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12/09/2023

"Brussels, My Love!"

euronews,émission,pnrr,roumanie,corruption

(Photo-Selfie. Je n'ai pas trouvé une illustration

Vous connaissez, sans doute, cette émission diffusée sur la chaîne Euronews en week-end. Des députés, des maires, des politiques débattent sur des sujets qui nous concernent. Bien entendu, dans un registre plutôt abstrait, théorique, puisque c’est le langage feutré des hautes administrations. Le niveau concret, c’est autre chose. On le voit, on y est confronté dans la vie de tous les jours, et il se présente en fonction des capacités des dirigeants à gérer leurs propres pays européens.

La Roumanie, qui avait finalement déposé un PNRR, n’arrive pas à accéder aux milliards d’euros parce qu’elle refuse pratiquement de mettre en place les réformes que la CE demande : aligner les pensions spéciales énormes, dont bénéficient certains individus des Services, de l’Armée, de la Justice, etc. Il faut noter qu’en Roumanie, considérée toujours officiellement le pays le plus pauvre de l’UE, les fonctionnaires du service public ont des salaires de dizaines de milliers d’euros. La Roumanie a aussi le plus grand nombre de parlementaires, ainsi que des ministères qui explosent de postes inutiles, créés pour les membres des clans familiaux et politiques. Des sinécures, partout. Le pays des sinécures. 

Il est évident que le mécanisme gigantesque de la corruption à tous les étages, tous les niveaux, toutes les branches, demande énormément d’argent. En principe, les fonds européens ne peuvent être détournés, donc à quoi bon faire des projets pour les encaisser, quand on arrive très bien à faire des montages financiers entre les structures de l'Etat et des structures privées, plus ou moins fictives, et tout le monde gagne. Comme dit le proverbe roumain: on vole son propre chapeau (d'ailleurs, un mode de fonctionnement ancestral). Sans parler du fait que le pays n'a jamais eu une stratégie nationale, en rien. En même temps, qui pourrait faire des projets ? Dernièrement, le gouvernement a renoncé à 77O millions d'euros par le PNRR, destinés à la réhabilitation et à la construction d'un nombre d'hôpitaux. Or, avec l'Education, la Santé est le domaine le plus catastrophique. "Le PNRR représente la chance de la Roumanie de sortir d'un sous-développement comparable à des pays d'Asie ou d'Afrique", écrit le quotidien ziaristii.com. Sauf que la Corruption avance main dans la main avec sa sœur jumelle l’Incompétence. Les deux rongent ce pays, dirigé par la deuxième ou la troisième génération issue de la nomenklatura du Parti unique et de la Securitate. 

Revenons au nerf de la guerre, l’argent (bien qu’il n’y ait aucune guerre en Roumanie, et encore moins contre cette gangrène tenace depuis trois décennies de "démocratie"). Que fait donc le gouvernement ? Il augmente les taxes et il emprunte (en toute discrétion, autrement dit en cachette) sur les marchés financiers (vous imaginez à quel taux, car il s’agit de la Roumanie…). Pendant ce temps, tout un monde pourri et inconscient vit sans soucis, fait des alliances de clans dans des mariages somptueux, achète et investit dans la pierre à l’étranger, etc. La belle vie de la "Romanian rotten upper class". Les gens meurent dans les hôpitaux (s'ils y vont, car ils évitent), les foyers pour personnes âgées ou handicapées sont des mouroirs (des patrons voyous font des affaires avec l'Etat sur les mêmes principes d'appartenance au clan familial ou politique), les routes sont meurtrières (drogue, conduite sans permis, et une justice à la tête du client...), il n'existe plus aucune compagnie aérienne digne de ce nom vers le reste de l'Europe (Tarom est mourante, Blue Air a succombé à sa propre corruption), ce qui fait qu'un billet d'avion est ridiculement cher. 

Vous pouvez toujours regarder l’émission Brussels, My Love, vous n’entendrez jamais cela. 

25/07/2023

Déni ou acceptation?

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(Photo- Rue à Nice)

 

Comme nous savons bien, même sans l’avoir à l’esprit consciemment, autour des événements importants et qui ont marqué notre vie, nous ressentons la trace laissée par l’événement, sous une forme ou sous une autre. Bien entendu, nous pouvons toujours recadrer un souvenir, parce que, à chaque fois que nous le récupérons, nous le modifions un peu, le plus de recul nous faisant reconstituer un tableau quelque peu différent, vu sous un autre angle. C’est, d’ailleurs, l’art du recadrage, dont parle Watzlawick, et qui est utilisé en thérapie : la transformation porte sur ce qui arrive, et non sur son pourquoi.

