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06/01/2015

La corruption transnationale

corruption transnationale, rapport ocde, gouvernance, criminalité économique

(Photo web)

 

Au cas où nous souhaiterions commencer l'année avec de bonnes résolutions d'ordre éthique, ou tout simplement de la réflexion sur des informations qui nous concernent tous, en fin de compte, voici plus loin une lecture (elle est loin d'être rébarbative!). Cette étude de l'OCDE de 51 pages (40 exactement, plus les notes), disponible en anglais, français, espagnol, constitue "une première tentative de quantification de la corruption transnationale" sur la base des informations révélées dans les 427 affaires terminées depuis l'entrée en vigueur de la Convention sur la lutte contre la corruption en 1999. C'est plutôt récent, comme prise de conscience mondiale -encore une preuve, à mon sens, que ce n'est pas l'amour qui fait le progrès, mais la justice.

 "La passation des marchés publics  devrait rimer avec intégrité, transparence et comptabilité. (...) Nous savons maintenant que les pots-de-vin sont versés par les entreprises, dans tous les secteurs, à des agents publics de pays se trouvant à tous stades de développement économique. Les dirigeants d'entreprise sont impliqués, ou tout du moins au courant des actes de corruption transnationales dans la plupart des affaires, ce qui réfute les présomptions selon lesquelles la corruption serait le fait de salariés sans scrupules. Des intermédiaires, qu'ils soient des agents ou des véhicules juridiques (en anglais "corporate vehicles") sont utilisés dans la plupart des transactions corrompues et la majorité des pots-de-vin est versée dans l'objectif d'obtenir des marchés publics"

 

Il m'a semblé intéressant de constater qu'en première position parmi les agents qui acceptent des pots-de-vin sont les agents de douane, et que parmi les motifs pour lesquels les pots-de-vin sont versés, la facilitation des formalités douanières est à 12%, bien avant le traitement préférentiel d'une autre nature (7%), le traitement fiscal avantageux (6%), l'autorisation ou le permis (6%), l'accès à des informations confidentielles (4%).  

Il va de soi que la corruption transnationale compromet fondamentalement la relation entre les affaires et les gouvernements, et sape la démocratie et la loi. Les obstacles à la dissuasion sont nombreux et divers, l'un d'entre eux, non négligeable, serait que ces pratiques corrompues peuvent être un élément culturel. 

 

Un article paru dans The Washington Post présente aussi un résumé de ce rapport

 

