près à l'aspect de la nationalité française.
Les arguments contradictoires que j'ai écoutés me semblent également justes, dans la mesure où ils relèvent du raisonnement logique sur la primauté de la poule ou de l'oeuf.
Néanmoins, comme je n'ai pas trop lu ou entendu le point de vue d'un étranger en situation régulière, je me permettrais de vous livrer le mien.
Je ne sais pas si je dirais comme mon compatriote Cioran, qui a vécu et écrit en France plus de la moitié de sa vie, qu' un homme qui se respecte, n'a pas de patrie, une patrie c'est de la glu. Mai je lui donne sûrement raison quand il affirme que l'on n'habite pas un pays, on habite une langue. Cela dit, quantité de gens parlent peu ou pas du tout français, ce qui ne les empêche pas d'être citoyens français.
J'habite le français depuis mes toutes premières études en Roumanie. Lorsque j'étais en sixième, les enseignants se disputaient les bons élèves pour former les groupes de langues vivantes, et j'ai failli me retrouver inscrite en russe. Si j'ai opté pour le français, c'est grâce à ma mère qui, sans vouloir me brusquer, a simplement pris un manuel scolaire et m'a lu les premiers mots: "Qu'est-ce que c'est? C'est une porte. Voilà la porte". Décidément...
J'ai fait du français mon travail, mais pour moi c'était d'abord une langue d'amour, et non seulement de communication, comme l'était l'anglais, bien que celui-ci commence à s'insinuer tel un nouvel amour, par procuration, depuis que mon fils s'est expatrié aux Etats-Unis.
J'ai toujours cru que j'étais profondément intégrée en France, d'après la terminologie consacrée, aussi bien par mon parcours, que par ce qui s'en dégageait: le désir et la détermination d'y réaliser quelque chose, en rapport avec une construction actuelle, de créer des ponts et des liens, selon mes moyens.
En faisant le bilan, je dis que j'ai réussi le tour de force de survivre afin de garder un espoir. Autrement dit, pour paraphraser le poète, ma vie en France a été tout aussi lente que mon espérance a été violente...
On m'a fait comprendre (des amis, ou pas vraiment) que les portes allaient rester fermées tant que je ne demanderai pas la nationalité française. Monsieur J., qui vient d'un pays d'Afrique et qui est, lui aussi titulaire d'un doctorat français, est aujourd'hui agent administratif, donc couvert jusqu'à la fin de ses jours. Il m'a expliqué comment les portes s'étaient ouvertes pour lui dès le moment où il avait déposé la demande de naturalisation.
Je vous avoue que deux fois, à 8 ans d'intervalle, j'ai retiré le formulaire à la Préfecture, et deux fois j'ai passé une nuit blanche, la tête entre les mains, sans pouvoir me résoudre à faire la démarche. C'était comme si je chosissais de plein gré de vivre le syndrome de Stockholm (mutatis mutandis).
Il est vrai que je suis Roumaine et que je partage ce que Kundera apelle le destin des petites nations. Mais il n'est pas moins vrai que le contexte historique et politique est autre.
Pourquoi un Américain qui vit en France depuis des années ne demande-t-il pas la nationalité française? Ou bien, pourquoi un Français qui vit à Monaco depuis des années, ne demande-t-il pas la nationalité monégasque? Ils sont résidents étrangers, ils travaillent tout en s'épanouissant (ce qui devient un luxe, même si le terme figure dernièrement dans les Droits de l'homme), et tout en gagnant plus que correctement leur vie.
Peut-on les considérer bien intégrés? Et si oui, comment peuvent-ils l'être sans avoir la nationalité des pays respectifs?...
Comme de millions de personnes, moi aussi, je mets à profit les technologies de la Open Society et je tiens un blog. Je l'ai consacré à l'intégration de la Roumanie dans les structures euro-atlantiques, mais je réalise que c'est plutôt un témoignage sur mon "intégration" en France. Je vous invite à le parcourir, d'ailleurs, je me ferai une joie d'y poster aussi cette lettre.
En vous remerciant pour votre temps, je vous assure, Monsieur le Premier-Ministre, Monsieur le Ministre de l'Intérieur, de mon entière considération.
Carmen Serghie Lopez
(...)
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