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10/06/2019

Les tilleuls

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(Mes photos- Le Vieux Nice)

C’est le temps des tilleuls en fleurs. Leur parfum me transporte au bord du Danube, dans une ville qui est restée figée depuis trois décennies. Je m'y rends de plus en plus rarement, le voyage est long et difficile à cause de la vétusté du réseau ferré, ou de la dangerosité de la route à deux bandes qui vient de Bucarest, et sur laquelle circulent des bolides achetés à l’étranger, mais qui rouleraient normalement sur une autoroute. Or, une autoroute, ça n’existe pas à l’est du pays, à peine si l’on en compte quelques kilomètres entre la capitale et le littoral. Bref, le pays a environ 800 km de réseau, et évidemment un tas de projets (vous trouverez un mélange fait de réel et de virtuel en tapant sur Google, on vous sort même Wikipédia).

Cela fait deux ans que je n’y suis plus retournée, et si les choses allaient déjà très mal la dernière fois, il n’y a aucune raison pour que cela change, donc je me contente du parfum des tilleuls.

J’ai sélectionné dans les Archives quelques notes entre 2009-2017, écrites à chacun de mes retours. Par réflexe professionnel, je perçois mon état d’esprit à travers le récit, forcément il est fluide, il est fait de mémoire, d’appréhension, de colère, d’espoir, car je suis vivante, mais le cadre est inchangé, comme une tombe. « C’est notre moi qui passe… ». Le paysage politique est, lui aussi, couvert de poussière depuis trente ans, et ce que j’écrivais en 2009, est valable en 2019. Oui, irrespirable.

Cet été, mon fils a décidé de revenir en Europe pour deux semaines de vacances, avec sa petite famille (il gardera deux semaines pour l'année, c'est déjà énorme, comme vacances, pour un Américain, mais le temps passe et il a l'ancienneté qui l'y autorise). Néanmoins, plus question d'un autre voyage en Roumanie, comme l'année dernière..Je l'avais prévenu, tout en respectant son désir d'y aller, même si ce n'était que pour trois jours. Ils avaient donc fait un aller-retour, juste pour voir une ville en train de mourir au bord du Danube, et réserver une chambre dans un Bucarest hystérique et chaotique, avant le vol de retour à Nice.. Cet été, ce sera juste Nice, avec un bonus: le match en demi-finale de la Coupe du monde féminine 2019. Claudiu est aussi un arbitre professionnel, et Rowen, 12 ans, joue déjà dans une équipe de soccer. Si la météo n'est pas au-rendez-vous, nous aurons les heures précieuses des retrouvailles sur la Côte d'Azur, et ce spectacle.   

En Roumanie/Printemps 2009

Roumanie, avril 2011

Les enjeux des élections européennes pour la Roumanie (2014)

Elections Roumanie (2014)

La Roumanie irrespirable (2017)

 

14/05/2019

Le délire du PSD roumain

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(Chicago -Crédit photo Claudiu Nedelea)

 

Le système communiste a fonctionné avec deux leviers : la peur et l’imposture. Ceux qui aujourd'hui scandent des slogans en faveur du Parti social-démocrate ont les mêmes raisons que ceux qui scandaient hier pour le Parti communiste roumain. Il s'agit d'autres masques, mais de la même pièce. L’unité du peuple autour du Parti et de son Secrétaire général pourrait être définie comme la cabale des imposteurs, l’unité des imposteurs autour de l’imposteur suprême. Et c’est bien cette cabale héritée du régime communiste qui assure à l’actuel PSD un soutien solide, à moyen terme. Les dirigeants du PSD ne vont pas reculer après s’être présentés comme des demi-dieux et avoir fait des promesses sans aucune évaluation correcte. Ils iront donc au bout, et leur baisse dans les sondages ne devrait pas nous tromper. Leur ADN socio-culturel les rend inaptes sur plusieurs plans : pour partager les valeurs de l’UE, pour les comprendre, pour évoluer dans la direction de ces valeurs, et de façon plus générale, pour apprendre quelque chose de nouveau et faire des progrès. On voit bien que ces gens-là, les leaders de l’alliance PSD-ALDE, leurs représentants au Parlement européen, appartiennent à une Roumanie du passé. L'incompatibilité entre la qualité des gouvernants et les objectifs géopolitiques de la Roumanie est si évidente, on dirait de la schizophrénie: les représentants d’un pays qui occupe toujours les dernières places dans tous les classements de l’UE vocifèrent que leur pays n’est pas traité de manière équitable, qu’il est critiqué et qu’il est soumis à un mécanisme de vérification et de contrôle que eux, ils contestent. Les dirigeants du Parti social-démocrate roumain attaquent l’UE parce qu’ils ne sont pas intéressés par l’intégration du pays dans cette structure civilisée, et qu’ils regardent ailleurs.. (dans Ziare.com)

