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10/11/2005

Intégration -modèle français

Toutes les notes publiées sur ce blog sont et ont toujours été signalées en même temps à des officiels nationaux et internationaux, dans un mailing que j'ai établi en fonction d'un indice de confiance citoyen (car il faut bien un critère), et qui garde son noyau, tout en s'agrandissant de jour en jour. C'est ainsi que j'ai réalisé que je faisais le tour de la planète, et qu'elle était toute petite...
 
Vous, vous connaissez bien ce modèle d'intégration pour en avoir fait l'expérience directe depuis maintenant 8 ans. Le modèle est censé aider des gens à "s'en sortir"-le mot-balise ces jours-ci- face à une société où ils ne trouvent pas leur place, pour diverses raisons. Mais il ne peut pas, techniquement parlant. Ce qu'il peut, c'est vous maintenir en salle de réanimation. Là, tout dépend de vos capacités vitales: vous perdez pied, ou vous rebondissez par miracle. "You need a miracle? Be yourself The Miracle!" (c'est un slogan américain, impossible à transposer tel quel).
Il y a deux ans, vous décriviez dans une lettre à un journaliste comment vous aviez répondu à une offre de l'Anpe pour petits travaux secrétariat, qui n'étaient que des heures de ménage, et comment vous aviez pu tenir en vous faisant soutenir par...Spinoza (oui, Baruch). Vous rentriez en nage le soir et, après une douche (c'était pendant la célèbre canicule), vous calmiez votre révolte en vous plongeant dans des raisonnements abstraits.
Bien sûr, tout le monde ne lit pas Spinoza. Eh bien, le propre du modèle français d'intégration est justement de vous assurer les 600 Euros par mois pour survivre, à travers un complexe dispositif de prise en charge, et cela que vous soyez un ami de Spinoza ou que vous soyez à l'âge de pierre.
Cet exemple, ce qu'il y a de plus réel, de la serpillière et de Spinoza est un raccourci qui vous évite la tentation de vous risquer dans d'éventuelles considérations d'ordre axiologique. Vous êtes en France, le pays où le débat est Roi. Ce ne sont pas les paroles qui font défaut, ni les intellectuels, plus ou moins vrais pour les porter. Vous n'avez qu'à vous en laisser imbiber.
Néanmoins, vous vous dites innocemment qu'il vous semble plus facile d'assurer 600 Euros par mois, qui de toute manière servent à entretenir un circuit économique (bas loyers, commerces, le dispositif administratif en question), que de créer de vrais emplois. Mais, vous n'êtes pas économiste.
En d'autres termes, c'est le modèle de l'égalité devant la loi, de l'égalité des chances aussi. Tout dépend de la grille de lecture, faites appel à vos bagages de base, par exemple Eco, l'"Opera aperta": plus le degré d'ambiguïté est grand, plus c'est poétique. Pourquoi n'y aurait-il pas de poésie en politique?
En tout cas, le modèle est à prendre ou à laisser, ou comme dit un leader français: "la France, on l'aime ou on la quitte". C'est calqué sur le bien connu "Love It or Leave It" des US. Seulement...
 
Carmen Serghie Lopez

31/10/2005

Lettre d'un étranger en situation régulière en France

Monsieur le Premier-Ministre,
Monsieur le Ministre de l'Intérieur,
La question soulevée ces derniers jours concernant le vote des étrangers m'a intéressée, et pour cause. D'après ce que j'ai pu comprendre, elle n'est pas nouvelle, seulement reprise de temps à autre, suivant l'éclairage. Sans doute, est-elle aussi délicate parce qu'elle touche de près à l'aspect de la nationalité française.
Les arguments contradictoires que j'ai écoutés me semblent également justes, dans la mesure où ils relèvent du raisonnement logique sur la primauté de la poule ou de l'oeuf.
Néanmoins, comme je n'ai pas trop lu ou entendu le point de vue d'un étranger en situation régulière, je me permettrais de vous livrer le mien.
Je ne sais pas si je dirais comme mon compatriote Cioran, qui a vécu et écrit en France plus de la moitié de sa vie, qu' un homme qui se respecte, n'a pas de patrie, une patrie c'est de la glu. Mai je lui donne sûrement raison quand il affirme que l'on n'habite pas un pays, on habite une langue. Cela dit, quantité de gens parlent peu ou pas du tout français, ce qui ne les empêche pas d'être citoyens français.
J'habite le français depuis mes toutes premières études en Roumanie. Lorsque j'étais en sixième, les enseignants se disputaient les bons élèves pour former les groupes de langues vivantes, et j'ai failli me retrouver inscrite en russe. Si j'ai opté pour le français, c'est grâce à ma mère qui, sans vouloir me brusquer, a simplement pris un manuel scolaire et m'a lu les premiers mots: "Qu'est-ce que c'est? C'est une porte. Voilà la porte". Décidément...
J'ai fait du français mon travail, mais pour moi c'était d'abord une langue d'amour, et non seulement de communication, comme l'était l'anglais, bien que celui-ci commence à s'insinuer tel un nouvel amour, par procuration, depuis que mon fils s'est expatrié aux Etats-Unis.
J'ai toujours cru que j'étais profondément intégrée en France, d'après la terminologie consacrée, aussi bien par mon parcours, que par ce qui s'en dégageait: le désir et la détermination d'y réaliser quelque chose, en rapport avec une construction actuelle, de créer des ponts et des liens, selon mes moyens.
En faisant le bilan, je dis que j'ai réussi le tour de force de survivre afin de garder un espoir. Autrement dit, pour paraphraser le poète, ma vie en France a été tout aussi lente que mon espérance a été violente...
On m'a fait comprendre (des amis, ou pas vraiment) que les portes allaient rester fermées tant que je ne demanderai pas la nationalité française. Monsieur J., qui vient d'un pays d'Afrique et qui est, lui aussi titulaire d'un doctorat français, est aujourd'hui agent administratif, donc couvert jusqu'à la fin de ses jours. Il m'a expliqué comment les portes s'étaient ouvertes pour lui dès le moment où il avait déposé la demande de naturalisation.
Je vous avoue que deux fois, à 8 ans d'intervalle, j'ai retiré le formulaire à la Préfecture, et deux fois j'ai passé une nuit blanche, la tête entre les mains, sans pouvoir me résoudre à faire la démarche. C'était comme si je chosissais de plein gré de vivre le syndrome de Stockholm (mutatis mutandis).
Il est vrai que je suis Roumaine et que je partage ce que Kundera apelle le destin des petites nations. Mais il n'est pas moins vrai que le contexte historique et politique est autre.
Pourquoi un Américain qui vit en France depuis des années ne demande-t-il pas la nationalité française? Ou bien, pourquoi un Français qui vit à Monaco depuis des années, ne demande-t-il pas la nationalité monégasque? Ils sont résidents étrangers, ils travaillent tout en s'épanouissant (ce qui devient un luxe, même si le terme figure dernièrement dans les Droits de l'homme), et tout en gagnant plus que correctement leur vie.
Peut-on les considérer bien intégrés? Et si oui, comment peuvent-ils l'être sans avoir la nationalité des pays respectifs?...
Comme de millions de personnes, moi aussi, je mets à profit les technologies de la Open Society et je tiens un blog. Je l'ai consacré à l'intégration de la Roumanie dans les structures euro-atlantiques, mais je réalise que c'est plutôt un témoignage sur mon "intégration" en France. Je vous invite à le parcourir, d'ailleurs, je me ferai une joie d'y poster aussi cette lettre.
En vous remerciant pour votre temps, je vous assure, Monsieur le Premier-Ministre, Monsieur le Ministre de l'Intérieur, de mon entière considération.
Carmen Serghie Lopez
(...)

