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13/06/2005

La liberté d'entreprendre

Ce dimanche matin, vous êtes concentrée sur votre café (vous dites que c'est le seul plaisir sûr qui vous manquera dans l'au-delà) et vous écoutez d'une oreille distraite l'invité de l'émission blonde "Thé ou café", l'écrivain Marc Lévy. Vous reconnaissez n'avoir lu effectivement aucun de ses romans -des best-sellers en train d'être portés à l'écran aux US, of course), mais vous n'en êtes pas totalement ignorante, puisque dans vos tours hebdomadaires chez les libraires ils vous sont passés entre les mains. Ce sont des histoires d'amour, or, vous évitez le sujet dans vos lectures (vous l'avez suffisamment traité dans deux Mémoires et une Thèse...).
Mais, à un moment donné vous levez le nez de votre tasse de café et vous regardez plus attentivement l'auteur (c'est un homme séduisant). Il dit qu'il a choisi de quitter la France parce qu'en Amérique il a trouvé la liberté d'entreprendre et il explique (sans trop ménager la sensibilité de son interlocutrice) ce que c'est que ce pays-là où l'on dit très rarement que quelque chose est impossible, où l'on ne coupe pas les têtes qui dépassent, etc. Cela devrait être vrai. L'un de vos compatriotes (Roumain, donc) installé dans le Michigan vous écrivait l'autre jour que faire enregistrer son business a été une affaire de 15 minutes. Vous ne le saurez jamais par expérience directe, vous n'avez plus 37 ans, l'âge auquel vous êtes arrivée en France, où la liberté d'entreprendre (pour vous, en tout cas) a été une affaire de 15 ans, et encore...Car en France vous êtes libre d'essayer, ce qui revient à vous taper la tête contre les murs. Vous avez vécu dans la Roumanie de Ceausescu jusqu'à 37 ans, la Roumanie de l'économie planifiée, des quinquennats, des résultats toujours positifs rapportés aux échelons supérieurs. L'Etat veillait sur vous et sur vos besoins, et vous connaissez trop bien le mécanisme du pourquoi et du comment, puisque le socialisme scientifique était obligatoire avant tout examen de spécialité. C'est, d'ailleurs pourquoi le populisme n'est pas un ingrédient nouveau pour vous, et cela se comprend que vous y soyez allergique.
Le terme "entreprendre" a commencé à avoir du sens pour vous lorsque vous avez décidé de créer votre petite société en Roumanie, comme des centaines de milliers de gens qui se lançaient à eux-mêmes, du jour au lendemain, le pari de l'entreprenariat. Bien sûr, dans la Roumanie des années '90 toutes les formules ont été possibles, surtout celles selon lesquelles on devenait milliardaire en un tour de main. Ce qui, de toute manière, ne pouvait être votre cas. Votre destin (ou choix, comme il est préférable de dire) vous a amenée en France.

Votre problème est que c'est là, en France, et même pas en Roumanie, que vous vous êtes obstinée à exercer votre liberté d'entreprendre. Evidemment, un exercice en pure perte. L'expression vous énerve et vous amuse, elle est employée pour désigner l'amour des mystiques, persévérant et gratuit. Un jour, vous avez compris pourquoi vous ne pouviez pas supporter Thérèse d'Avila - justement à cause de son exaltation amoureuse sans objet concret (ce qui ne l'a pas empêchée d'être une femme d'action et de fonder plusieurs carmels avec son ami Jean de La Croix).
En plus, même si vous dites toujours que vous n'avez rien contre les salons de coiffure ou les commerces de fruits et légumes, ce n'est pas dans ces champs-là que vous avez choisi d'entreprendre. Or, "le tissu économique" de la région ensoleillée où vous habitez n'est pas friand de projets dans la formation de cadres avec les pays de l'Est. Vous avez exprimé votre amertume la dernière fois en réagissant à un article paru dans "Le Monde", "Les miraculées du RMI", qui parlait de deux entrepreneurs-femmes (ce mot a-t-il aussi un féminin? comme la ministre, l'écrivaine -quelle horreur!-, car en France, si changement il y a, il est toujours au niveau de la terminologie).
Au moins, en France vous avez appris que choisir de s'exprimer, c'est choisir d'abord d'être ignorée, ce qui vous fait une grande différence. Dans la Roumanie d'avant '89, ce choix aurait été l'équivalent de l'internement, au meilleur des cas, et la Roumanie d'après '89 n'était pas trop nette non plus.
La liberté, vous ne l'aurez connue qu'en version française. Aujourd'hui, votre enthousiasme est très modéré. Et alors? Voilà, vous avez un blog, vous y écrivez, ce n'est quand même pas exactement comme si vous écriviez sur les murs. Et cela fait partie des NTIC (plus exactement, la Open Society...)
Mais avouez qu'il y a quelques jours vous avez eu une jolie perspective de ce que sera la liberté d'entreprendre d'ici 15 ans: dans la cour de l'école où vous travaillez, les élèves de CM2 jouaient au Monopoly Europe, ils vendaient et achetaient des propriétés dans les capitales européennes (toutes, y compris Bucarest...) en utilisant des billets de banque en Euros. Un intéressant jeu pédagogique, très utile pour former la conscience européenne: sur le plateau de jeu les pays apparaissent dans l'ordre suivant lequel ils ont intégré l'UE, les propriétés les plus côtées sont dans les pays qui étaient à l'origine de cette union, les pays simultanément rentrés sont classés selon la taille de la population de leurs capitales, la position sur le plateau des pays qui ne sont pas encore membres reflète la date à laquelle ils ont postulé pour rejoindre l'UE.
Rencontrer dans les collines niçoises un engouement inattendu pour ce jeu à sujet européen, surtout au milieu du débat actuel, vous a redonné un peu de confiance. Bien sûr, on ne pourra pas arrêter l'histoire. Oui, mais vous?...

