28/02/2022
La guerre aux portes de l'Europe
(Mes photos -Couleurs symboliques)
Ce qui me touche particulièrement, en suivant les informations, c'est la responsabilité tragique que doit ressentir un président qui défend son pays encerclé et attaqué. Et sa solitude aussi, car l'Alliance atlantique ne peut intervenir, en tant que telle. Au-delà de toutes les explications historiques et politiques qui sont avancées ces jours-ci, je vois le cas psychiatrique du décideur de cette guerre, sa guerre. Il vient d'ordonner à son chef d'état-major et à son ministre de la Défense de "mettre les forces de dissuasion de l'armée russe en régime spécial d'alerte au combat", et on comprend ce que cela signifie.. Un historien roumain, Madalin Hodor, publie dans Revista 22 l'article "In capul lui Vladimir Putin" (Dans la tête de Poutine) et il explique que le leader russe ne voudrait pas réécrire l'histoire, mais plutôt lui apporter des corrections, car il n'aimerait pas comment les choses se sont passées. Il me semble que ce désir de vouloir corriger l'histoire est le délire messianique du président orthodoxe, ancien agent du KGB, un délire qui a dû évoluer sensiblement ces dernières années. Comme souvent, un délire peut être structuré, et c'est son cas.
Quatre jours après l'invasion russe en Ukraine, un quotidien américain (The Newyorker) remarque une évidence: la stratégie de l'Ouest aurait donné à Poutine une raison pour attaquer, mais maintenant il est clair qu'il en avait depuis longtemps l'intention, peu importe ce qu'auraient fait les Etats-Unis et l'Europe. Pendant vingt ans, des hommes politiques, des chefs d'Etat ont cultivé Poutine, en voyant en lui un facteur de stabilité en Russie. Cela s'est avéré faux, car l'histoire ne ment pas, et elle se répète, comme on le constate.
Aujourd'hui, on a l'occasion de voir concrètement que les deux seules réalisations de la Roumanie, depuis la chute du Mur, sont l'appartenance à l'UE et à L'OTAN.
Update. 7 mars
Douze jours après, la situation en Ukraine s'aggrave, des villes sont tombées ou sont encerclées, l'expansion russe se poursuit. La Russie ouvre des couloirs humanitaires vers... la Russie et la Biélorussie, une manière de déporter les gens, de s'en servir comme des boucliers humains. Le président français a dénoncé "le cynisme moral et politique de V.Poutine", tout en affirmant la volonté de continuer à "mener la pression diplomatique pour que la guerre s'arrête".
Hier soir, j'étais en train de regarder un débat, et c'est avec tristesse que je constatais, pour la énième fois, que certains intellectuels, hommes politiques, n'arrivaient toujours pas à comprendre ce que le régime soviétique avait représenté dans les pays de l'Est. Autrement, ils auraient compris pourquoi ces pays avaient demandé à adhérer à l'OTAN dès la fin des années '90, ainsi qu'à l'UE. Et je sais pourquoi je ne lirais pas de poèmes d'Aragon, le stalinien (j'y ai été obligée, à l'époque où j'étudiais la littérature française, à l'université de Bucarest). Parce que même en ce moment, où les bombes russes tombent sur un Etat indépendant, au coeur de l'Europe, il existe des intellectuels et des hommes politiques qui s'efforcent de nuancer, en affirmant que nous n'avons pas bien su approcher Monsieur Poutine...
08:48 Publié dans Actualités, Enjeux, Evénement, Publié sur Facebook, RO-EU-USA/Coopération | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ukraine, russie, poutine, guerre, ue, otan, roumanie | Facebook | |
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02/04/2019
"La corruption est le nouveau communisme"
(New-York -Crédit photo Claudiu Nedelea)
C’est la théorie développée par le professeur américain Michael Mandelbaum, qui analyse de point de vue politique la grande corruption et son rôle national et international. Tout comme le communisme, la grande corruption est l’instrument utilisé par un Etat dans la consolidation de sa domination à l’intérieur et pour son influence à l’étranger. Sans couleur idéologique, la corruption se développe de la même manière et a les mêmes effets négatifs et dévastateurs que le communisme. Elle peut avoir une pertinence géopolitique par son possible impact sur la stabilité régionale, ce qui peut déclencher des guerres.