14/12/2014

Cocaïne & Company

novembre 2014 091.JPG"Le Petit Poucet: pas plus grand qu'un pouce, il doit s'en sortir sans l'aide de personne ni aucun pouvoir magique, et il n'a d'autre ressource que son pouvoir éveillé. C'est lui qui représente le mieux le déséquilibre des forces entre le trafic mondial de la cocaïne et ceux qui le combattent. Depuis des années, c'est ainsi que je me sens moi aussi et je suis donc fidèlement son exemple" -écrit Roberto Saviano dans son tout récent livre Zero zero zero, paru en français aux Editions Gallimard sous le titre Extra pure. Il y raconte le narcotrafic d'un continent à l'autre, retrace des témoignages, fait parler le policier et le dealer, les chiffres, les documents, et les résultats des enquêtes internationales. Il se plonge dans les histoires de drogue et raconte le pouvoir criminel, en démontant le mécanisme invisible du narcocapitalisme dont les nouveaux visages -entreprises, banques, circuits légaux -sont l'expression de la loi de base du capitalisme: tant qu'il y a une demande, qui continue même à augmenter, il serait absurde de supprimer l'offre ou de la réduire radicalement. L'erreur principale des efforts américains consiste à croire qu'il suffirait que le mal soit extirpé à la racine, c'est-à-dire en Colombie. "On peut arracher une plante, mais pas le besoin de bien-être qui crée la dépendance et moins encore l'avidité des hommes. La cocaïne n'est pas le fruit de la terre, elle est celui des hommes".  
Tous les continents sont touchés, l'Australie est colonisée par la 'ndrangheta,  l'Afrique est blanche, les Calabrais craignent que les Mexicains envisagent de débarquer en Europe et d'envahir leurs places. Le marché de la drogue se situe entre 25-50 milliards de dollars par an rien qu'au Mexique. L'économie fonctionne comme un élastique: il est extensible tant que les lois et les règles de la concurrence sont respectées, mais au delà d'une limite, il va craquer. Aujourd'hui, l'économie est arrivée à un point de rupture, car toutes les niches sont occupées, tous les besoins satisfaits. "A la limite, tu peux te délocaliser à l'est ou essayer de travailler au noir pour ne pas payer d'impôts. Tu essaies de tirer le plus possible sur l'élastique. Pas facile, la vie d'entrepreneur. Des Mark Zuckerberg, il en naît un par siècle. Très peu sont capables de créer de la richesse uniquement à partir d'une idée, et même gagnante, cette idée ne génère pas toujours des revenus stables. Les autres sont contraints à une guerre de tranchée pour vendre des biens et des services qui ne dureront peut-être que le temps d'un battement d'ailes. Tous les biens doivent se soumettre à la règle de l'élastique. Tous, sauf un. La cocaïne. Il n'est nul marché au monde qui rapporte plus que celui de la coke. Nul investissement qui rapporte autant que la cocaïne. Même les dividendes record ne peuvent rivaliser avec les "intérêts"que produit la coke."
 
60% de la cocaïne saisie ces dix dernières années l'a été en mer et dans les ports. Le marché transatlantique de la cocaïne essaie de trouver de nouveaux moyens de transports (les sous-marins, les voiliers), de nouvelles routes. Les cartels peuvent même avoir leur propre flotte. Entre la corruption, le blanchiment et le terrorisme il y a un lien. Saviano dit avoir voulu comprendre à quel point "le monde des affaires et lié à celui de la criminalité, comprendre comment les crimes les plus violents -  extorsions, homicides, trafic d'armes et de drogues, proxénétisme -se marient à la perfection avec ceux que commettent les entrepreneurs, les hommes politiques, les financiers. (...) Un monde où toutes les énergies criminelles se rejoignent en dernière instance, pour converger vers un but unique: la maximisation des profits". Il considère que la seule solution possible, "peut-être horrible, atroce, angoissante", "si l'on veut tout arrêter", consiste en la légalisation complète des drogues, arrêtant ainsi les chiffres d'affaires qui gonflent, arrêtant la guerre.
Après avoir lu le livre, je me dis que sans doute, on ne veut pas tout arrêter..Et je pense à ces quartiers où le chômage dépasse largement les 40%, et où la police connaît parfaitement les trafics qui ont lieu, mais y va doucement, symboliquement parfois, car les gens doivent vivre, d'une manière ou d'une autre (l'autre manière étant l'emploi quasi inexistant, ou les aides sociales, ce qui est loin de faire le poids..). 
 
J'ai acheté le livre de Saviano le mois dernier, mais il a attendu patiemment son tour dans ma petite bibliothèque. Je viens de le lire d'une seule traite, captivée, révoltée et résignée, le crayon à la main pour sélectionner quelques extraits et les partager aux autres. Cela, parce que je pars du principe que le discours de l'amour est  toujours plus puissant que le discours sur l'amour, et qu'il faut entendre la voix de l'auteur. Mais également parce qu'il m'a semblé que ces informations devraient arriver, même sous cette forme, au plus grand nombre de lecteurs. Et comme à chaque fois que je m'aperçois de la naïveté de mes propres démarches devant l'énormité de quelques vérités en béton, j'ai simplement ri en me souvenant de "ma dernière folie" (on le dit à propos de sacs à main, etc., ce n'est pas mon cas) : la lettre que j'ai adressée à Monsieur Mario Draghi à la BEI, afin d'obtenir un minimum pour ma micro-entreprise CEFRO et ses projets..La réponse sèche du comité machin, après des mois d'attente me fait comprendre qu'il y a d'autres projets à soutenir. Je n'en doute pas.
D'ailleurs, la voici: "Dear Mrs Serghie Lopez, Thank you for your letter of 01.08.2013, in which you enquired about the possibility of a financial contribution from the European Investment Bank Institute for the continous research activities of new theories and methods to be applied to management in Europe. We regret to inform you that the Committee for the subsidies were not in a position to give a favourable answer to your requests. Your sincerely, European Investment Bank Institute".