06/06/2005

Tout cela ne vole pas haut

Le dimanche matin je respecte fidèlement le même rituel. D'abord, je me prépare un meilleur déjeuner. Ma (sur)vie française n'est rien d'autre qu'une petite entreprise qui me demande de vraies aptitudes administratives et budgétaires et qui occupe la moitié de mon intelligence, telle qu'elle est. Ensuite, je m'installe (avec ce meilleur déjeuner) devant Arte TV pour suivre "Arrêt-sur-images".
Donc, c'est là que j'ai vu hier des séquences diffusées dans l'émission "Envoyé spécial" -une sorte de caméra cachée qui avait capté les réactions de quelques élus après le NON. A la différence du chroniqueur, moi, je ne les ai pas trouvées "croustillantes" du tout. Je suis incapable de garder un détachement amusé lorsque j'entends un personnage politique dire: "Les pays de l'Est? Mais qu'est-ce qu'on a à foutre, des pays de l'Est? Vous avez vu un Letton, vous?"
Je réplique, quand même à un interlocuteur invisible:" Peut-être auriez-vous vu des Roumains, Monsieur le Député, si vous n'avez pas vu de Lettons, et peut-être ne confondez-vous pas au moins Bucarest et Sophia. C'est tellement courant!... Vous avez raison, l'élargissement c'est l'affaire de Bruxelles, vous n'en êtes pas concerné."

Bien sûr, je n'ignore pas que le mépris, le cynisme sont des lieux communs en politique. Parfois, ils peuvent représenter l'authenticité par rapport à la censure du politiquement correct. Autrement dit, ce n'est que lorsqu'"ils se lâchent" comme cela que certains politiques sont vrais. Et c'est pareil sur les bords de la Seine ou sur les bords de la Dambovita (la rivière qui traverse Bucarest).
Seulement voilà, tout-à-coup ma petite escalope de dinde au gratin de courgettes n'a plus de goût...
Carmen Lopez

30/05/2005

Le NON-emballage

Tristesse pour l'Europe, tristesse pour les 45% des Français qui n'ont pas confondu les enjeux d'une politique intérieure spécifique et ceux d'un processus concernant 27 pays européens (je compte aussi les deux derniers adhérants, la Bulgarie et la Roumanie). Le NON n'est certainement pas le signe d'un progrès, quels qu'en soient les arguments qui servent d'emballage pour des peurs et des ressentiments solidement et depuis longtemps ancrés, et que l'on n'a pas vraiment fait l'effort de dissiper.
Le Traité constitutionnel européen n'a pas été conçu sur une île déserte, mais élaboré pendant de longs mois dans les conditions de la représentation démocratique, de la transparence et de la communication. Normalement, ce n'était pas un OVNI menaçant.

Hier soir, Monsieur Pierre Moscovici, qui est aussi le Rapporteur parlementaire pour la Roumanie au Parlement Européen disait "qu'il faut maintenant des initiatives françaises" et "qu'il faut expliquer l'Elargissement, ce qui n'a pas été fait non plus par le précédent gouvernement". Personnellement, j'en suis plus que convaincue, le petit projet motivé par l'Elargissement et que je m'obstine depuis cinq ans à mettre en place en France n'en est qu'un infime témoignage.
Néanmoins, je me demande quelles pourraient bien être les "initiatives françaises" dans ce contexte.

Carmen Lopez
serghie_carmen@yahoo.com

28/05/2005

Le thriller Made in Romania

Avec une surprenante parcimonie, la presse roumaine résume l'inculpation des auteurs ayant initié et organisé l'enlèvement des journalistes roumains en Irak. Devant la Cour d'Appel de Bucarest, Omar Hayssam explique lui-même les dessous de l'affaire: ses relations d'affaires avec le poste "Prima TV" et avec le quotidien "Romania Libera", en plus de ses relations personnelles avec la famille de la journaliste.
Donc, si j'ai bien saisi: il a proposé aux journalistes le financement du voyage, a arrangé leur enlèvement pour proposer ensuite sa médiation dans leur libération...
Mais voilà que la justice roumaine tire au clair les tenants et les aboutissants de cette affaire.
Seulement, petite remarque d'ordre chronologique: c'est toujours dans la presse qu'on pouvait lire qu'Omar Hayssam avait été d'abord arrêté sur l'aéroport, le lendemain de l'enlèvement, et après on l'inculpait pour une infraction économique d'il ya quelques années. On précisait aussi que les Américains avaient déjà commencé les investigations sur Hayssam.
Un peu d'esprit de suite, quand même!...
Bien sûr, beaucoup ont flairé dès le début la supercherie, rien qu'en lisant les infos données par la presse. Comme on lit sur un forum dans EVZ: "une mauvaise pièce de théâtre, à l'intention des sots" .
Ce qui apparaît clairement est le vaste sujet de l'éthique du journalisme en Roumanie.