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26/06/2017

Un problème constant

fonds social européen, Roumanie, projets, absorption(Photo- Le Danube)

Sur les 4,77 milliards d’Euros du Fonds Social Européen, attribués à la Roumanie au titre de l’exercice 2014-2020, le gouvernement a attiré 0,00%. Rappelons que le FSE est l’instrument utilisé par l’UE pour la création d’emplois, l’inclusion sociale, la lutte contre la pauvreté, l’instruction et l’enseignement vocationnel, la mobilité des travailleurs. Dans le même temps, en Roumanie il n’existe que 2 organismes de gestion accrédités UE sur 10, donc habilités à débloquer les fonds européens dans le cadre de projets. La Bulgarie, la République Tchèque en ont 10 sur 11, la Pologne 24 sur 25, la Hongrie 9 sur 10. La Roumanie n’a aucun projet majeur d’infrastructure qui soit démarré à l’aide des fonds UE pour 2014-2020, mais elle n’a pas non plus les autorités de management censées approuver les paiements et les soumettre à la CE. Par exemple, le Ministère des Fonds Européens, le responsable du Programme Opérationnel d’Infrastructure Majeure au Ministère des Transports, n’est pas accrédité. En 2018, la CE effectuera une évaluation de la performance des Etats membres. La Roumanie risque de perdre 280 millions d’Euros du FSE, puisque, étant à zéro à présent, elle ne pourra absorber en un an ce qu’elle n’a pas absorbé au cours des années précédentes. Elle risque aussi de perdre 6% du total de la politique de cohésion, à savoir 1 milliard d’euros. Elle va donc perdre 1 milliard d’euros parce qu’elle n’est pas capable de mettre en œuvre des projets, lesquels sont prédéfinis, pour la plupart. (Source)

Le problème des fonds structurels et de leur utilisation dans des projets (ou de leur détournement, bien que cela soit devenu plus compliqué) est constant en Roumanie. J’ai fait une recherche dans les Archives, et ce que j’écrivais il y a six ou neuf ans est toujours valable. Rappelons-nous que dans les cultures orientales le facteur Temps est perçu autrement, et que l’évolution peut rester juste un concept que l'on s'approprie, si besoin, sans l'intégrer pour autant. L’Absorption, toujours…  ; Les fonds (I); Les fonds (II); Les fonds (III); Les fonds (IV) 

03/04/2017

Les ennemis..

DSC_2795.JPG

(Mes photos: Nice)

Un post sur Facebook rappelle que ce 3 avril est une date anniversaire que les Roumains ne devraient jamais oublier (« Aide-mémoire 3 avril 1950») et envoie à un article publié sur le site historia.ro (« L’utilisation de la législation comme instrument de répression dans la Roumanie communiste »).

Le 3 avril 1950 fut émis l’Ordre n°100 relatif à la lutte « contre l’ennemi de classe », Ordre qui définissait « les catégories de citoyens » susceptibles de faire l’objet de poursuites de la part de la Securitate afin d’être envoyés dans des unités de travail :

1) Tous ceux qui lancent ou répandent des rumeurs tendancieuses et ennemies, qui écoutent et partagent la propagande immorale des postes de radios impérialistes.

2) Tous ceux qui profèrent des injures à l’encontre du Parti des Travailleurs Roumains, de ses dirigeants, de son Gouvernement, de l’Union Soviétique et de ses dirigeants, et des pays démocratiques et populaires.

3) Tous les citoyens roumains qui entretiennent des relations d’amitié avec les légations impérialistes, qui ont fréquenté ou fréquentent les bibliothèques, les concerts, et en général, les manifestations de propagande des légations impérialistes, ainsi que tous ceux qui ont des relations avec les familles des fonctionnaires des ambassades impérialistes.

La Décision du Conseil des Ministres n°1554 de 1952 stipulait : « Art.1. Compte tenu de la résistance toujours plus active des éléments ennemis, et du fait que ceux-ci continuent à saboter de manière systématique les mesures du Gouvernement et du Parti prises en vue du renforcement de la dictature du prolétariat et de l’édification réussie du socialisme ; afin de faciliter la surveillance de l’activité de ces ennemis étrangers à la classe ouvrière, et afin de les attirer vers un travail d’utilité sociale tout en les éloignant des centres vitaux de la société, il a été décidé qu’une mesure exceptionnelle et provisoire sera prise consistant en l’internement administratif pour travail obligatoire. Elle concerne: 1) les colonies de travail ; 2) le domicile obligatoire ; 3) les bataillons de travail. »

