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23/05/2024

La phrase

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(Photo -La Promenade, Nice)

Depuis un moment, on entend le nom de la Roumanie dans la phrase "l’OTAN, qui a une base en Roumanie...". C’est le seul contexte respectable, il faut le reconnaître. Néanmoins, j’ai l’impression que la Roumanie n’y est pas pour grand-chose, elle est extrêmement discrète, plus exactement mutique (dans les médias, chez les dirigeants qui s’expriment, s’ils s’expriment). La presse ne fournit pas d’informations, ne présente aucune analyse digne de ce nom. On dirait un type de censure ou d’autocensure, c’est pareil. La presse ne publie que des articles idiots sur la signification des fêtes religieuses et des traditions, nombreuses dans cet espace mythique où, pour paraphraser un écrivain colombien que j’ai lu récemment, « la malnutrition intellectuelle per capita est impressionnante ».

Cette année, la Roumanie verra toutes les élections possibles : européennes, législatives, locales, présidentielle. Si elle donne l’impression d’avoir une position figée et de ne pas oser bouger, c’est peut-être par ce qu’elle est tétanisée à cause des enjeux. Elle n’a jamais eu une stratégie, en rien, et aujourd'hui encore moins. Elle a une classe politique sous-médiocre, lamentable, une population qui émigre et une population qui reste et qui est indifférente ou impuissante (celle qui souffre de malnutrition  intellectuelle). L’Europe et le monde sont en feu, et la Roumanie n’a que ses Services et ses arrivistes corrompus qui la dirigent, et qui la représentent dans les organisations internationales, des figurants.  

Alors, qu’est-ce qu’on lit à première vue, si on lance une simple recherche sur les bases de l’OTAN en Roumanie ? La base aérienne Mihail Kogalniceanu, qui accueille actuellement 5000 militaires, pour la plupart des soldats américains, va voir sa capacité doubler dans les cinq prochaines années pour accueillir jusqu'à 10.000 soldats et leurs familles. Les travaux (routes d’accès, réseau électrique, nouvelle piste d’atterrissage, des hangars pour avions, des soutes à munitions mais aussi des écoles, des jardins d’enfants, des magasins et même un hôpital) ont été confiés à un consortium [trouvez-le et creusez…]. Un projet lancé en 2021, dont les marchés ont été attribués en juin 2022, d’un montant de 2,5 milliards d’euros.

Sur le site du Ministère français des Armées : « En réponse à la guerre en Ukraine et à la demande des alliés, les armées ont déployé dès le 28 février 2022, soit à peine 4 jours après l’invasion russe, le bataillon « fer de lance » de la Force de réaction rapide de l’OTAN en Roumanie. Depuis le 1er mai 2022, la force déployée a pris la forme d’un bataillon multinational (Multinational Battlegroup) dont la France est nation cadre. Au total, plus de 1 000 soldats français composent le dispositif en Roumanie. Les militaires engagés au titre de l’OTAN dans la mission AIGLE contribuent au renforcement du dispositif dissuasif de l’alliance en Roumanie ».

Sauf un impondérable (comme l’accident d’hélicoptère du président iranien), il semble qu’il faut s’attendre à une guerre longue, une autre version de la Guerre froide, dans laquelle la Russie va déployer, avec la finesse qu’on lui connaît, tous les moyens, surtout la manipulation et la désinformation à l’échelle planétaire. Dans cette noble tâche, elle n’est pas complètement isolée, au contraire, elle a le soutien de l’autre monde - anticapitaliste, antiaméricain, anti-européen - , et la quantité n'est pas négligeable. D'ailleurs, on constate quels peuvent être les effets de l'embrasement idéologique de cet autre monde.

Peut-être que la Roumanie, membre de l’UE et de l’OTAN, a des moments secrets où elle trouve ses engagements trop lourds, ou bien, elle les regrette (il y a des voix identitaires d’un crétinisme absolu chez certains politiques roumains)…Mais c'est plié, camarades! 

23/04/2024

Mises à jour

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(Photo- Le train Galati- Bucarest

Une information de ce matin précise qu’il est urgent que des pays qui possèdent des missiles Patriot aident l’Ukraine, puisqu'ils ne s'en servent pas. Leur voisin agressé manque de matériel et d’hommes.

