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15/02/2016

Liberté d'expression



loi,dignité,diffamation,liberté d'expression,roumanie,politiquement correct,droits(Mes photos -E.T., création personnelle 2004)

Il y a quelques mois, je transposais un article qui m'avait plu, à propos du projet de la Loi contre la diffamation sociale… initié par le président du parti social-démocrate en Roumanie. Petit rappel:

« Deux choses sont à la base d’une société libre, ouverte : l’Etat de droit, c’est-à-dire le règne de la loi, et la liberté d’expression. Si vous ne les avez pas, vous ne vivez pas dans un pays libre » (Salman Rushdie). La Loi de Liviu Dragnea –appelée cyniquement et hypocritement « la loi contre la diffamation sociale et pour la tolérance et la dignité humaine » est un scandale national et un danger public extrêmement important. Cet individu, après avoir été le bras exécutif d’une tentative de coup d’Etat (2012), est en train de récidiver, en instrumentalisant probablement la plus grave menace contre la liberté d’expression après 1989 dans ce pays, compte tenu des circonstances nationales et internationales. Remarquez, s’il vous plaît, que les « politruk » vauriens de la même espèce ont compris comment fonctionnait le politiquement correct et quelle était sa logique qui permettait d’en retirer des avantages, de l’immunité, de la légitimité et des bénéfices. Suivez comment un maraîcher du sud du pays, semi-illettré, vient de découvrir la roue de la politique progressiste occidentale, et comment il cherche à s’offrir la protection des grands du politiquement correct en Occident, afin de s’assurer la légitimité et l’immunité. Regardez à l’œuvre les mécanismes purement intéressés, opportunistes et immoraux, grâce auxquels le politiquement correct s’étend partout dans le monde, et par lesquels les « élites » intéressées à s’assurer des avantages et le contrôle social, ferment la bouche aux citoyens. Remarquez aussi comment, ici comme en Occident, une récente catégorie de potentiels avantagés matériellement voit le jour suite aux mesures nouvellement prises : de nouvelles opportunités d’emploi, de redistribution de ressources, de nouvelles positions d’autorité et de contrôle dans l’appareil d’Etat. Tous de type parasitaire. Méditez à la manière dont l’idéologie du politiquement correct, implémentée à travers la législation et les institutions, nous étouffe et nous confisque peu à peu, sous nos yeux, la liberté d’expression, dans les applaudissements des intellectuels, des semi-intellectuels, des tiers-intellectuels et des idiots utiles qui sont convaincus, dans leurs têtes, que c’est comme ça que les choses doivent aller, puisque, n’est-ce pas, l’Occident va dans cette direction.. » (l'article est cité dans ma note d'octobre 2015).

 Ces derniers jours, la Loi est en train de franchir les pas qui lui restent avant d'être définitive, et elle enflamme la toile roumaine. Plus de 3000 de commentaires défavorables ont été publiés sur la page du cerveau politique qui l’a produite/compilée, tous effacés en une nuit.

La question qui se pose est, bien sûr, comment procéder quand la liberté d’expression entrera en conflit avec « la dignité ». Par exemple, nous explique ce juriste, j’exprime une vérité -en m’appuyant sur des faits objectifs, des textes, des réalités, etc. , -une vérité qui vient en conflit avec « la dignité » d’un musulman, qui, lui, considère que je porte atteinte à son « image ». Quelle dignité prévaudra ? La mienne, qui dit une vérité « de facto », ou la sienne, qui considère que son image est atteinte par la vérité désagréable que j’énonce ? Lorsque notre liberté à exprimer des vérités -des données et des faits objectifs- entrera en conflit avec « la dignité » ou « l’image » de X ou de Y, tout dépendra de la personne qui interprétera et appliquera cette Loi. Plus exactement, notre liberté d’expression dépendra de la compétence, de l’objectivité, de la logique, de l’honnêteté, de la bonne foi et de la vision de cette personne à l’égard de ces deux droits fondamentaux en conflit.  

Dans sa forme initiale, la Loi prévoit des sanctions et des amendes. C’est  surtout cette perspective qui a suscité des réactions chez les Roumains, qui se voyaient tout à coup privés de l’illusion de compter pour quelque chose en s’exprimant sur Internet. L’ambassadeur des Etats-Unis à Bucarest vient de déclarer que « défendre la liberté d’expression, même dans les cas où cette expression peut offenser, représente un aspect fondamental dans une société démocratique saine. Nous condamnons la discrimination et la haine, et en même temps, nous nous opposons aux lois qui interdisent l’expression offensante au prix de la liberté d’expression ». Aux dernières nouvelles, la Loi en question sera amendée avant d’être votée. Elle ne prévoit plus aucune sanction. « Nous pouvons continuer à insulter à la télévision et sur Facebook », titre un site d’infos. C’est déjà ça.    

