Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/07/2005

"Mehr Licht!"

Je viens de finir le livre sur les mystères de la Côte: argent, crimes, conflits d'intérêts -ce que l'auteur nomme avec pudeur, je trouve, "certains dysfonctionnements de notre démocratie".
Je viens aussi de parcourir sur un site roumain des yahoogroups un long message-document en trois parties sur le pillage systématique dans la Roumanie d'après Décembre '89 et sur la théorie du complot international: des révélations précises, des listes avec des noms, des adresses, des sommes... Document anonyme. J'y reconnais le nom d'un sénateur libéral, ancien collègue d'Université à Bucarest et je me souviens combien il était idéaliste lorsqu'il rêvait d'un monde meilleur...Il a été pris, comme d'autres, dans l'engrenage. L'adrénaline du pouvoir et de l'argent lui a fait oublier Hermann Hesse et la beauté pure des structures mentales qui le fascinaient autrefois.

Cela fait trop pour une seule journée. J'ai un peu la nausée.

Carmen Lopez

04/07/2005

Des degrés dans la corruption

On peut distinguer le haut de gamme et la corruption populaire. Dans la première catégorie il existe aussi des degrés: entre un cadeau, qui prend la forme d'une BMW ou d'une Audi A8 offerte à un PDG lors de la signature d'un contrat ou de la passation de marchés, et les millions de dollars qui renflouent des comptes discrets, quelque part, ailleurs. Ici, la Roumanie n'a rien d'original, car cette catégorie est mondiale. D'ailleurs le roumain, comme langue vivante qui évolue en fonction de la réalité, a consacré l'expression devenue courante "laisser/donner son droit" au même phénomène que le français désigne par "les pots-de vin", "les dessous de table", "arroser", etc. Le roumain y ajoute une connotation spécifique - la légifération/légalisation du phénomène...
Je lis un livre qui vient de paraître en France, "13 mystères de la Côte". L'auteur, Roger-Louis Bianchini est un journaliste que ses confrères de l'édition régionale Fr3 ont qualifié d'"atypique" -en français aussi, le terme veut dire "intègre", "honnête". Je découvre de belles tranches de la corruption très haut de gamme sur la French Riviera.
Ou bien, il m'arrive d'établir des ressemblances familières entre le style du Maire de Constantza (ville sur le littoral de la Mer Noire) régnant en maître absolu sur son fief, et le député Maire de Levallois...(j'entends bien, d'après des informations au su de tout le monde, et rien de plus).
Je me souviens avoir lu il y a quelque temps une étude qui dressait une échelle mondiale de la corruption et dans laquelle la France occupait le 25e rang et la Roumanie le 77e (au premier rang -donc le moins de corruption- se situait une démocratie du Nord).

De toute manière, c'est la seconde catégorie, celle qui relève de la corruption populaire, qui fait que le quotidien est invivable en Roumanie. Et c'est bien la différence avec les démocraties occidentales, où le citoyen lambda est protégé dans ses droits élémentaires par des institutions qui fonctionnent correctement (peut-être pas à 100%, mais certainement à 90%). En règle générale, vous n'avez pas à arroser pour vous faire délivrer une banale autorisation ou des médicaments compensés (remboursables), ou pour court-circuiter l'attente dans l'obtention d'un passeport. Quelqu'un raconte qu'en accompagnant sa femme à l'hôpital suite à une rupture de ligaments, il a dû commencer par laisser quelque chose au gardien pour avancer sa voiture jusqu'à la porte de l'hôpital, il a continué avec un médecin pour obtenir une chaise roulante, ensuite avec un autre médecin pour que la patiente assise dedans soit prise en compte... Il conclut -non sans humour: " heureusement que j'avais la paie sur moi....". Des exemples comme celui-ci sont infinis, car dans notre pays rien ne bouge si vous n'arrosez pas à droite et à gauche.

De toute manière, en matière de corruption on n'a que l'embarras du choix si l'on veut raffraîchir les études et les statistiques. Le plus inquiétant pour la Roumanie dans ce contexte est qu'elle ne réussit pas à absorber les fonds mis à sa disposition par Bruxelles. Le représentant de la CE à Bucarest estime que cela devrait être un vrai signal d'alarme pour les autorités roumaines locales et nationales, surtout à quelques mois du Rapport de monitorisation, et surtout lorsqu'on sait bien que les leaders allemands ont déclaré qu'ils proposeraient la ratification du Traité d'adhésion pour la Roumanie uniquement en fonction des résultats de cette monitorisation.

En voilà un sujet sur lequel l'OCDE pourrait se pencher pour en sortir une étude: quels rapports entre la corruption en Roumanie et l'incapacité du pays à absorber les fonds européens. Car rapprochement il y a.