Comme ce blog a des Archives depuis vingt ans (je suis en train de vérifier et de supprimer parfois), j’ai fait une recherche et j’ai relu quelques observations concernant l’adhésion des pays de l’Est à l’OTAN en 2004. Ensuite, je me suis livrée à un exercice sémantique et de traitement de texte, en sélectionnant les extraits qui pourraient être écrits aussi bien aujourd'hui qu’en 2004. Un exercice amusant et déprimant à la fois, surtout si je me demande ce qui a réellement changé en Roumanie (à part les bases de l'OTAN, en 2005). Voici donc ce qu'écrivait la presse roumaine à l'époque. Depuis quelques années, elle n'écrit absolument rien, elle est quasiment morte. Mais ça, c'est un sujet à part entière... 

                                                                                * 

"Les deux objectifs de l’après-décembre '89 atteints -l'adhésion à l'OTAN et à l'UE-, il manque une vision globale sur l'avenir du pays. L'intégration européenne s'est faite pour des raisons politiques, et non pas parce que la Roumanie aurait le niveau. Si elle continue avec l'agriculture et le commerce, dans 20 ans elle deviendra une sorte de Turquie, alors qu'il faudrait développer les secteurs économiques basés sur l'intelligence. Nous n'avons rien à offrir, et si nous projetons nos ambitions à l'échelle nationale, on voit peut-être la Moldavie, cette région malheureuse dont nous ne savons pas trop quoi faire, et dont personne ne se soucie. La Roumanie se joint à l'UE avec de nombreux handicaps: image internationale négative, corruption supérieure aux niveaux régionaux, administration inefficace et coûteuse, cadre législatif déficient, classe politique rapace, aux mentalités dépassées, portant de fausses valeurs, manquant de professionnalisme et s'épuisant dans des luttes entre les personnes, les partis...Les politiciens plus jeunes proviennent des proches des anciens, qui n'ont quitté la scène politique qu'une fois à la retraite. Peut-être qu'à long terme la Roumanie pourrait se positionner comme un pont entre l'UE et les voisins à l'Est, et comme un médiateur dans le bassin de la Mer Noire.

 Le plus grand défi de la Roumanie demeure sa classe politique. Après des scandales, des luttes, des aventures, les politiciens roumains se retrouvent depuis Janvier 2007 sur une île paradisiaque qui paraît offrir la corne de l'abondance. Ils sont strictement préoccupés de leur petit univers, et pas du tout animés d'un réel sens de la responsabilité publique. Le rôle de la Roumanie dépend de ses politiques, qui doivent redéfinir leur personnalité et changer les vieilles habitudes. La modernisation des institutions et une économie compétitive sont des facteurs primordiaux, mais ils sont freinés par la politisation excessive. Les pays qui ont fait le saut de l'économie compétitive il y a 30-40 ans, tels la Finlande, l'Estonie, l'Irlande ont massivement investi dans l'éducation et se sont orientés vers des domaines à forte valeur ajoutée  -les High-Tech. Les problèmes actuels majeurs -relation avec les US, avec la Russie, la sécurité énergétique, le danger du fondamentalisme islamique- ne représentent pas la préoccupation du milieu politique roumain, plutôt médiocre et sans vision, ni celle de la société roumaine, dominée par la passivité et l'esprit de paroisse."

                                                                    *

"L'entrée dans l'OTAN nous fait revenir dans l'Histoire, après 60 ans. De l'Armée Rouge à l'Armée de l'OTAN

Le 29 mars et le 2 Avril 2004 sont les journées qui ont marqué l'adhésion de la Roumanie au Traité de l'Alliance Nord-Atlantique, la plus importante alliance militaire, dans laquelle les Etats-Unis sont le principal pilier. Elles délivrent un message plus important que les significations de circonstances. Premièrement, il s'agit d'une solution technique aux problèmes de sécurité de la Roumanie, à savoir l'intégration à un système de défense efficient, qui nous protégera devant les éventuelles menaces, mais qui nous obligera à traiter avec responsabilité les risques découlant de toutes les actions de l'Alliance. Deuxièmement, il s'agit d'accéder à un crédit politique international qui pourrait être transformé, si nous faisons preuve d'intelligence, en bénéfices économiques à long terme."

                                                                      *

"Les US ont alloué 28 millions de dollars pour l'emplacement de bases militaires sur le territoire de la Roumanie. L'annonce a été faite hier à Bruxelles par le Ministre des Affaires Etrangères, Mihai Razvan Ungureanu, qui a précisé que cette somme avait été allouée pour le prochain exercice budgétaire. Le problème de l'installation de bases en Roumanie a fait aussi l'objet d'une discussion entre le Ministre roumain et l'Ambassadeur Nicholas Burns, le Chef de la Mission Permanente des US à l'OTAN. En effet, plus la Roumanie parviendra à assumer un rôle actif dans le cadre de l'OTAN, en apportant la spécificité de sa position géostratégique, plus son intégration euro-atlantique sera réussie et plus ferme sera la garantie que la Russie restera loin."

