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23/10/2017

Corruption kills

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(Mes photos - Fleurs d'artichaut)

Il y a une semaine, la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia a été tuée par une bombe placée sous sa voiture. Les derniers mots qu’elle a écrits sont : There are crooks everywhere you look now. The situation is desperate. Voici son site et le post Facebook de son fils, publié dans le journal IndependentElle dénonçait la corruption d'Etat. Mais si vous cherchez et recoupez les infos (Malte, Panama Papers, Banque, Azerbaïdjan..), vous sortez vite des frontières d’un Etat, car c’est de la corruption généralisée transfrontalière qu’il s’agit. Les hauts responsables européens ont exprimé leur stupéfaction, etc. Le gouvernement de Malte (celui même sur lequel porte les investigations de la journaliste) a promis un million d’euros à qui pourra faire des révélations susceptibles d’arrêter l’assassin/le commanditaire (la bombe a été actionnée à distance). Mieux encore, il a fait appel au FBI dans cette enquête. On dirait un thriller politique, film ou livre, sauf que c’est la réalité dans laquelle nous baignons.

L’assassinat de la journaliste m’a beaucoup affectée. Elle avait choisi de dénoncer les rouages de la corruption, avait pris ce risque (dans un pays de l’UE..), et a finalement payé de sa vie. Elle avait quatre fils. « La corruption tue », « Corruption kills » dit le slogan de ces organisations démocratiques et honorables que nous connaissons tous, et il faudra lire ainsi l'avertissement: la corruption tue ceux qui la dérangent. « Tu n’as pas de voiture », m’a dit Claudiu, quand nous avons parlé au téléphone. Les pratiques d’intimidation contre les voix qui dénoncent, ou qui montrent où il faut regarder, couvrent une gamme assez large, de la plus soft (insultes, blocage de site ou de compte Facebook, Twitter..), à la plus radicale. Ce petit pays européen, dont le gouvernement était directement visé, n’a vraisemblablement pas hésité. Les hommes de main, c’est la chose la plus facile à trouver. Ceux qui dénoncent ne sont pas ceux qui décident, et ceux qui sont censés décider siègent normalement à des niveaux où les aspects dénoncés sont plutôt interprétables…Il me vient à l'esprit en ce moment une institution de l’UE, l'OLAF -l’Office européen de la lutte contre la fraude- qui n’a jamais trouvé la moindre irrégularité dans un pays gangrené comme la Roumanie. En tout cas, je n’ai jamais eu connaissance de quelque enquête commencée et aboutie, à part les conseils habituels en langue de bois dans les rapports annuels du Mécanisme de contrôle et de vérification mis en place déjà depuis quelques années.. Et là-haut tout le monde est au courant. Mais qui voyez-vous (nommément) agir en conscience pure et dure ? Moi, je ne vois personne.

Comment expliquer qu’un pays européen, auquel on alloue des centaines de milliards d’euros, en fonds et programmes, n’ait aucune autoroute, n’ait rien renouvelé de son infrastructure qui tombe en ruine, n’ait pas un système de santé décent et fonctionnel, n’ait pas un système d’éducation et de formation professionnelle digne du XXIe siècle? Comment sont siphonnés les fonds, où vont les milliards ? En général, dans les paradis fiscaux, au travers de montages sophistiqués et légaux. Certains de ces paradis sont si respectables, qu’ils propulsent leurs propres responsables à la tête des instances démocratiques. En même temps, il faudrait remarquer en parallèle la manoeuvre qui consiste à multiplier les supports d’information propageant, dans un langage abusivement optimiste, des « réalités » fabriquées de toutes pièces. On apprend ainsi que la Roumanie a la plus grande croissance européenne (on ne dit pas de quoi est faite cette « croissance »), qu’elle est très attractive pour les investisseurs, qu’elle bénéficie d’une formation d’excellence.., mais, que, c’est vrai, « malgré de récents progrès, la corruption demeure une source constante d’ennuis » (ah, l’euphémisme à la française!), bref, ce n’est pas mal du tout.. Les bras m’en tombent. Je cherche juste par curiosité : un journal français en ligne citant "The Guardian", où il a pu dénicher ces pépites, avec un commentaire élogieux sur la Roumanie posté par un cabinet français de conseil en stratégies Roumanie, Bulgarie, Moldavie et Serbie depuis 1992 (l’année et la durée font tilt chez moi, je n'y peux rien..). Je sais comment lire, en plus, il me semble connaître tout aussi bien la France que la Roumanie. Les bons réseaux fidèles ne meurent jamais. Ainsi tourne notre monde.  

Sur ce blog, d'autres notes au sujet de la corruption - autochtone ou européenne: Corruption CE (2007); Croissance (2014); Enjeux (2014)

Sur le site de CEFRO, une note ingénue, au sujet d'un projet ingénu: Bridge building (2014)

04/10/2017

Le général de la Securitate

securitate,roumanie,actualités

(Mes photos- Le Danube en Roumanie

Il vient de mourir, à 86 ans, entraînant dans sa disparition le mythe de la Securitate patriotique qui aurait empêché le démembrement de la Roumanie par des forces occultes de l’extérieur, en ’89. Les événements d’il y a 28 ans n’ont jamais été vraiment clarifiés, qui aurait pu le faire, déjà ? La société, à tous ses niveaux et paliers, a été l’objet d’une manipulation infernale, l’histoire a été réécrite de manière à sauvegarder les intérêts et le pouvoir de ceux qui en avaient le contrôle, hier comme à présent. La Securitate a été la plus odieuse institution de l’Etat, et elle ne s’est pas dissoute dans l’eau de pluie de la démocratie nouvelle. Néanmoins, il fallait changer quelque chose, par-ci, par-là, ce qui était trop visible, ou trop compromis. Ils savent si bien faire. 