 

15/10/2014

Vertige et nausée

roumanie, présidentielle, services secrets, soviétisation, livre Anne Applebaum

Update 19.J'aimerais apporter une précision, après avoir lu qu'en ce moment, c'est une autre Roumanie qui est en train d'émerger, pour la première fois depuis 25 ans. Une nouvelle Roumanie, dans laquelle la coopération entre une partie des autorités avec les partenaires stratégiques en matière de justice et contre-espionnage commence à fonctionner, en vue d'un renforcement de l'Etat de droit, une voie cohérente et une perspective décente. Cela me paraît très limpide.. Je comprends que nous devons "cette nouvelle Roumanie" au partenariat stratégique ("on" nous a fait entrer dans l'UE et dans l'OTAN), plutôt qu'à un sursaut de la conscience civique nationale. Il vaudrait mieux que les journalistes emploient des propos moins triomphalistes sur la justice roumaine, lorsqu'on sait que plus de 70% des ex-officiers de la Securitate avaient intégré les structures de la magistrature, quand même.. A la fin d'une note écrite en 2009, je reproduisais les paroles de l'écrivain Herta Müller, Allemande d'origine roumaine, prix Nobel de littérature. Elles sont d'une poignante vérité. Dans ma recherche sur l'Ethos, du temps où je préparais ma Thèse, j'avais trouvé un texte apocryphe, ambigu car poétique, que j'affectionne toujours particulièrement: "Lorsque ce que vous possédez en vous vient de vous-mêmes, cela vous sauvera; si vous n'avez pas cela en vous, que vous ne l'avez pas de vous-mêmes, cela vous fera mourir." 

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Ce matin, j'ai pris quelques minutes pour écouter sur France Culture la journaliste et historienne Anne Applebaum, prix Pulitzer 2004, éditorialiste au Washington Post, spécialiste de l'ex-URSS, auteur d'un livre qui vient de sortir. Elle y analyse la soviétisation de l'Europe de l'est entre 1944-1956, en s'arrêtant à trois pays, l'Allemagne, la Hongrie, la Pologne. La notice de présentation sur le site de la radio précise que "ce livre est dédié par son auteur aux européens de l'est qui ont refusé de vivre dans le mensonge", et finit par la question rhétorique: "une dédicace à conjuguer aussi au présent?". J'ai pris l'émission en route, là où la journaliste faisait référence aux aspects du totalitarisme soviétique en Pologne et en Hongrie jusqu'en '56, au mouvement de la Résistance, et à l'après '56, quand les vraies valeurs sont revenues. Ce sont celles qui ont résisté après 1989, a-t-elle souligné, en remarquant aussi que les partis des autres pays de l'est avaient évolué différemment.