 

 

 

 

12/09/2023

"Brussels, My Love!"

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(Photo-Selfie. Je n'ai pas trouvé une illustration

Vous connaissez, sans doute, cette émission diffusée sur la chaîne Euronews en week-end. Des députés, des maires, des politiques débattent sur des sujets qui nous concernent. Bien entendu, dans un registre plutôt abstrait, théorique, puisque c’est le langage feutré des hautes administrations. Le niveau concret, c’est autre chose. On le voit, on y est confronté dans la vie de tous les jours, et il se présente en fonction des capacités des dirigeants à gérer leurs propres pays européens.

La Roumanie, qui avait finalement déposé un PNRR, n’arrive pas à accéder aux milliards d’euros parce qu’elle refuse pratiquement de mettre en place les réformes que la CE demande : aligner les pensions spéciales énormes, dont bénéficient certains individus des Services, de l’Armée, de la Justice, etc. Il faut noter qu’en Roumanie, considérée toujours officiellement le pays le plus pauvre de l’UE, les fonctionnaires du service public ont des salaires de dizaines de milliers d’euros. La Roumanie a aussi le plus grand nombre de parlementaires, ainsi que des ministères qui explosent de postes inutiles, créés pour les membres des clans familiaux et politiques. Des sinécures, partout. Le pays des sinécures. 

Il est évident que le mécanisme gigantesque de la corruption à tous les étages, tous les niveaux, toutes les branches, demande énormément d’argent. En principe, les fonds européens ne peuvent être détournés, donc à quoi bon faire des projets pour les encaisser, quand on arrive très bien à faire des montages financiers entre les structures de l'Etat et des structures privées, plus ou moins fictives, et tout le monde gagne. Comme dit le proverbe roumain: on vole son propre chapeau (d'ailleurs, un mode de fonctionnement ancestral). Sans parler du fait que le pays n'a jamais eu une stratégie nationale, en rien. En même temps, qui pourrait faire des projets ? Dernièrement, le gouvernement a renoncé à 77O millions d'euros par le PNRR, destinés à la réhabilitation et à la construction d'un nombre d'hôpitaux. Or, avec l'Education, la Santé est le domaine le plus catastrophique. "Le PNRR représente la chance de la Roumanie de sortir d'un sous-développement comparable à des pays d'Asie ou d'Afrique", écrit le quotidien ziaristii.com. Sauf que la Corruption avance main dans la main avec sa sœur jumelle l’Incompétence. Les deux rongent ce pays, dirigé par la deuxième ou la troisième génération issue de la nomenklatura du Parti unique et de la Securitate. 

Revenons au nerf de la guerre, l’argent (bien qu’il n’y ait aucune guerre en Roumanie, et encore moins contre cette gangrène tenace depuis trois décennies de "démocratie"). Que fait donc le gouvernement ? Il augmente les taxes et il emprunte (en toute discrétion, autrement dit en cachette) sur les marchés financiers (vous imaginez à quel taux, car il s’agit de la Roumanie…). Pendant ce temps, tout un monde pourri et inconscient vit sans soucis, fait des alliances de clans dans des mariages somptueux, achète et investit dans la pierre à l’étranger, etc. La belle vie de la "Romanian rotten upper class". Les gens meurent dans les hôpitaux (s'ils y vont, car ils évitent), les foyers pour personnes âgées ou handicapées sont des mouroirs (des patrons voyous font des affaires avec l'Etat sur les mêmes principes d'appartenance au clan familial ou politique), les routes sont meurtrières (drogue, conduite sans permis, et une justice à la tête du client...), il n'existe plus aucune compagnie aérienne digne de ce nom vers le reste de l'Europe (Tarom est mourante, Blue Air a succombé à sa propre corruption), ce qui fait qu'un billet d'avion est ridiculement cher. 

Vous pouvez toujours regarder l’émission Brussels, My Love, vous n’entendrez jamais cela. 