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15/09/2017

La Roumanie irrespirable...

Roumanie, régression, émigration, manque de compétences, corruption, parti social-démocrate

(Mes photos - Vue de la fenêtre de l'hôtel de l'aéroport, Bucarest)

On dirait qu’il n’y a jamais eu en Roumanie un marasme plus fort et plus suffocant. Les institutions sont en régression, la population se résigne. L’Etat roumain glisse dramatiquement dans une zone de médiocrité agressive. Le bon sens, l’esprit critique, la décence, la compétence de base sont suspects. Le parti social-démocrate [le parti qui gouverne, et d'ailleurs synonyme de parti unique, car l'opposition est quasiment inexistante] représente la Roumanie à petite échelle, la Roumanie pour laquelle la liberté économique et la liberté intellectuelle n’ont aucun sens, et qui n’est qu’une succession de fiefs locaux, d’ensembles de communautés décrépites et dépeuplées, maintenues dans une perpétuelle dépendance par l’action de l'Etat devenu une Kleptocratie. Le parti social-démocrate représente cette Roumanie anesthésiée par les télévisions et rendue hystérique par les débats faits de calomnies, de vociférations et d’attaques ignobles. Il est l’héritier du Front du salut national de 1990, de l’ancien parti communiste, il est l'ennemi le plus redoutable de la modernité dans ce pays. Nous menons un combat quotidien contre la tentation du silence et de la résignation, en nous accrochant aux paroles de la liberté, dernier rempart. A ce stade du marasme, la critique devient un exercice sans importance, qui s’adresse à une nation indifférente à sa propre régression.

J’ai résumé et adapté un article publié sur le site contributors.ro. Bien sûr, les lecteurs roumains sauront reconnaître parfaitement les réalités auxquelles il renvoie, mais ce n’est pas cela qui va changer quoi que ce soit, au point où nous en sommes. Le pays se vide, des centaines et des milliers de roumains le quittent chaque mois. Les compétences manquent: non seulement des médecins (la Roumanie a le taux le plus élevé de mortalité due au cancer, elle n’a que quelques médecins oncologues, elle n’a pas d’équipements pour les traitements, ni de médicaments, et elle tue, professionnellement parlant, même le peu de médecins téméraires qui, formés dans des cliniques occidentales, reviennent travailler dans les hôpitaux roumains catastrophiquement gérés..), mais aussi des plombiers, des ouvriers en bâtiment. A un moment donné, il n’y aura pas une autre solution que de les remplacer par des migrants venus du tiers monde. Et ce sera l’effondrement garanti de ce pauvre pays (européen). 

Je ne sais pas dans quelle mesure ce que traverse la Roumanie à ce jour préoccupe les institutions internationales dont elle fait partie, depuis une dizaine d’années. Certains officiels roumains inconscients se sont exprimés pour la suppression du Mécanisme de coopération et de vérification -MCV (je dis inconscients, car en parcourant ce document officiel, et en le recoupant avec la vraie réalité, et non celle qui figure dans les rapports bureaucratiques, je ne vois pas beaucoup de coïncidences). Ils ont aussi déposé une candidature pour que Bucarest accueille l’Agence européenne du médicament (en compétition il y a des villes normales, comme infrastructures, trafic - Helsinki, Amsterdam, Stockholm, Barcelone, Paris..). Mais la cerise sur le gâteau, c’est que la Roumanie attend la confirmation de sa candidature à l’OCDE! Elle remplit les critères, nous dit-on.. Et tout cela à un stade de régression réelle jamais atteint jusque-là.. Ce qui fait peur, en l’occurrence, ce n’est pas tant la Roumanie, mais les institutions internationales qui, dans leur routine spécifique, et en fonction de critères et d’intérêts moins transparents, ou carrément étranges, lui ouvrent l’accès, au lieu de la regarder de plus près, telle qu'elle est. En immersion, si possible. 

 
 

12/07/2017

Je reste en France

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(Mes photos- Laveurs de carreaux, Nice Etoile)

Voilà un quart de siècle que je vis en France, et son administration ne m’est plus étrangère. La qualité fondamentale que je lui trouve, c’est qu’elle n’est pas corrompue (du moins au niveau des services de base). Vous ne glissez pas quelque chose (argent, cafés, chocolats, parfums, etc…) pour obtenir un document auquel vous avez droit, comme c’est la coutume dans certains pays, vous ne payez pas en même temps votre billet de train et le guichetier qui vous le donne, comme en Inde. Si les fonctionnaires français ont de nombreux privilèges, c’est bien pour empêcher la corruption. Seulement, la nature humaine étant ce qu’elle est, il existe un revers de la médaille. On ne se sent pas forcément motivé pour accomplir attentivement ou correctement les tâches de son poste de travail (on a la sécurité de l'emploi), on peut faire preuve d’un manque de souplesse élémentaire à établir des connexions entre les cases, ce qui peut créer des bugs ou des dysfonctionnements surprenants.. Je me suis parfois demandé si la personne en face de moi était hostile, ou simplement stupide ou obtuse.

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