Carmen Lopez

Enfin, un peu de bon sens

L'Evêque d'Arges (Sud de la Roumanie) a décidé d'interdire les exorcisations dans les églises et les monastères de son département et a demandé aux prêtres de s'abstenir de ces pratiques qui ressemblent plutôt à la sorcellerie. Dans son discours très ferme devant 150 popes, l'Evêque a précisé que cette pratique était "une sottise et une effronterie poussées à l'extrême" et il a demandé aux prêtres d'éviter la divination ou le désenvoûtement, afin de ne pas devenir des astrologues. "Tout n'est que tromperie." Le problème soulevé par les popes a été le nombre croissant de voyantes et de médiums, dont les annonces abondent dans la presse. "Ce sont ces voyantes qui attirent nos ouailles, nous travaillons avec le matériel du client..." Un prêtre installé dans un monastère patrimoine national s'est fait une spécialité à chasser les démons. Il paraît que l'année dernière, une équipe de journalistes du quotidien EVZ a filmé le rituel contre une somme d'argent et que le prêtre aurait également exigé 800$ pour la mise en scène d'une telle exorcisation devant une équipe étrangère ( d'après EVZ)
C'est bien ce que l'on pense: le marché de la divination est devenu très concurrentiel en Roumanie. Si "être possédé" est le terme religieux employé pour désigner un comportement ou entrent la violence, la dépression, l'angoisse, il vaudrait mieux se pencher sur une certaine désespérance sociale. Mais lorsque les psys et les spécialistes font défaut, ce sont les prêtres qui s'y substituent, en proposant leur vision traditionnelle en noir et blanc. En Occident aussi la voyance astrologique ou paranormale est concurrencée par les médiums africains spirites qui promettent des solutions à tous les problèmes (même les pannes sexuelles!). Un énorme marché de l'arnaque, avec des degrés, comme on retrouve en tout.
Là aussi, la Roumanie a des progrès à faire, pour ne pas être anachronique...Mais elle va se mettre sûrement au goût du jour, car elle est réceptive. Le vrai problème reste celui invoqué par ce prêtre: et si l'Eglise qui n'opère plus de tels miracles va être désertée?!

20/06/2005

La force de l'ignorance

L'un des multiples visages du mal reste celui de l'ignorance. Le fait divers que j'ai lu samedi dernier dans la presse roumaine et que j'ai retrouvé dimanche dans "Le Monde" m'a révoltée profondément ( l'article "Il fallait chasser le démon du corps de Maricica" -
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-663668@51-641961,0.html).

Une révolte mêlée de honte, car le fait horrible qui a eu lieu dans un monastère orthodoxe du nord de la Roumanie (exorcisation et crucifixion d'une nonne rebelle, supposée avoir "le démon") est révélateur d'un obscurantisme incompatible avec un pays qui vient d'intégrer l'OTAN et qui va intégrer l'UE. Il est grand temps que l' Eglise Orthodoxe Roumaine (BOR) commence à nettoyer devant sa porte, non seulement pour que de telles abominations ne se reproduisent plus, mais aussi pour que le terme "corruption" ne lui soit plus accolé. Les médias roumains osent rarement se faire l'écho de tels aspects que personne n'ignore, d'ailleurs (entre autres, les pots-de-vin versés pour obtenir une bonne paroisse à Bucarest ou dans une grande ville et qui varient entre 3-10.000 euros).
J'ai été triste de constater que dans les commentaires en ligne à l'article roumain, ceux de mes compatriotes qui avaient critiqué l'église se faisaient insulter par d'autres qui leur dispensaient un véritable cours théologique sur l'exorcisation et sur les bonnes raisons de "la sainte église orthodoxe" de procéder de la sorte. C'est là que j'ai eu froid dans le dos, car quelqu'un qui maîtrise les nouvelles technologies et écrit sur internet de telles aberrations relevant d'un certain Moyen Age, fait peur.
Si l'on fait couler l'ignorance dans le moule du progrès technologique, on n'est pas plus avancés, on n'a fait que changer de contenant pour le même contenu.
Les talibans ou d'autres intégristes ont des portables et profitent bien de la civilisation du numérique pour répandre un même poison, plus ou moins concentré.

Le 21/06/
Je viens de parcourir attentivement la presse roumaine à ce sujet, après avoir vu ce matin sur "Euronews" des images des funérailles de la religieuse ayant succombé à une séance de désenvoûtement. Je viens de lire aussi ce que dit le prêtre en question -il ne se démonte pas, selon lui, la doctrine a été appliquée correctement et il explique patiemment comment le diable est partout... J'apprends aussi en lisant les commentaires du rédacteur en chef d'une publication religieuse orthodoxe qu' "en Roumanie, dans les lieux de culte, l'exorcisation est une pratique courante", que "ce qui se passe dans une communauté monastique peut paraître étrange pour quelqu'un qui vit à l'extérieur", que "la Roumanie possède au moins deux monastères dans chaque département", qu'après '89, la vie monastique en Roumanie a connu "un revirement inimaginable auparavant, quand l'Eglise était sous le contrôle du parti communiste", car à l'époque de Ceausescu il n'y avait que maximum 100 lieux de culte de ce type, tandis qu'à ce jour il y en a plus de 500. J'apprends aussi que beaucoup de gens ont fait des dons pour l'édification de tels lieux, convaincus que cela leur fait racheter les péchés...En un mot, le délire mystique gagne du terrain. Et les popes sont influents. Je me souviens avoir lu une statistique selon laquelle la Roumanie avait le plus grand nombre de prêtres par habitant. Je ne vois absolument pas en quoi cela pourrait représenter un progrès social.
Donc, que diable se passe-t-il en Roumanie? Voilà, elle passe du communisme à l'intégrisme religieux! C'est un réel danger, qu'il ne faudrait surtout pas sous-estimer actuellement.

Carmen Lopez