15/01/2016

L'esprit d'une langue

DSC_1441.JPG Une formule consacrée dit que Mihai Eminescu (15 janvier 1854 -15 juin 1889) est un poète national et universel. National, il l’est sans l’ombre d’un doute, mais son universalité réside plutôt dans les thèmes de ses poèmes –l’amour, la nature, l’histoire, le devenir –que dans une trop souvent invoquée notoriété au-delà des frontières culturelles de la Roumanie. La vérité est que très peu de traductions valables ont pu le faire connaître, et seulement dans deux-trois langues de large circulation. Alors, affirmer que « le grand poète Eminescu est traduit dans toutes les langues » est, encore une fois, l’un des nombreux rêves de grandeur typiquement roumains, assez loin de la réalité. Comme on sait bien, on ne traduit pas vraiment la poésie, mais on la transpose, et cela parce que la métaphore est liée aux règles sémantiques de profondeur propres à l’esprit de chaque langue, à sa philosophie, c’est-à-dire à sa perception et à sa vision d’elle-même et du monde. C’est donc la vision qu’une langue exprime qui lui donne accès à l’universalité. Vouloir, ce n’est pas toujours pouvoir. Evidemment, j’aime Eminescu, et j’ai dans ma bibliothèque à Nice ce petit recueil de poésies dans une édition scolaire, du temps de mes études (ou de celles de Claudiu Nedelea), et ce billet de banque qui n’est plus valide.. Mais c’est ma façon de marquer le jour.

Pour la même occasion, j'écrivais ceci en 2009. 

 

10/12/2015

La modernité

DSC_1264.JPG(Mes photos -Ginkgo biloba à Nice)

La civilisation moderne, ou la modernité, est une conséquence de la civilisation chrétienne, explique Horia-Roman Patapievici, écrivain, essayiste, philosophe et physicien roumain, dans ses trois conférences données à l’Université de Cluj, à l’invitation de l’Association des Etudiants Edictum Dei, sur le thème du christianisme et de la modernité (l'article et la vidéo ICI) Dans une approche qui n’est pas théologique, mais méthodologique, l’auteur parle du « mécanisme mental et moral » créé par le christianisme, de la conception chrétienne du monde à l’origine des concepts modernes de liberté, des droits de l’homme, de tolérance, d’égalité, de justice, de démocratie, du règne de la loi, d’universalité  et de protection de l’environnement. Tout cela n’aurait pu exister sans « le mécanisme mental chrétien », qui a incorporé le judaïsme. Il y a deux formes de modernité : « celle qui nie les faits et se renie elle-même, en refusant de mentionner dans le préambule du Projet de Constitution Européenne l’héritage chrétien », et « celle qui accepte les faits et pour laquelle l’héritage chrétien ne pose aucun problème ». « Si nous comprenons comment la civilisation moderne est née de la civilisation chrétienne, et comment l’esprit moderne ne pourrait être compris et ne serait jamais apparu sans l’esprit chrétien, alors nous n’avons aucun problème pour ce qui est de la présence du christianisme dans toute l’Europe, dans tous les musées, dans toutes les rues.. Nous n’avons aucun problème avec le fait que le christianisme est constitutif de notre perception du monde ». La troisième conférence de M. Patapievici a eu lieu récemment à l’Université de Cluj avec le titre « La naissance de l’âme chrétienne. De l’esprit de Marc Aurèle à l’âme d’Augustin ».  

J’ai écouté l’enregistrement avec beaucoup de plaisir, d’autant plus que ma propre Thèse de 450 pages se trouvait à la croisée des chemins de plusieurs disciplines: la littérature médiévale en langue vulgaire (non seulement le roman, comme le suggérerait son titre, car des excursus vers d’autres genres apparaissent, par exemple la poésie), la philosophie et la spiritualité exprimées en Latin, à la lumière des développements récents de sciences modernes (linguistique, sémiotique, psychanalyse…). Le jury avait apprécié mon point de vue comme étant « peu habituel et enrichissant pour examiner la littérature et la pensée des XIIe et XIII e siècles ».

Je me rallie donc entièrement à ce sujet que l’on évite soigneusement de nos jours : la profonde filiation entre la civilisation moderne et la civilisation chrétienne. « La civilisation moderne n’a pas nié le christianisme, mais l’a incorporé ». Je crois que c’est parce que l’Europe est en train d’oublier son âme que nous assistons à une confusion totale et inquiétante. En 1997, le Parlement avait voté un tout petit budget pour un tout petit programme intitulé « Une âme pour l’Europe, éthique et spiritualité ». Le programme se fixait comme objectif de regrouper les traditions philosophiques humaniste, chrétienne, juive, musulmane et autres pour réfléchir aux implications éthiques et spirituelles de l’intégration européenne. C’était une bonne chose que les institutions européennes veuillent prendre en compte les questions de sens, mais il faut rappeler que le centre de gravité de la Commission reste économique et technocratique, et que les questions de sens restent marginales. Et pourtant, on se situe là sur le terrain de la citoyenneté, donc le débat européen devrait aussi se nourrir à partir des convictions de valeurs et de sens, et encore plus en ce moment qu’il y a vingt ans.