Dans une note de 2013, je revoyais « mon tableau » des 23 années depuis que j’avais mis les pieds en France. Me voilà, à quelques jours de l’anniversaire des 33 années. Est-ce un anniversaire ? Oui, étymologiquement. Presque biblique, comme chiffre, c’est l’âge officiel de Jésus, n’est-ce pas…L’élément nouveau dans cette reconstitution du tableau, c’est la lassitude, une sorte de résignation plutôt philosophique, où l’espoir occupe une place réduite, mais où la capacité de révolte est paradoxalement intacte.

Pendant trente-trois ans, la Roumanie a travaillé constamment à tuer dans l’œuf toute compétence professionnelle réelle, en tissant avec méthode une toile solide faite de corruption, de clientélisme, de népotisme, à tous les niveaux de la société, et à des degrés variables. Le résultat: le règne de l’imposture et de l’incompétence arrogante et agressive, travestie en démagogie identitaire, en susceptibilité nationaliste et religieuse. Des responsables politiques qui n’ont aucune qualification ou profession et, naturellement, aucune vision. Comment pourraient-ils en avoir, bardés de diplômes achetés, trafiqués, de titres ahurissants ? La Roumanie ne sera jamais capable d’autre chose que de copy/paste (copier/coller) dans tout, et elle restera toujours un pays dirigé par les gens des Services. Ceux-ci ne sont pas exactement les mêmes qu'à l'époque de la dictature communiste, forcément, certains sont à la retraite ou sont morts, d'autres sont des hommes d'affaires, des politiques, ou de hauts fonctionnaires, mais l'esprit est resté. Une jeune génération, issue de toutes sortes d'académies nationales de sciences économiques ou de police (la pépinière) est, en règle générale, de la même « famille » et renforce le même système - comme en Russie, cela ne pourra disparaître, telle une hydre éternelle. A l’heure des réseaux sociaux, des théories du complot, de la propagande autrement, des influenceurs rémunérés et des 'patriotes' bénévoles, leur action s’est évidemment adaptée. Un seul objectif : protéger l’hydre, peu importe où se trouvent ses têtes, dans la Justice, dans les institutions de l’Etat, dans les partis politiques, dans les affaires...

Dans une note de 2016, je me donnais la peine de traduire du roumain un article signé par un psychologue, article qui m’avait paru assez pertinent parce qu’il faisait une observation de bon sens: tant que nous serons dans le déni de ce qui nous arrive, nous n’en sortirons pas. Récemment, j’ai eu l’occasion d’écouter un autre psychologue roumain, recteur d’université celui-ci, qui est convaincu que la solution pour la morale dans notre société se trouve dans la religion et dans la pratique de celle-ci. L’église orthodoxe est, sans doute, ravie de ce soutien. Nous sommes au XXIe siècle, mais les valeurs humanistes n’ont qu’à attendre encore dans ces régions-là…

Toutefois, en relisant aujourd'hui l’article en question, je dirai qu’il ne s'agit ni de déni ni d’acceptation, dans le sens d’accepter une réalité, de la regarder en face avec lucidité, afin d’opérer un changement. Loin de là, et c’est pourquoi la Roumanie n'a pas d’issue, et c'est pourquoi son cas est spécial. Il est question de se complaire sciemment, de critiquer un état de choses d’une part, et de l’entretenir, de le nourrir, chacun à son échelle, dans ses interactions individuelles, professionnelles, politiques, d’autre part. La toile est indestructible, forte et primitive (comme écrit ce Larousse de 1906 : Roumain : race forte et primitive ).

Trente-trois ans après la chute officielle du communisme, le tableau n’est pas beau à voir, et c’est le moins que l’on puisse dire. Dans le même temps, est-ce que l’OTAN et l’UE pourront nous empêcher de sombrer? 

http://elargissement-ro.hautetfort.com/archive/2013/07/31...

http://elargissement-ro.hautetfort.com/archive/2016/11/02...

