L'esprit américain (02/01/2006)
A tous les visiteurs, une bonne année 2006!
Juste avant la fin de l'année, j'ai eu pourtant une bonne nouvelle. Mon fils m'a appelée pour m'annoncer qu'il avait obtenu l'emploi pour lequel il avait postulé trois semaines auparavant, dans une compagnie présente en Caroline du Sud et également sur tout le territoire. Il avait bien passé les deux premiers tests, il lui restait le troisième entretien, le plus dur: répondre à des questions qu'allaient lui poser non moins de six personnes. Je me souviens en avoir eu autant pour ma soutenance, mais il était question d'une Thèse, et non pas d'une embauche. Donc, il a réussi. Ce sera mieux que l'emploi précédent, puisque davantage dans son domaine: assistant marketing dans les ventes. Il changera aussi d'autoroute, il mettra dix minutes, au lieu d'une demi heure. Je l'avais encouragé, rassuré, et je lui avais suggéré aussi de faire valoir sa triple formation et culture - roumaine, française et américaine. Ce qui en France est plutôt un handicap, aux US pouvait marcher comme atout. Vous n'êtes pas obligé de subir un lavage d'identité pour entrer dans le moule américain, il suffit d'en épouser l'esprit. Lorsque je mets en France sur mon CV formation et expérience professionnelles en Roumanie et en France, je sais bien que je vais dans le mur, mais je le fais quand même. Je suis une fourmi convaincue que ce n'est pas à moi de "m'adapter", mais c'est à une vision dépassée par la réalité d'abandonner la partie.
Néanmoins, au-delà d'un cas particuler, j'ai été impressionnée, en général. Rentrer comme Roumain aux US avec un visa d'immigration il y a à peine six mois, trouver un emploi dans votre domaine trois semaines après, chercher un autre pendant ce temps et l'obtenir, uniquement pour vos compétences, voilà ce qui donne à réfléchir, surtout lorsque je compte le nombre d'années durant lesquelles moi, je n'ai fait que ramer en France. Il est trop tard, de toute manière. Il m'a fallu aussi plus de dix ans pour comprendre que la France ne voyait pas d'un bon oeil l'élargissement à l'est, malgré toutes les déclarations, l'une plus belle que l'autre, et que mon petit projet enthousiaste entre la France et la Roumanie leur semblait sans doute ridicule...Ensuite, je n'ai connu que les petits contrats aidés, comme ceux que l'on propose aujourd'hui, et qui font la frénésie des médias à propos de la baisse du chômage. Ces contrats-là, qui font passer les demandeurs d'emploi de la catégorie visible (I) à une catégorie invisible, et qui représentent un beau cadeau fait aux statistiques. On sait bien qu'il ne s'agit pas d'une vraie création d'emplois, puisque les entreprises n'en créent pas. Sans doute, l'Etat fait-il de son mieux, mais la dynamique du rapport création d'emplois/croissance est simplement parlante.
Vus sous cet angle basique mais essentiel, les anciens pays de l'Est avancent à grandes enjambées. Malheureusement, au prix d'une corruption toujours flamboyante (à propos du rouge de l'ancienne nomenklatura PC reconvertie dans le business, elle et ses proches, car n'oublions pas le fonctionnement typique sous forme de clans).
En Roumanie, l'esprit américain est présent déjà par la place de l'anglais, les entreprises roumaines sont presques toutes bilingues. Même les cartes de voeux que j'ai reçues de Roumanie sont en anglais d'abord, en roumain ensuite. Le cliché selon lequel les Roumains sont francophones est peut-être flatteur, mais pas du tout actuel. Je dois figurer parmi les vestiges (jeunes) d'une Roumanie intellectuelle encore tournée vers la France, mais qui s'en détourne lentement et sûrement. La preuve est que j'ai envoyé une candidature à l'Agence de la francophonie en Juin dernier, sans trop y compter, bien sûr. La Roumanie fait partie de cette organisation depuis '93, mais cela ne veut effectivement rien dire.
Il m'a fallu du temps pour comprendre aussi qu'en France le capital scolaire que j'ai accumulé dans ma vie et qui est mon seul bien, ne suffisait pas. C'est l'appartenance (plusieurs acceptions) qui est de loin plus importante, et c'est elle qui fait trancher. Or là, je ne peux rien. Ce que je peux, c'est accueillir favorablement l'esprit américain. I don't see another solution.
10:10 | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook | | Imprimer
Commentaires
Une année nouvelle commence. Surtout ne perdez pas espoir..
La France est de plus en plus laide, mais un lifting s'impose, et il ne saurait tarder....
Take care
Mikael
Écrit par : Mikael | 02/01/2006
Merci ! Surtout que moi, je n'ai pas besoin de lifting. C'est un cadeau de ma 'race forte et primitive' (Dictionnaire Larousse 1906, l'article "Roumains")
Bien amicalement,
Carmen
Écrit par : Carmen Lopez | 02/01/2006
Les Etats-Unis, nonobstant tout le mal qui en est dit en France, considèrent l'immigration comme un avantage et une ressource. Ici, et quoi qu'on en dise, c'est toujours, dans le réel sordide, un malheur ou un handicap.
Or les deux pays sont construits par l'apport de migrations continues.
Ce qui au-delà de "l'Atlantic Creek" est reconnu, est de ce côté nié.
N'y aurait-il qu'un profond mépris qui ferait qu'au lieu d'avoir éradiqué la pensée aristocrate nous n'aurions en fait que construit une aute forme hautaine et dédaigneuse de la pensée ?
Qui sont ces fonctionnaires dans les préfectures qui méprisent les sans-papiers mais aussi ceux qui en ont ?
Qui sont ces chefs d'entreprises qui se refusent à aux-mêmes l'apport de compétences rares ? Rares, car la contribution d'un regard différent, d'une autre culture est un atout précieux.
Qui sont ces insulaires barbares ?
C'est vrai, hélas, que la rhétorique parle de l'ouverture de l'Europe et que le coeur sec et la déraison disent fermeture....
N'écoutez pas ce qu'ils disent, mais regardez ce qu'ils font !
Une Europe du texte, qui se fait, et une Europe des faits, qui se ferme, ça n'est qu'une Europe qui meurt...
Sur le dos de vies que l'on brise, sans état d'âme....
Mikael
Écrit par : Mikael | 02/01/2006
Merci beaucoup pour ces quelques observations que je trouve d'une grande justesse, et que je ne peux que partager.
Carmen
Écrit par : Carmen Lopez | 03/01/2006