12/10/2005

Quand on vient de l'Est

Hier soir, sur le plateau de "C dans l'air", F5, le thème était "L'Allemagne est une femme". A un moment donné, l'invitée française fait remarquer que la nouvelle chancelière aurait une vision de l'Amérique et de la Russie propre aux gens éduqués à l'Est: "l'Amérique est le phare de la liberté et Poutine est un autocrate..."
C'est pour dire la crainte que quelque chose pourrait changer dans les axes...Après tout, pourquoi pas?  Quant à la vision, je la comprends parfaitement, il me serait difficile, sinon impossible de pratiquer l'antiaméricanisme.
J'entends sur "Euronews" que l'Europe manque de coordination pour faire face à la grippe aviaire.
Le pire, c'est que celle-ci semble avoir choisi la Turquie et la Roumanie.
"Les journalistes étrangers attirent l'atention sur le fait que la Roumanie n'est pas préparée de point de vue logistique, ce qui augmente le danger de la propagation du virus au-delà des frontières de ce pays. France Presse, Associated Press, Reuters suivent de près l'évolution des événements, la grippe aviaire en Roumanie et en Turquie étant l'un des sujets de prédilection ces derniers jours."(EVZ du 10 Oct).
Il est sans doute clair que la Roumanie sera complètement dépassée par ce possible test-catastrophe, et que l'on assistera à des situations pour le moins ubuesques, dans un pays qui chérit l'absurde non seulement comme catégorie esthétique -rappeleons que c'est le pays de Caragiale, de Ionesco, de Cioran...
Jeudi 13 -la Commission européenne confirme, dans la nuit du mercredi 12 au jeudi 13, la présence d'un virus de la grippe aviaire en Roumanie. Il s'agit du premier cas en Europe (dans lemonde.fr)

03/10/2005

"Roumains, je vous demande: ne versez plus de pots-de-vin!"

C'est l'appel que le Président roumain vient de lancer aux 22 millions de concitoyens...."Qu'ils refusent, à partir de demain de donner aux institutions de l'Etat cette malheureuse spaga qui est devenue un sport national." Le président a critiqué la perception selon laquelle où que l'on aille, il faut être "attentionné" avec les autorités, au lieu de revendiquer simplement ses droits.
Le débat est sérieux. Evz publie un numéro de téléphone et une adresse e-mail pour que les gens disent combien, pourquoi et à qui ils ont versé, les auto-dénonciations sont aussi autorisées. Mais les sociologues estiment qu'ils est impossible d'éradiquer le système.
Je pense que cette pédagogie pittoresque concerne plutôt la petite corruption, celle qui fait partie du quotidien, et moins l'autre, celle qui agit en tant que "régulatrice" des marchés. Cela dit, pourquoi ne pas continuer sur cette lancée, en faisant semblant d'ignorer la naïveté désespérée de l'exhortation qui vise à extirper une coutume séculaire, de type prépondérant oriental (à propos, comment va faire la Turquie prochainement? Rappelons qu'en roumain les mots "bakshish" ou "peshkesh" -transcription phonétique- sont turcs et bien antérieurs au terme actuel "shpaga" -toujours transcription phonétique-). C'est une coutume tellement ancrée, qu'elle fait naturellement partie  de la sémiotique de l'échange, du rapport d'autorité et de possession, comme la "captatio benevolentiae" en rhétorique.
En réalité, je crois (en tant que Roumaine) qu'il n'y aurait que deux solutions: soit un authentique décret gouvernemental, soit la délation institutionnalisée. La conscience à elle seule, comme effet de la perception démocratique mettrait trop de temps à s'installer. Or, ce serait bien si, jusqu'en Janvier 2007...