Des voix de l’intérieur se font entendre pour expliquer l’avancée de l’islamisme et les ressorts de l’islamisation de l’Europe. En voici deux : le livre "Décomposition française" de Malika Sorel-Sutter et l'enregistrement d'un entretien avec l'auteur, et le livre "Les soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident"de Djemila Benhabib. 

14/11/2015

L'horreur frappe la France

terrorisme islamiste,attentats paris,discours,idéologie religieusePrier qui, pourquoi? Le Dieu des victimes tombées ce 13 novembre sous les balles des kamikazes islamistes est-il le même que celui au nom duquel les terroristes se sont fait exploser ? Ou bien, il y en a deux ? Prier pour la vie, ou pour la mort ? Pour les âmes, ou pour les consciences ? Oui, la culture occidentale a façonné, au cours des siècles, des gestes civilisés et symboliques qui se déclenchent après l’horreur, comme des réponses réflexes à la barbarie. Mais devant le terrorisme de masse et la culture de la mort, portés par une idéologie politique religieuse, le symbole civilisé ne fait pas le poids, quoi que puisse dire le discours fraternel qui n’attend pas pour débiter ses formules automatiques, presque incantatoires. 

Elles sont admirables et émouvantes, nécessaires sans doute, d’un point de vue psychologique, toutes les marques de compassion et de solidarité sur les réseaux sociaux. Je ne peux avoir cette réaction. Je n’ai pas pu prier, je n’ai pas pu allumer la bougie blanche que je garde sur une étagère. La révolte et le dégoût ont laissé la place à une profonde tristesse froide. Si au moins, cette fois-ci, on pouvait mettre en veilleuse les sempiternels clichés : «pas d’amalgame », « la population musulmane se sent stigmatisée », «le social dans les banlieues », et tout le reste. Si au moins, cette fois-ci, on pouvait arrêter de caresser l'islam dans le sens du poil, en s'abstenant de décider, en fonction de projections ou d'intérêts spécifiques, quelles en sont les branches « de paix et d'amour », et quelles en sont les branches mortifères.. Les marches blanches et les grands rassemblements d’union sont, bien sûr, incontournables, et si, après la tuerie chez Charlie Hebdo en janvier 2015, quatre millions de personnes sont descendues dans la rue, demain il y aura le double, ou le triple. Ce n’est pas ce qui va dissuader les terroristes. Quand une jambe est atteinte de gangrène, parfois on est obligé de couper au-dessus afin de ne pas laisser la progression entraîner la mort du corps entier. Essayons de pratiquer une coupure, ou du moins une certaine réserve, au niveau du discours diplomatique et sociétal habituel, et de ne pas tenir, à tout prix, à ménager la chèvre et le chou..Non seulement ce serait en pure perte, mais aucun gouvernement civilisé européen n’a le droit, en ce moment, de jouer ainsi. Il se doit d'être lucide et ferme, et surtout il se doit d'agir peut-être autrement, en faisant l’impasse sur les formules censées rassurer, mais qui risquent de paraître démagogiques, à force d'être renouvelées, sans effet, dans un contexte de guerre simplement barbare. 

Finalement, pourquoi mentons-nous quand nous faisons des erreurs? Pourquoi les justifions-nous? Parce que notre cerveau ne tolère pas la dissonance cognitive - la gêne ressentie quand deux croyances ou deux actions se contredisent - et qu’il travaille pour la diminuer en installant un mensonge, une justification. Lorsque nous sommes face à l’évidence d’avoir commis une erreur grave, nous avons le choix: admettre l’erreur et en apprendre quelque chose, ou la justifier et persévérer. C’est la deuxième attitude qui est la plus courante. Le mécanisme de réduction de la dissonance cognitive est inconscient, et il nous permet de nous mentir à nous-mêmes pour que nous puissions garder une estime de soi et une image de soi qui nous conviennent. Les implications de la théorie de la dissonance sont énormes, car elles montrent combien de problèmes surgissent, non seulement de la part des gens qui commettent des actes répréhensibles, mais aussi des gens bien qui justifient les mauvais actes qu’ils commettent ou qu’ils défendent, et cela afin de préserver leurs croyances. La réduction de la dissonance est peut-être programmée par notre mental, mais notre jugement sur nos erreurs ne l’est pas. Nous pouvons toujours apprendre à devenir moins bien-pensants, surtout quand l’enjeu est notre civilisation-même.