17/08/2023

La littérature, un témoin qui ne meurt jamais

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(Photo -Ma fenêtre à Nice)

De nouveau, ces propos que j'ai déjà eu l'occasion de citer dans des notes antérieures, mais qui me parlent beaucoup, c'est un concentré:

"Si je n'étais pas partie, il m'aurait été impossible de résister ici! Rien qu'en pensant au contact quotidien avec la réalité roumaine, je me rends compte que je deviendrais folle une seconde fois si je devais vivre dans la Roumanie d'aujourd'hui. Il y a tant d'indifférence dans ce pays, et l'indifférence de la population explique aussi tout ce qui se passe (…) La Roumanie post-communiste n'a pas enlevé tous les masques de l'horreur communiste, dont le plus perfide reste celui de la délation, et le plus terrible, celui de l'annihilation de l'intimité (...). Les Services secrets de Ceausescu n'ont pas été dissous, mais renommés SRI. Un ex-collaborateur de la Securitate peut occuper n'importe quelle fonction aujourd'hui en Roumanie ", écrivait Herta Müller dans Die Zeit (cité dans RL), en 2009.

 Le site DW publie aujourd'hui un article à l’occasion de l’anniversaire de Herta Müller, prix Nobel de littérature 2009: « Herta Müller a écrit pour les Roumains les livres qui leur manquaient », dont je résume quelques idées. Harcelée par la Securitate parce qu’elle écrivait ce qu’il ne fallait pas, elle avait été obligée de quitter la Roumanie. Elle écrit en allemand, ce qui fait d’elle un écrivain allemand. Néanmoins, sans la vie vécue en Roumanie, avec les traumatismes subis, les trahisons des amis qui l’ont dénoncée à la Securitate, les sacrifices assumés, les mensonges entendus, la peur du système qui lui a donné en même temps le courage de s’y opposer, la force de ses écrits (autobiographiques pour la plupart) n’aurait pas été aussi pénétrante. Elle a écrit sur la dictature, mais aussi sur la manière dont la majorité de la population et les institutions avaient participé au maintien du régime. Elle a su ne pas abandonner ses principes et défendre ses opinions au risque d’une sincérité qui embarrasse. Elle a refusé d’oublier, de passer l’éponge sur les humiliations et les abus vécus pendant la dictature, elle a nommé les choses, en ne permettant pas aux lecteurs d’oublier l’absurde de ce monde-là. C’est pourquoi elle a dérangé et dérange toujours l’espace public roumain. Un écrivain qui continue de rappeler que la Police politique n’est pas morte, mais qu’elle a proliféré, en créant un capitalisme de clan et de clientélisme joyeux et insouciant, cet écrivain ne pourrait être commode pour une société qui préfère fermer les yeux et se laisser diriger par les successeurs des anciens abuseurs, justement parce qu'il rappelle ce que la majorité intellectuelle souhaite oublier ou plutôt camoufler. Sa traductrice en roumain, Corina Bernic, observe que ce qui en Roumanie a été considéré comme une atteinte au sentiment national de la part de Herta Müller, est en vérité, au contraire, une preuve d’amour et de regret, car vous ne critiquez que ce qui vous intéresse, ce que vous pensez être réparable. Autrement, vous restez indifférent et vous ne vous retournez plus sur le passé. Herta Müller n’a jamais cessé d’interroger le passé.

J’ai lu l’article de DW sur Facebook et j’ai laissé un commentaire, en citant les mots de Herta Müller en 2009, et qui figuraient dans une note sur ce blog. Un bon Roumain m’a injuriée, moi, "avec la Juive Herta". Je l’ai bloqué, la moindre des choses. Mais c’est un détail révélateur. Derrière l’écran, on peut plus facilement déverser sa haine. Et il y a de la haine, beaucoup de haine, si vous touchez le point névralgique de la complicité.

A propos de la haine de la Police politique de la dictature, viscérale car liée au sentiment national et à l’idéologie, je viens de lire un roman de l’auteur danois Michael Katz Krefeld (« Savnet », 2014/ « Disparu », Actes Sud, 2020) qui retrace les derniers jours de la Stasi, avant la chute du Mur, et leur écho vingt-quatre ans après, quand on découvre que beaucoup de familles s’étaient volatilisées lors de ces événements-là. Un colonel de la Stasi et son obsession perverse pour une famille mise sous surveillance, ou de la haine à l’état pur. C’est une œuvre de fiction, oui, mais les méthodes, les techniques du colonel et de l’appareil, c’est la réalité, et peut-être en dessous de la réalité. Pour un lecteur qui a connu le régime totalitaire et sa police, le souvenir des atrocités commises à l’époque de la Stasi (ou de la Securitate ou du KGB) a un effet différent que pour un lecteur occidental, lequel lecteur pourrait flirter avec les principes communistes ou avec le "pacifisme" à n’importe quel prix, ce que l'on voit à propos de l'invasion russe en Ukraine. Cela dit, la littérature reste la meilleure thérapie, comme je l’ai souvent écrit dans les notes publiées sur CEFRO (http://www.cefro.pro/archive/2023/07/25/la-litterature-to...