Je n’étais pas née à l’époque de ces deux actes du gouvernement communiste, mais j’ai eu tout le temps pour connaître la suite, les effets qui ont perduré et qui ont détruit des vies. A la fin des années ’80, on fabriquait encore des listes de personnes suspectées d’entretenir, sous une forme ou sous une autre, des « relations » avec l’Occident. Dans le lycée où j'enseignais, la secrétaire du parti communiste m’avait chuchoté que mon nom figurait aussi: je fréquentais la Bibliothèque française de Bucarest..Parmi les plus de cinq cents notes que contient ce blog, j’ai dû en écrire plusieurs sur le sujet, puisque mon propre chemin a été marqué par les paroles d’un ancien agent de la Securitate, converti en conseil juridique au Rectorat, après ‘90: « Vous êtes un ennemi du peuple » (il n’avait pas utilisé le féminin..). C’était en 1995, et je revenais de Nice, titulaire d’un Doctorat français de littérature, erreur impardonnable.. 

 
 

01/03/2017

Fonds, subventions..

subventions,manifestations anticorruption,roumanie

(Photo- Place de la Victoire, Bucarest, février 2017)

Un quotidien français titrait dimanche à la une de sa rubrique Europe: Roumanie. Des manifestants  forment le drapeau de l’UE à Bucarest. Plus loin: « Un Etat très corrompu. Selon Transparency International, la Roumanie fait partie des Etats les plus corrompus. Son système judiciaire a été mis sous surveillance spéciale par Bruxelles ». Le journal Le Monde consacre son éditorial à "cette révolte-là qui refuse de s'éteindre": L'Europe doit entendre la révolte roumaine. "La lutte contre la corruption cristallise les aspirations d'une société civile qui accède à un meilleur niveau de vie et d'éducation. La réalité d'un pouvoir confisqué par des élites s'enrichissant aux dépens de la population n'est plus supportable. Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans ce combat, en multipliant l'effet mobilisateur des initiatives civiques".

Cela fait un mois qu’une partie de la Roumanie (pas plus d'un tiers, que j’appellerais le tiers évolué) descend dans la rue, Place de la Victoire à Bucarest, et dans plusieurs grandes villes. L’autre Roumanie, celle qui ne fait pas partie « du tiers évolué » mais qui est majoritaire, manifeste pour soutenir le gouvernement ("le Parti a remporté les élections démocratiquement, laissons-le gouverner.."). Le Parti en question (social-démocrate..) leur a confectionné et distribué des pancartes semblables, en lettres rouges, et les slogans qui vont avec - on se croirait à un meeting de l’époque de Ceausescu, exactement pareil. Les personnages politiques qui se trouvent sur l'estrade portent tous des parkas rouges. Quelques personnes plus âgées se bousculent pour toucher et baiser la main de la ministre des Fonds européens, qui s’époumone dans un ahurissant exercice de démagogie néo-communiste. Elle possède, par ailleurs, une grosse fortune inexplicable…(elle habite une villa sur plus de 600m2, et a offert à son fils d'une vingtaine d'années une BMW à 240.000 E). « Peut-être que, si elle est déjà aussi riche, elle ne va plus voler », me dit une amie. Rien n’est moins sûr…Voici une anecdote à ce propos. Un député bulgare invite chez lui un député roumain. Celui-ci, ébloui par le domaine, la villa luxueuse de son collègue lui demande comment il est arrivé à faire tout cela. Le député bulgare lui répond : "ça, c’est le Fonds international pour le développement". L’année suivante, le député bulgare rend visite à son collègue roumain, il voit un domaine encore plus grand que le sien, une villa encore plus luxueuse, trois bolides dans le garage: "ça, c’est l’Europe", répond le Roumain. 