Il existe une distinction à faire entre la grande corruption et la corruption en général. La première signifie l’utilisation illégale du pouvoir de l’Etat par ceux qui la détiennent et qui transfèrent massivement les ressources du pays vers leurs propres intérêts, afin de s’enrichir rapidement. Ultérieurement, cette richesse deviendra une base du pouvoir. C’est ainsi qu’une démocratie est transformée, par le groupe au sommet de l’Etat, en une cleptocratie. Pour se protéger et pour se maintenir, ce groupe devra contrôler sa politique intérieure et sa politique étrangère de manière de plus en plus autoritaire. Quels sont les effets à long terme de la grande corruption ? Tout comme le communisme, elle mène à la faillite économique, en empêchant le développement sain, naturel et fonctionnel de l’économie d’un pays. Au fur et à mesure que le niveau de vie se détériore et que les problèmes s’aggravent, la politique toujours plus autoritaire voudra empêcher que les frustrations des gens échappent au contrôle et que le régime en place soit contesté. Le régime de Ceausescu, par exemple, savait doser le mensonge (la propagande) et la violence. Par ailleurs, un régime basé sur la grande corruption, et qui a échoué dans l’autoritarisme et la faillite, fera appel au nationalisme afin de continuer à trouver une légitimité. La grande corruption, pareil au communisme, engendre des régimes autoritaires et nationalistes. Exemples : la Russie, la Chine, l’Iran.
Ce débat académique américain concerne la Roumanie pour deux raisons. La Roumanie a son propre combat contre la grande corruption, héritière du régime communiste. Elle ne peut rester indifférente à cette réflexion occidentale, surtout que c’est une théorie qui va très probablement être intégrée dans la stratégie majeure consistant à contrecarrer l’influence des pays autoritaires, comme la Russie et la Chine. En Roumanie, nous avons à ce jour une corruption de type russe, et non occidental, ce qui fait notre deuxième point commun avec la société russe, après l’orthodoxie. Il s’agit du même type de grande corruption d’origine communiste. C’est l’une des armes que la Russie utilise pour élargir son influence et pour compromettre les valeurs occidentales - explique l’Américain Brian Whitemore, ancien analyste pour la Radio Europe Libre et Senior Fellow au Center for European Policy Analysis. Il décrit Vladimir Poutine comme le mélange entre un espion et le Parrain. Nous devons comprendre ce que le système ("sistema") voudrait dire : un réseau de connexions et de relations informelles qui définissent l’essence du pouvoir dans la Fédération de Russie et, dans l’ensemble, dans l’espace post-soviétique. Les dirigeants russes puissants se sont servis du système, tandis que les faibles ont été utilisés par le système. Nous assistons à la version poutiniste du « système ». Tôt ou tard, Poutine sortira du jeu mais le système, lui, restera.
Le conflit actuel entre la Russie et l’Occident est un conflit entre le système occidental, basé sur l’Etat de droit et sur les libertés individuelles, et celui de la Russie, qui s’inspire, pendant l’époque Poutine, du capitalisme sauvage de type mafieux des années ’90. Le système russe n’est pas menacé par ce que fait l’Occident, mais par ce qu’il représente, et donc il est arrivé à la conclusion que pour survivre il lui faudra détruire les valeurs occidentales. Mais comme la Guerre froide avec ses deux systèmes isolés est finie, la Russie réussit à exporter ses principes à l’Occident à travers une série d’actions, qui sont autant d’armes dans la guerre asymétrique qu’elle mène. Parmi ces armes, la plus dangereuse est la corruption. Quand on peut corrompre, on peut contrôler. C’est le principe de la corruption en Russie. L’idée, c’est que si la corruption peut être exportée, alors Moscou peut attirer dans le système tout un réseau de dirigeants nationaux corrompus. C’est pourquoi, il faudra que le monde regarde au-delà des apparences, au-delà des marques idéologiques, ou du soutien de la Russie pour l’extrême droite ou pour l’extrême gauche en Europe et dans le monde entier. Il s’agit d’une chose extrêmement simple : l’exportation d’un système cleptocratique corrompu. Dans ce que l’on nomme l’influence maligne, la Russie ne se limite pas à transformer l’information en une arme, mais elle fait de la corruption et de la criminalité organisée de véritables armes.