01/04/2023

Avril 2023

fonds ue,roumanie,absorption impossible

(Photo- Des pâquerettes, comme des euros)

 

Peu avant Pâques, voici l'Evangile roumain (étymologiquement, la Bonne Nouvelle): la Roumanie est prête à absorber les dizaines de milliards d’euros européens grâce à son PNRR ! Elle va monter des projets nécessaires et remarquables dans l’infrastructure des transports (chemins de fer, routes et autoroutes, avions), l’éducation, le système de santé, l’administration. Pour mettre tout cela en oeuvre, elle va bénéficier de la vision claire, stratégique, de ses dirigeants politiques, conseillés (comme le veut la tradition) par des Services modernes et efficaces. Mais elle va bénéficier surtout des hautes compétences professionnelles des milliers de porteurs de projets, engagés joyeusement dans ce vaste chantier de reconstruction digne d’un pays européen démocratique et fier de l’être.  

C’est un poisson d’avril, bien entendu.

La réalité est plutôt dans cette note que j'ai écrite en juillet 2020, quand le pactole a été voté par l’Union Européenne, lors d’un sommet historique à Bruxelles. Aujourd'hui, c'est clair et net: la Roumanie n'a rien à faire de ces fonds-là, l'absorption est impossible, on reste comme on est, ça va, non? Enfin, elle continue à se dégrader et à dégringoler ce qu'il lui reste encore de la pente.

Ce pactole européen qui va partir en fumée

 

19/02/2023

La dépression roumaine

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(Photo- Des vêtements pour le décédé, à la morgue)

Cette semaine, en Roumanie, deux aspects plus déprimants que d’autres, à mes yeux. 

Le premier est lié au Plan National de Relance et de Résilience (PNRR) censé apporter plusieurs dizaines de milliards d’euros. Mais il faut avancer des projets viables, ce qui n’a rien de nouveau depuis que le pays est entré dans l’UE. La Roumanie a toujours eu le plus bas taux d’absorption de fonds européens, et cela pour des raisons très simples: elle ne peut plus détourner facilement les fonds, car la Commission a multiplié les conditions à remplir, et elle n’est pas non plus capable de monter des projets pour la collectivité (même pas la construction d’une autoroute !). Ses élus préfèrent les contrats avec l’Etat, une porte ouverte à la corruption, au clientélisme, aux sinécures.

Et voilà que la Commission Européenne conditionne les fonds du PNRR par les réformes concrètes dans le domaine des pensions de service (appelées aussi spéciales, des montants énormes, difficilement imaginables pour un pays pauvre comme la Roumanie), et par une réforme plus ample du système public des retraites. On lit sur le site du gouvernement cette information concernant les actes normatifs adoptés dans la réunion de fin décembre 2022 : Les modifications adoptées établissent le fait que les pensions de service seront calculées à partir de l'ancienneté dans la spécialité et avec la réduction du pourcentage de calcul lié au revenu du travail, et la période minimale de cotisation sera similaire à celle appliquée dans le système public de retraite.

Je vais traduire en langage accessible, car il ne faudra surtout pas imaginer que les pensions insolentes vont disparaître par un coup de baguette magique dans un pays profondément corrompu. En fait, la Roumanie fait ce qu’elle sait faire depuis toujours, elle s’efforce de jouer sur les deux tableaux : d’un côté, elle s’engage auprès de la Commission, et de l’autre côté elle met toute son intelligence en œuvre afin de trouver des artifices et des combines juridiques pour conserver les avantages d’une armée de parlementaires, de magistrats, de militaires, etc. C'est comme cela qu'il faudra lire la note du gouvernement. 

Le deuxième aspect, macabre, semble relever de l’éthique professionnelle individuelle, ou de la conscience, tout court. Néanmoins, ne nous y trompons pas, il relève du système roumain, dans son ensemble. Un médecin cardiologue à l’hôpital de Iasi a réalisé, depuis 2017, un nombre de 238 prélèvements de dispositifs médicaux sur des personnes décédées et les a réimplantés à des patients. On parle de pots-de vin et aussi du fait que certains diagnostics étaient fictifs, et que les interventions n'étaient pas nécessaires. L’enquête vient de commencer, mais il est difficile de croire à la responsabilité d’un seul individu dans ce type d’opération. En tout cas, entre le système sanitaire roumain et le système judiciaire roumain, on a de faibles chances de voir la lumière. On comprend bien qu’il s’agit finalement d’un mode de fonctionnement, d’un mode de pensée, et que ce pays ne s’en sortira jamais. Comme le résument bien ces lignes lues sur un réseau social : Ce pays est un cancer. Des médecins, des fonctionnaires, des enseignants, des notables, des directeurs, des citoyens lambda, partout rien d'autre que des métastases avancées. Nous nous noyons dans l’incompétence, l’indifférence, la bêtise, le népotisme, l’arrivisme, l’avidité, la peur, la fraude, comme dans un marécage.