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18/05/2016

La joie possible

justesse, justice, migrants, article Nicolas Hulot

(Mes photos -Soccer)

 « Le Monde » publie un article de Nicolas Hulot sur les migrants et sur notre humanité qui semble avoir disparu. Le ton ne varie pas du début à la fin: l’Europe est indifférente, elle ne manque pas de moyens, mais de compassion. Sans être vraiment fan de l’auteur, j'ai lu l'article et j’ai trouvé que c’était une vraie démonstration d’activisme qui finissait en beauté : « Je sais que les gens heureux -ni les autres d’ailleurs- n’aiment qu’on leur parle de choses tristes. La douleur des faibles se renforce de la faiblesse et de l’indifférence des nantis ». L’auteur est une personne suffisamment intelligente pour savoir que ce n’est pas d’un manque de compassion qu’il est question dans la crise des migrants.. Mais il a préféré choisir ici cet angle de vue.

Je pense profondément que le sens de notre brève existence participante à la civilisation humaine, c'est la joie de la vie. On se trompe souvent sur le sens du mot « joie » : ce n’est pas être gai et rire tout le temps.. Ce n’est pas non plus être détaché ou plongé dans la méditation, comme nous enseignent les gourous (je comprends que Deepak Chopra soit détaché avec ses millions de dollars). C’est une sérénité et une confiance qui viennent des sentiments de justesse et de justice –dans cet ordre, d’ailleurs. Et je rappelle les définitions dans leurs premières acceptions. Justesse : « qualité qui rend une chose parfaitement adaptée ou appropriée à sa destination ». Justice : « appréciation, reconnaissance et respect des droits et du mérite de chacun ». Encore faudra-t-il qu'elles ne soient pas détournées, comme c'est souvent le sort des mots, des textes.. 

J'écrivais aussi cette note il y a trois ans, sur ces mêmes notions. 

 
 

02/05/2016

Et surtout, pas les Américains..


travail,ue,us,ttip,brics,économie,idéologie(Mes photos: Nice, à la Réserve)

Hier, le 1er mai, fête du travail et du muguet. Les manifestations contre la Loi travail en France (une loi qui propose quelques réformes censées débloquer ce qui semble figé sur ce marché) ont continué à Paris, avec les aléas de la démocratie: du vandalisme et des casseurs cagoulés, des ripostes violentes contre les forces de l’ordre. Quant au phénomène « Nuit debout », ce rassemblement qui se prolonge depuis un mois en plein centre de la capitale française, et qui se voulait un think tank de masse, il paraît que la police même vient de demander sa dissolution..

Entreprendre en France représente un véritable acte de courage (je le sais bien, en tant que condamnée à… la CIPAV). Tout comme être hospitalisé en Roumanie peut représenter un risque vital (voir le récent scandale sanitaire concernant les produits désinfectants dans les hôpitaux, dilués 10 et 70 fois). Toujours en Roumanie, l’Etat commence à s’apercevoir que la démographie est en chute libre, que les gens qualifiés s’expatrient mais qu’ils envoient beaucoup moins d’argent, et que les compétences professionnelles manquent de façon inquiétante. Bientôt, ils vont rester entre eux, les politiciens populistes et démagogues et pleins aux as.

Pendant ce temps, un épouvantail est agité avec conviction surtout en Europe (et Greenpeace vient juste d’être de la partie): le traité entre l’UE et les US (le TTIP/le Tafta) 

Pendant ce temps, la Nasa travaille avec conviction sur un prochain modèle d’avion supersonique . Aux Etats-Unis, pas de grèves, pas de manifestations, pas de chômage au-dessus de 5%. L’esprit entrepreneurial se caractérise par l’innovation et la prise de risque, et il représente la partie essentielle de la capacité d’une nation à réussir sur un marché global compétitif et en perpétuel changement - nous explique le dictionnaire du business. Le concept de créativité n’est plus associé exclusivement aux professions artistiques, le besoin de réflexion créative est passé des arts vers le business quotidien. Qu’est-ce que la créativité? Un processus mental et social qui génère des idées, des concepts et des connexions aboutissant à l’exploitation de nouvelles idées. Autrement dit, de l’innovation. Un environnement propice à la créativité en est la condition essentielle.