Dernier exemple en date du fonctionnement de la justice : l’un des dossiers les plus importants et controversés après la « Révolution », le dossier « Mineriada » concernant les violences des 13-15 juin 1990, a été enfin envoyé en instance en 2017 et les juges qui ont analysé les preuves viennent de déclarer le réquisitoire nul. 

L’enjeu des élections européennes et du référendum pour la justice du 26 mai prochain est important, car ces événements représentent une chance réelle pour mettre fin à un pouvoir dont le seul but est de faire sortir la Roumanie  de l’UE.

Ces dernières semaines, le PSD a organisé des meetings dans quelques villes dans l’est et dans le sud du pays, là où il compte sur un électorat acquis, et à cette occasion, on a pu voir et entendre ses dirigeants dans toute leur splendeur : c’était comme si on réécoutait les discours de Ceausescu &, ou aujourd'hui ceux de Maduro. Le même anachronisme toxique qui tue.

N.B. Je crois que je vais illustrer mes notes sur la Roumanie avec des photos de ce type, justement pour leur valeur thérapeutique.  

18/04/2019

Pâques 2019

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(Mes photos- Paris, mars 2017) 

Quelques jours avant les fêtes de Pâques de cette année, deux images se sont imposées avec force. La première, c’est celle du pape s’agenouillant pour embrasser les pieds des leaders du Soudan. Un geste que j’ai ressenti comme une distorsion de sens, comme l’orgueil de l’humilité, comme une petite horreur, une pépite de l’hypocrisie contemporaine, politique, idéologique, religieuse. Je l’ai écrit en commentaire à l’image partagée, et Facebook m’a censurée. Mais voilà, CNN publie la même image (rendue publique par le Vatican d’ailleurs), avec l’explication correcte, celle qu’il fallait retenir: la tolérance, et tout le reste…

La deuxième image, c’est celle de la cathédrale Notre-Dame de Paris dévastée par l’incendie qui l’a défigurée, après 850 ans (on a décidé d’emblée que celui-ci était "d'origine accidentelle et involontaire"). Le temps s'est rétréci brusquement et j'ai revu l’époque sur laquelle je m’étais penchée dans mon travail de Thèse -La Rhétorique de la Passion dans le roman médiéval. En 1163, quand la première pierre de la cathédrale a été posée, Chrétien de Troyes avait trente ans, et il allait être contemporain de son édification pendant encore trente ans. Hier, dans une interview à la matinale du Sud Radio, l’Archevêque de Paris a rappelé que la cathédrale n’était pas un musée, ni un bâtiment fonctionnel, mais qu’elle avait été édifiée au nom du Christ. A ce jour il existe une forme de tabou de prononcer le mot racines chrétiennes, catholiques. "C’est une laïcité mal comprise, qui est simplement la distinction du pouvoir". 

En écrivant que le Christ agonise en chacun de nous, Miguel de Unamuno situait le christianisme au-dessous de toutes distinctions morales, politiques, sociales, et le plaçait au fond de l’homme sous la forme de la lutte entre ses contraires. Le symbole de la Passion représente cette lutte permanente.