En corrélant le degré de pénétration de la propagande russe avec le niveau plus ou moins élevé de la corruption et du crime organisé dans les Etats baltes et ceux de l’Europe de l’Est, l’analyste américain a remarqué qu’il y avait une relation directe : là où la corruption est plus élevée, le terrain est plus fertile pour la propagande et la désinformation. Il met en garde sur le fait que la relation de chaque Etat membre de l’UE et de l’OTAN avec ces structures sur-étatiques représente une cible pour les actions russes. Moscou souhaite promouvoir une « Europe des nations », dans laquelle il n’existe plus de partenariats au-delà des pays et des continents.
La corruption de type russe est une corruption dans laquelle un groupe fraude beaucoup et confisque les partis politiques, en les utilisant à ses propres intérêts, ce qui a des effets dévastateurs pour la société. La fraude à grande échelle a remplacé l’idéologie. En Occident, c’est l’inverse : ceux qui fraudent sont nombreux et fraudent peu, mais ils ne peuvent influencer l’évolution d’une société, n’imposent pas l’agenda publique, n’influencent pas l’activité d’un gouvernement, et ce parce qu’ils n’ont pas les instruments nécessaires. Ils peuvent avoir certains avantages d’ordre matériel, mais ils n’arrivent pas à influencer la qualité de l’acte de justice, par exemple, tandis que dans des pays comme la Russie, la Roumanie, la Moldavie, la Serbie, l’Ukraine, où les super riches contrôlent la société, ils l’influencent sans rendre des comptes.
La grande corruption est considérée un problème de sécurité internationale. En Roumanie, un autre grave problème s’ajoute à la grande corruption : la dé-professionnalisation due à l’absence d’éducation de l’élite dirigeante. Certes, on a un instrument démocratique, le vote, mais vu que la grande corruption influence, manipule, contrôle, que le pays se vide et va allègrement à sa faillite, il est très compliqué d’exercer ce vote efficacement.
N.B. J'ai choisi, pour illustrer cette note, une photo faite par Claudiu lors de son dernier déplacement professionnel à New-York. Chaque instant que je vis, quelque difficile qu'il soit, est un rappel à l'ordre: en Roumanie, tu serais déjà morte, et lui n'aurait eu aucun avenir.
Sources : deux articles dans Radio Europa Libera Romania et Ziare.com
14:46 Publié dans Actualités, Enjeux, information, Presse, RO-EU-USA/Coopération | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : communisme, grande corruption, système, russie, valeurs occidentales, stratégie, sécurité internationale | Facebook | |
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01/10/2016
La propagande, toujours..
Rappelons les événements, dans leur ordre chronologique. La Roumanie n’arrive toujours pas à réunir la modeste somme de 11 millions d’Euros afin de récupérer l’œuvre de Constantin Brancusi, « Cumintenia Pamantului ». La somme est modeste, si l’on pense aux centaines de millions d’Euros de fonds européens détournés au fil des années, ou bien au top des milliardaires autochtones. Alors, la Roumanie fait appel à tous ses citoyens, à leur patriotisme, à leur sensibilité culturelle, et met un compte en ligne et des numéros de téléphone pour recevoir des SMS taxés.. Ce qui donne à peine environ 800.000 euros. Mais voilà que, dans la foulée, l’Ambassade de Russie à Bucarest entend participer et envoie 100 (cent) Euros. Vous direz que c’est symbolique. Non, pas tout-à-fait. Elle concocte pour l’occasion un vidéo clip d’une minute qui dit que la Russie a toujours aidé la Roumanie à construire son histoire et sa culture.. Un certain nombre de Roumains ont vu rouge, exactement la couleur du vidéo clip, ils se sont mobilisés via Facebook pour faire don d’un centime à l’Ambassade et ont manifesté devant ses portes.
Observons aussi qu’en ce moment le monde a l’air plutôt dérouté, disons-le ainsi, devant les actions interventionnistes de la Russie ici ou là.. Et la diplomatie montre ses limites. Je viens de lire un texte récent qui résume la manière russe… Le voici, dans ma version.