Je lis un article dans ILD qui explique assez bien comment finit le mariage entre l’idéologie et l’économie de marché (en voici quelques extraits).

"Qui se souvient encore des BRICS ? Il y a 10 ans, c’était le nouveau modèle de développement matérialisé dans ces cinq Etats: de grandes économies, en dehors du monde occidental, réussissaient à être performantes sur la base d’un scénario novateur dans lequel la démocratie politique était facultative. Bien des admirateurs des BRICS soutenaient également le tiers monde et se voyaient vengés: voilà que le travail des sociétés défavorisées portait ses fruits, et que le temps des économies réglées sur des principes classiques était révolu. Le mainstream media et les grands journaux spécialisés ont célébré la nouvelle force économique du monde: le système des BRICS. Seulement, ce système ne s’est jamais trop soucié de détails. Le succès était quantifié en fonction de la croissance, et personne ne s’est empressé à expliquer d’après quelle formule. Ces 5 Etats avaient, il y a 10-15 ans, une croissance solide, débordante même, et cela suffisait. Les nouvelles stars s’étaient prises au sérieux réciproquement et avaient commencé à organiser des réunions de coordination. Parallèlement, les économies occidentales semblaient confirmer, par leur stagnation, que la solution des BRICS était viable. Et rapidement, la mode des BRICS est devenue une manière de contester les fondements économiques du monde occidental. Si l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud et la Russie croissent pendant que les économies occidentales stagnent, c’est que la voie est là. Et petit à petit, l'idée a commencé à germer et à faire son chemin: une économie de succès n’a pas besoin de liberté politique, bien au contraire, les exigences de la démocratie pourraient la gêner.

La Chine est devenue un repère important, et nombre de théoriciens ont commencé à voir que le modèle chinois limitait peut être les libertés, mais il offrait un modèle de vie plus que décent à une population énorme. Des analystes, des politologues et des sociologues ont migré vers la conclusion que, dans le fond, un régime qui assurait le bien-être de sa population aura rempli sa mission, le reste comptait beaucoup moins. L’époque où la philosophie des BRICS était à la mode est dépassée. A présent, ces stars du modèle non-occidental sont en panne, sinon pire. Et les anciens partisans de l’insurrection des BRICS ne souhaitent plus s’exprimer. Une seule exception: l’Inde, seul exemple de démocratie constante et de capitalisme classique - un capitalisme primaire, combatif et plus agressif que sa version occidentale. Pour les autres, rien que des histoires sans happy-end.

La Chine: les années de croissance spectaculaires ont pris fin, le pays a rencontré inévitablement la contradiction qui oppose la liberté économique à l’absence de liberté politique (…). L’Afrique du Sud est un cas dérisoire: comptant parmi les prochaines puissances économiques seulement par sympathie politique à l’égard des administrations de couleur, elle a succombé définitivement à l’économie réelle. (…) La Russie est tombée du système des BRICS sans trop de complications. La tyrannie des exportations de matières premières a eu l’effet classique. L’augmentation des prix sur le marché a permis la croissance. La baisse des prix a assuré la baisse de l’économie. Le Brésil constitue l’exemple le plus spectaculaire. Presque 20 ans d’illusions et de bonne presse s’achèvent dans le dérisoire, avec une économie en régression massive, une crise politique totale, et une chasse aux leaders politiques. Les deux apôtres de la nouvelle économie brésilienne ont été descendus du piédestal, l’ex-président Lula da Silva fait l’objet d’une enquête, et la présidente Rousseff est sur le point d’être suspendue. (…) La corruption sous la houlette de l’Etat a augmenté et a créé un fabuleux réseau de fonctionnaires-protégés. Les investissements ont été sacrifiés, l’exportation de matières premières est devenue la seule source de revenus. L’économie a refusé d’obéir à la réputation des BRICS et s'est effondrée. La leçon finale n’est pas vraiment nouvelle et elle nous rappelle toujours ceci: il n’existe pas d’économie docile et obligée de suivre l’idéologie ou les désirs des médias. L’économie suppose de l’argent, du travail et des idées. C'est la productivité et la capacité à mettre sur le marché des produits désirés qui restent finalement le critère décisif. " 