« Agonise celui qui vit en luttant, contre la vie même et contre la mort. Et le Christ vient nous apporter l’agonie, la lutte et non la paix. De même que le christianisme, le Christ agonise toujours, il sera en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là. Ainsi écrivait Pascal dans le Mystère de Jésus. » (L’Agonie du christianisme, 1925)

La dernière fois que j'ai vu la cathédrale Notre-Dame c'était en mars 2017. J'avais réservé dans un petit hôtel non loin de là, dans le Quartier latin, et la veille de mon rendez-vous à l'Ambassade des Etats-Unis (pour le renouvellement du visa de dix ans), j'y étais entrée et j'étais restée une demi-heure. J'avais fait des photos, même une petite vidéo. J'avais longé le quai, et je la trouvais d'une beauté majestueuse et rassurante. Elle est aujourd'hui blessée profondément, gravement amputée, mais elle est debout.   

02/04/2019

"La corruption est le nouveau communisme"

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(New-York -Crédit photo Claudiu Nedelea)

 

C’est la théorie développée par le professeur américain Michael Mandelbaum, qui analyse de point de vue politique la grande corruption et son rôle national et international. Tout comme le communisme, la grande corruption est l’instrument utilisé par un Etat dans la consolidation de sa domination à l’intérieur et pour son influence à l’étranger. Sans couleur idéologique, la corruption se développe de la même manière et a les mêmes effets négatifs et dévastateurs que le communisme. Elle peut avoir une pertinence géopolitique par son possible impact sur la stabilité régionale, ce qui peut déclencher des guerres.

Il existe une distinction à faire entre la grande corruption et la corruption en général. La première signifie l’utilisation illégale du pouvoir de l’Etat par ceux qui la détiennent et qui transfèrent massivement les ressources du pays vers leurs propres intérêts, afin de s’enrichir rapidement. Ultérieurement, cette richesse deviendra une base du pouvoir. C’est ainsi qu’une démocratie est transformée, par le groupe au sommet de l’Etat, en une cleptocratie. Pour se protéger et pour se maintenir, ce groupe devra contrôler sa politique intérieure et sa politique étrangère de manière de plus en plus autoritaire. Quels sont les effets à long terme de la grande corruption ? Tout comme le communisme, elle mène à la faillite économique, en empêchant le développement sain, naturel et fonctionnel de l’économie d’un pays. Au fur et à mesure que le niveau de vie se détériore et que les problèmes s’aggravent, la politique toujours plus autoritaire voudra empêcher que les frustrations des gens échappent au contrôle et que le régime en place soit contesté. Le régime de Ceausescu, par exemple, savait doser le mensonge (la propagande) et la violence. Par ailleurs, un régime basé sur la grande corruption, et qui a échoué dans l’autoritarisme et la faillite, fera appel au nationalisme afin de continuer à trouver une légitimité. La grande corruption, pareil au communisme, engendre des régimes autoritaires et nationalistes. Exemples : la Russie, la Chine, l’Iran.

Ce débat académique américain concerne la Roumanie pour deux raisons. La Roumanie a son propre combat contre la grande corruption, héritière du régime communiste. Elle ne peut rester indifférente à cette réflexion occidentale, surtout que c’est une théorie qui va très probablement être intégrée dans la stratégie majeure consistant à contrecarrer l’influence des pays autoritaires, comme la Russie et la Chine. En Roumanie, nous avons à ce jour une corruption de type russe, et non occidental, ce qui fait notre deuxième point commun avec la société russe, après l’orthodoxie. Il s’agit du même type de grande corruption d’origine communiste. C’est l’une des armes que la Russie utilise pour élargir son influence et pour compromettre les valeurs occidentales - explique l’Américain Brian Whitemore, ancien analyste pour la Radio Europe Libre et Senior Fellow au Center for European Policy Analysis. Il décrit Vladimir Poutine comme le mélange entre un espion et le Parrain. Nous devons comprendre ce que le système  ("sistema") voudrait dire : un réseau de connexions et de relations informelles qui définissent l’essence du pouvoir dans la Fédération de Russie et, dans l’ensemble, dans l’espace post-soviétique. Les dirigeants russes puissants se sont servis du système, tandis que les faibles ont été utilisés par le système. Nous assistons à la version poutiniste du « système ». Tôt ou tard, Poutine sortira du jeu mais le système, lui, restera.