Ce qui m'a fait réfléchir à la Roumanie, où je ne vois pas quelles vraies valeurs seraient revenues après '56. C'est le pays où le totalitarisme soviétique a trouvé une prise presque définitive: peu d'opposition, un terrain fait de passivité et surtout d'opportunisme, idéal pour encourager la délation, et pour faire administrer la peur et la méfiance. L'histoire d'avant, je la connais indirectement, par des témoignages de ma famille, celle d'après, directement.. Aujourd'hui, en Roumanie, il me semble évident qu'il n'existe pas de réelle rupture avec cette époque-là, mais une solide continuation de fond, et qui, de temps en temps, apparaît au grand jour. Une fois de plus, on constate que ce pays est dirigé par les Services - non pas défendu, ce qui ne serait que leur rôle, mais dirigé, dans l'acception la plus politique du terme. Ce qui se passe maintenant, à quelques jours de la présidentielle, me donne le vertige et la nausée. Le premier-ministre candidat qui aurait été un agent infiltré quand il était magistrat (ce qui est anticonstitutionnel), le commandant (en activité) des Services Externes qui démissionne pour se porter candidat.. A-t-on vu ça ailleurs, sauf dans la Russie de Poutine? Les autres patriotes qui se présentent sont ejusdem farinae.

Néanmoins, comme depuis plus de vingt ans, j'exercerai mon droit de vote dans l'une des nombreuses sections de la diaspora. Occasion de plus pour me rappeler que la diaspora roumaine continue à grossir ses rangs. Une diaspora qui, évidemment, peut être divisée, infiltrée, intéressée, manipulée..Personnellement, j'ai fait dès le début le choix de ne pas la fréquenter (ce que je conseille à mon fils, là où il vit), et cette méfiance est justifiée, je la dois à la connaissance directe que j'ai de notre histoire, et au présent. 

29/07/2014

Rien que 24 ans..

 

exil, Mur, France, Roumanie, témoignage, 1990

(Mes photos: Assiette en céramique

Je suis entrée à la Fnac ce matin, dans le but précis de jeter un regard sur un essai sorti en mai dernier, "Les ex-communistes", l'auteur étant un universitaire français, ex-communiste. Je n'en ai pas eu pour longtemps..En prenant l'escalier pour descendre, j'ai aperçu sur la moquette un petit livre que quelqu'un avait probablement laissé tomber, et je l'ai ramassé. C'était Guy de Maupassant, La Parure. J'ai relu cette courte nouvelle en moins de dix minutes, là, en m'accoudant sur la balustrade. Mathilde Loisel finit par se rendre au bal pour lequel son mari lui avait procuré une invitation, et, l'espace d'une soirée, elle oublie sa vie morne de femme de petit employé et se sent vivante et admirée, avec sa belle robe et le collier qu'une riche amie lui a prêté. Mais de retour chez elle, la parure n'est plus à son cou. Les Loisel vont contracter une dette et travailler durement pendant dix ans pour rendre et rembourser le collier. Un jour, Mathilde, que les épreuves ont rendue méconnaissable, croise sa riche amie et apprend que le collier était un faux..

Je suis sortie de la librairie avec une curieuse sensation, un mélange de tristesse et de froid.. Ces trois derniers jours de juillet marquent mon premier voyage à Nice, il y a exactement 24 ans. Le texte que j'ai publié dans la liste Témoignages, "Vingt ans après", je ne le relis plus, je crois que la dernière fois c'était quand je l'avais enregistré. Néanmoins, par respect pour mon destin ou ma destination (synonymes en espagnol), j'ai voulu marquer le moment, et j'ai recherché quelques notes de juillet, à la même époque. Il se trouve qu'elles disent quelque chose.." Pourquoi réagir?", du 25 juillet 2006, "Bonne Fête, la France!", du 14 juillet 2008, "Et si le Mur n'était pas tombé?" du 27 juillet 2009, "L'effet DNS" du 26 juillet 2013. Dans certaines, la taille des caractère est différente, mais on peut zoomer. La note de 2009 a aussi une vidéo avec ma chanson de l'été '90, "Marina, Marina", je vais la rafraîchir avec cet autre clip, dont j'aime le décor, la mini rouge, la dame et sa robe d'été, et, bien sûr, le refrain (oui, c'est peut-être légèrement kitsch, mais ça ne fait rien)..http://youtu.be/i9-AtHiVHPo