07:25 Publié dans Actualités, Enjeux, Evénement, information, Presse, RO-EU-USA/Coopération, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roumanie, brancusi, russie, histoire, seconde guerre, propagande | Facebook | |
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15/10/2015
Autour du TTIP
(Mes photos- Marseille, le vieux port)
"L'accord de libre-échange que les dirigeants européens et américains sont en train de négocier aidera les deux blocs de l'Ouest à lutter contre les produits bon marché importés d'Asie. D'ailleurs, l'UE et les Etats-Unis avaient déjà pris auparavant des mesures fermes visant à décourager les importations de Chine. D'autre part, Beijing se coalise avec la Russie avec laquelle elle a conclu plusieurs partenariats stratégiques. (...) Qu'est-ce que la Roumanie a à gagner et à perdre dans cet accord? Nous aurons des prix plus compétitifs, et les principaux domaines des exportations roumaines aux Etats-Unis vont augmenter: le meuble, le vin, le prêt-à-porter, le verre, l'équipement industriel, les produits bio. Nous assisterons aussi probablement à une invasion de produits américains sur le marché roumain, une fois la barrière tarifaire actuelle éliminée. Ce sera peut-être la fin de l'époque Made in China (...) Pour les Etats-Unis, la Chine est le deuxième partenaire commercial après le Canada, mais compte tenu de la valeur des produits importés par les Américains, elle occupe la première place. En 2012, le montant des échanges entre les Etats-Unis et la Chine dépassait les 536 milliards de dollars, dont 425 milliards représentaient les exportations asiatiques sur le marché américain. Pour l'UE, la Chine occupe aussi la deuxième place parmi les partenaires commerciaux, après les Etats-Unis. Le montant des échanges commerciaux bilatéraux s'élève à plus de 428 milliards d'euros, dont environ 300 milliards représentent les produits chinois vendus dans l'UE."
" A la manifestation antiaméricaine/anti-TTIP du 10 octobre en Allemagne ont participé apparemment 250.000 personnes. La Porte de Brandebourg est le lieu où, durant quelques décennies, les soldats américains, munis d’armes américaines, ont donné leurs vies américaines pour défendre l’Allemagne non communiste de la Russie et du communisme - parce que les Allemands n’ont pas su le faire. Cela après que les Américains ont nettoyé l’Allemagne de nazis - parce que les Allemands n’ont pas su le faire. Ensuite, l’impérialiste américain a mis des milliards dans la reconstruction de l’Allemagne, via le plan Marshall - parce que les Allemands, à eux seuls, n’ont pas su le faire. La méga manifestation de Berlin a eu lieu quelques semaines après la signature, en toute discrétion, de l’accord pour Nord Stream 2 entre les plus grandes compagnies d’Europe et de la Russie. EON, SHELL, OMV, BASF, ENGIE, les plus grandes firmes énergétiques d’Allemagne, de France, des Pays-Bas et d’Autriche ont signé avec GAZPROM un contrat d’approvisionnement en gaz, dans lequel la Russie détient 51% d’actions (les corporations sont maléfiques uniquement quand elles sont américaines). C’est un accord qui fait de l’Allemagne le principal centre de distribution du gaz russe en Europe. Le trajet évite l’Ukraine qui perdra ainsi les revenus issus du transit. « La solidarité européenne au fond de la Mer Baltique » titrait la presse polonaise. J’ai honte d’être le voisin de continent de ces gens-là, dans l’image. Avant ’89, quand la Roumanie créait du folklore sur l’arrivée des Américains, en Allemagne de l’Ouest, celle que l’argent américain et les vies américaines protégeaient de la Russie, on organisait des manifestations gigantesques contre la présence de l’OTAN en Europe, et des dizaines et des centaines de milliers de militants des droits de l’homme accueillaient les visites de Reagan par des protestations « pacifistes » souvent violentes."
17:08 Publié dans Actualités, Emploi, Enjeux, Evénement, information, Presse, RO-EU-USA/Coopération | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ttip, ue, usa, protestations, chine, russie, échanges commerciaux, gaz russe | Facebook | |
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