 
 

14/04/2016

Le mépris civilisé

DSC_1854.JPGCarlo STRENGER, Le mépris civilisé, Suhrkamp Verlag Berin 2015,  Belfond 2016 pour la traduction française

La semaine dernière, j’ai réalisé un projet qui avait mis un certain temps, et acheté et lu un essai qui propose une formule de débat et un concept inédit: le mépris civilisé.

En partant d’une  évidence -les conflits qui nous opposent à des gens ayant d’autres visions du monde, que ce soit Poutine et sa politique expansionniste, les organisations djihadistes, la suprématie de la Chine en Asie du Sud-Est-, l’auteur observe que la démocratie libérale et l’idée des droits universels de l’homme n’ont finalement pas conquis le monde. Le grand malaise qui prévaut en Occident -surtout en Europe- et qui se manifeste par la montée des partis de droite, le développement de l’islamophobie et de la xénophobie, a un fondement bien plus profond. Ce malaise tient au fait que la plupart des Européens ne sont plus en mesure, pour défendre leur culture, de présenter des arguments solides allant au-delà de la simple efficacité de leurs économies et de la paix politique et sociale qui, en Occident et au cœur du continent, a pu en effet être préservée depuis pratiquement la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit donc d’une incapacité de l’Occident à défendre de façon argumentée son propre mode d’existence et ses valeurs. Si les Lumières, qui s’enracinent dans la Renaissance, se sont cristallisées au XVIIe et XVIII e siècle en un phénomène élitaire, leur préoccupation centrale étant la libération de l’homme de son immaturité dont il est lui-même responsable (Kant), c’est au cours du XIXe siècle qu’elles ont radicalement transformé l’Occident, incontestablement dans le domaine de la révolution scientifique. Celle-ci fit partout table rase du passé et permit à l’Occident, en l’espace de deux siècles, grâce à sa supériorité technologique, d’abandonner son statut de civilisation menacée pour s’engager dans la conquête du monde. Après 1945 commença un processus d’autocastration : l’exigence universaliste des Lumières était reléguée au rang de mensonge culturel fondamental. Désormais, l’Occident était sommé d’expier ses péchés, non seulement en prenant en charge la misère du tiers-monde décolonisé, mais en s’interdisant de critiquer tout mode d’existence et toute croyance, au prétexte que tel groupe ethnique, religieux ou culturel pensait, croyait et vivait de cette façon. Ce fut l’acte de naissance du politiquement correct. Ses principes fondamentaux sont l’égalité en droit de toutes les cultures, de tous les systèmes de croyance et de tous les modes d’existence, ainsi que l’interdiction par principe de critiquer d’autres cultures du point de vue moral ou épistémologique.

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29/03/2016

"L'Europe voulait être autre chose.."

Europe, Europe de l'est, US, OTAN, Bruxelles, chaos (Photo -Web)

Quelques vérités qui dérangent dans cet article publié sur le site roumain In Linie Dreapta, et que je partage avec plaisir dans cette version (les précisions entre crochets m'appartiennent, c'est pour une correcte compréhension de la comparaison que fait l'auteur): 

L’Europe voulait être autre chose que ce qu'elle était 

Pour comprendre l’Europe occidentale actuelle, il faudrait comprendre l’Europe d’hier. Nous oublions toujours que cette dernière était prête à s’accommoder facilement, confortablement et sans trop d’efforts au projet nazi. Nous oublions que si les Anglo-américains, en général, ne les avaient pas embêtés, et que si les Américains, en spécial, n’étaient pas intervenus (ce qu’ils ne leur ont jamais pardonné..), les Européens auraient été à l’aise dans la nouvelle civilisation pan-européenne et pan-asiatique du Troisième Reich.