Le conflit actuel entre la Russie et l’Occident est un conflit entre le système occidental, basé sur l’Etat de droit et sur les libertés individuelles, et celui de la Russie, qui s’inspire, pendant l’époque Poutine, du capitalisme sauvage de type mafieux des années ’90. Le système russe n’est pas menacé par ce que fait l’Occident, mais par ce qu’il représente, et donc il est arrivé à la conclusion que pour survivre il lui faudra détruire les valeurs occidentales. Mais comme la Guerre froide avec ses deux systèmes isolés est finie, la Russie réussit à exporter ses principes à l’Occident à travers une série d’actions, qui sont autant d’armes dans la guerre asymétrique qu’elle mène. Parmi ces armes, la plus dangereuse est la corruption. Quand on peut corrompre, on peut contrôler. C’est le principe de la corruption en Russie. L’idée, c’est que si la corruption peut être exportée, alors Moscou peut attirer dans le système tout un réseau de dirigeants nationaux corrompus. C’est pourquoi, il faudra que le monde regarde au-delà des apparences, au-delà des marques idéologiques, ou du soutien de la Russie pour l’extrême droite ou pour l’extrême gauche en Europe et dans le monde entier. Il s’agit d’une chose extrêmement simple : l’exportation d’un système cleptocratique corrompu. Dans ce que l’on nomme l’influence maligne, la Russie ne se limite pas à transformer l’information en une arme, mais elle fait de la corruption et de la criminalité organisée de véritables armes.

En corrélant le degré de pénétration de la propagande russe avec le niveau plus ou moins élevé de la corruption et du crime organisé dans les Etats baltes et ceux de l’Europe de l’Est, l’analyste américain a remarqué qu’il y avait une relation directe : là où la corruption est plus élevée, le terrain est plus fertile pour la propagande et la désinformation. Il met en garde sur le fait que la relation de chaque Etat membre de l’UE et de l’OTAN avec ces structures sur-étatiques représente une cible pour les actions russes. Moscou souhaite promouvoir une « Europe des nations », dans laquelle il n’existe plus de partenariats au-delà des pays et des continents.

La corruption de type russe est une corruption dans laquelle un groupe fraude beaucoup et confisque les partis politiques, en les utilisant à ses propres intérêts, ce qui a des effets dévastateurs pour la société. La fraude à grande échelle a remplacé l’idéologie. En Occident, c’est l’inverse : ceux qui fraudent sont nombreux et fraudent peu, mais ils ne peuvent influencer l’évolution d’une société, n’imposent pas l’agenda publique, n’influencent pas l’activité d’un gouvernement, et ce parce qu’ils n’ont pas les instruments nécessaires. Ils peuvent avoir certains avantages d’ordre matériel, mais ils n’arrivent pas à influencer la qualité de l’acte de justice, par exemple, tandis que dans des pays comme la Russie, la Roumanie, la Moldavie, la Serbie, l’Ukraine, où les super riches contrôlent la société, ils l’influencent sans rendre des comptes. 

La grande corruption est considérée un problème de sécurité internationale. En Roumanie, un autre grave problème s’ajoute à la grande corruption : la dé-professionnalisation due à l’absence d’éducation de l’élite dirigeante. Certes, on a un instrument démocratique, le vote, mais vu que la grande corruption influence, manipule, contrôle, que le pays se vide et va allègrement à sa faillite, il est très compliqué d’exercer ce vote efficacement.

N.B. J'ai choisi, pour illustrer cette note, une photo faite par Claudiu lors de son dernier déplacement professionnel à New-York. Chaque instant que je vis, quelque difficile qu'il soit, est un rappel à l'ordre: en Roumanie, tu serais déjà morte, et lui n'aurait eu aucun avenir

Sources : deux articles dans Radio Europa Libera Romania et Ziare.com