Nous oublions les difficultés qu’ils ont eues à clarifier leur position à l’égard du communisme. Ils n’en ont pas été capables non plus après l’effondrement de celui-ci: même pas un geste symbolique, ou un vote de blâme. Nous oublions combien ils rêvaient d’ « une troisième voie » qui ne signifiait rien de concret, mais en tout cas, pouvait être quelque chose d’autre que l’ordre du capitalisme libéral incarné par l’Amérique tant réprouvée. « Le socialisme », la panacée de toutes les vanités, des crises identitaires et des ambitions historiques abouliques.

Nous oublions qu’ils voulaient énormément et obstinément être autre chose que ce qu’ils étaient et représentaient, autre chose que ce que leurs ancêtres avaient construit. Nous lisons mal toute cette période de 1947-48 à 1989. En nous replongeant dans les archives des années 50, nous comprenons la précarité du système que les Anglo-américains ont imposé et que les Américains ont maintenu ensuite contre les forces sociales et idéologiques qui bouillonnaient sous le couvercle. Le mode irresponsable et contrariant s’y trouvait déjà, mais ses expressions ultérieures ont progressivement dépassé toute imagination.

Il a suffi que la volonté américaine fût, elle aussi, gagnée par la confusion et la décomposition causées par des forces identiques ou similaires, que les résultats deviennent visibles à l’œil nu. Les conditions créées après 1989 et exacerbées durant la dernière administration de Washington, désastreuse, ont précipité les événements de manière exponentielle.

Il ne reste plus que la nouvelle administration de Washington de l’année prochaine vienne annoncer qu’elle retire la protection qu’elle leur offrait depuis plus de 50 ans. Préparez-vous à ce spectacle. Préparez-vous à regarder du pénible. En ce moment, les grandes figures politiques et les décideurs au sommet sont juste pris au dépourvu, et comme vous le remarquez, le spectacle est total. Mais alors ils seront officiellement nus.  

C’est dommage pour nous, les Européens de l’Est : nous n’y sommes vraiment pour rien.

Une question, quand même: existe-t-il à l’heure actuelle un adulte, une personne mature et responsable dans les structures de direction et de décision européennes ? Y a-t-il une personne qui pourrait l'identifier? Cela me paraît impossible dans la masse de médiocrité et de carriérisme que je vois apparaître dans les titres et les images qui font la une des actualités politiques. Cela me paraît impossible dans le silence assourdissant et les euphémismes - de toute manière préférables aux déclarations absolument imbéciles qu’ils font mécaniquement.  

Si au Brexit venait s’ajouter le retrait de la part de l’administration Trump de la subvention de sécurité accordée depuis plus de cinq décennies par les US, l’Europe entrerait automatiquement dans le chaos. « Le rêve européen » deviendra ainsi réalité. L’Europe « par nous-mêmes » vers le chaos social et politique, et la faillite économique. Ce sera l’arrêt économique, et de là, advienne que pourra.

J’entends récemment que je ne sais quel illuminé dans les structures gouvernementales européennes veut, en réaction aux attentats de Bruxelles, le renforcement des forces militaires européennes communes - enfin, quelque chose dans ces eaux-là. C’est tout ce qu’il a compris. Mais, braves gens, si, pendant que vous bénéficiez déjà d’une structure comme l’OTAN, la structure militaire la plus puissante et la mieux dotée de l’histoire, vous n’arrivez pas à l’utiliser à des fins géopolitiques et à gérer la sécurité, alors, quand, comment et avec quel argent serez-vous capables d’organiser une structure alternative ?

Allons créer une force militaire dans le département d’Olt [sud-est de la Roumanie] parce que les attentats de Caracal [ville du département d’Olt, 30.000 habitants] montrent qu’il est nécessaire d’avoir une structure de défense indépendante des forces militaires roumaines. On reste sans voix. Excusez-moi, mais vous êtes en train de nous détruire tous. Et je répète: nous les Européens de l’Est, nous avons nos péchés, mais là, nous n’y sommes pour rien.