On est ici dans une configuration de corruption identique à celle d’un Etat africain, d’une république africaine, pour être précis: des dirigeants qui sont motivés exclusivement par leurs intérêts personnels, et qui s’ingénient à détourner et à siphonner l’argent public, les divers fonds et subventions via des programmes, des projets et des montages financiers. Mathématiquement, cela donne un Etat faible: pas d’infrastructure renouvelée et entretenue, pas de système médical cohérent et décent, pas de compétences professionnelles réelles, pas d’éducation efficace, etc. C’est pourquoi, la corruption tue effectivement: à long terme, à moyen terme, à court terme. Ici, il n’est pas question d’une quelconque idéologie, mais de corruption à l’état pur: historique, traditionnelle, culturelle. Comme celle à laquelle faisait référence la Reine Marie de Roumanie en 1917: « Nous avons une meute d’oligarques en politique dont le seul idéal est de faire tomber l’autre, de voler l’autre. Je suis dégoûtée, écoeurée, mais je n’ai pas où aller.» (Journal de guerre)   

Il est également possible de tirer bénéfice de l’idéologie qui a cours, ce que l’on voit dans d’autres contextes « caractérisés ». Je pense à une catégorie d'exemples qui me parle plus que d’autres. Ces derniers jours, la presse française a informé de l’ouverture d’une enquête financière visant la famille du jeune homme noir qui avait subi une interpellation brutale le 2 février, en Seine-Saint-Denis. « L’affaire, qui a débouché sur la mise en examen d’un policier, a déclenché des violences urbaines et a eu un grand retentissement politique ». Cette enquête fiscale concerne une subvention d’Etat à une association de quartier censée lutter contre les violences dans le département. C’est « une affaire qui embarrasse les autorités », « l’association aurait reçu, entre janvier 2014 et juin 2016, 678.000 E de subvention d’Etat par le biais de contrats d’accompagnement à l’emploi », « les investigations des policiers (…) auraient montré que huit membres de la famille L., tous habitant à Aulney-sous-Bois, ont perçu de l’association plus de 170.000 E de rémunération par virement, et 80.000 E ont été retirés en espèces », « les enquêteurs cherchent à savoir s’il s’agit d’un véritable système familial d’escroquerie aux aides d’Etat ou d’une mauvaise gestion ». Entre la neutralité de l’information et les euphémismes de rigueur, on est libre de se faire sa propre idée, quand même. Surtout quand on connaît les réalités, de près ou de loin. Il existe aussi les célèbres associations/centres dont le but serait la déradicalisation des jeunes qui basculent dans l’islam radical, et qui reçoivent d'importantes subventions d'Etat. Pour moi, c’est une théorie fumeuse, mais je ne suis pas spécialiste. Elle est portée par une anthropologue qui a des origines algériennes, marocaines, corses, françaises - nous informe Wikipédia-, et qui est la voix qui fait autorité (vraisemblablement la seule depuis Claude Lévi-Strauss..). 

Souvent, la pression d'ordre idéologique, dans une société dite libre, est encore plus insupportable, car elle agit comme un carcan qui vous étouffe, avec votre accord. Ce n'est pas parce que je n'ai jamais obtenu le moindre soutien à mon projet (ce dont témoigne ce blog), que je retiens toujours les exemples de détournements, de malversations, de fraude concernant les subventions. Non, c'est par un esprit de révolte juste. Cela concerne également la myriade d'agences et d'organismes européens dont il est difficile de comprendre l'utilité, et qui sont financés à hauteur de millions d'euros..Je suis souvent dégoûtée et écoeurée, pour reprendre les mots de la Reine Marie, par les nombreux exemples qui sortent quotidiennement, un peu partout.. Mais simplement, je ne connais que ces deux pays, par une assez longue expérience directe. En Roumanie, je n'ai jamais fait partie des réseaux, en France, je n'appartiens pas à une minorité ethnique.   

13/02/2017

Protestations historiques

Carmen Lopez 17 hrs 

Plus de 70.000 personnes en ce moment, et il fait très froid. Ils ont réalisé un drapeau aussi, la créativité et la communication sont impressionnantes.
 
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La presse internationale en parle, et des images sont diffusées par tous les médias. Il y a, dans ce mouvement de contestation inespéré en Roumanie depuis 1989, une dimension internationale très actuelle: sanctionner la corruption de la classe politique, réclamer un vrai Etat de droit et des valeurs. Parmi les très nombreuses réactions rencontrées ces derniers jours dans la presse et sur les réseaux sociaux, j'en ai retenu et résumé deux. 
 
(ILD) L’estimation quantitative est évidente, regardons un peu la qualité. C’est la plus grande protestation de l’histoire de la Roumanie. (…) Supposons que, du jour au lendemain, tous les protestataires et leurs soutiens disparaissent. Imaginons une Roumanie sans eux. Une Roumanie dont la population soit réduite à ceux qui soutiennent l’actuel gouvernement [PSD, l’ancien PCR]. Cela se traduirait ainsi : un déficit de capital humain et social, d’expertise technique, de capacité de gestion, de niveau d’éducation, de capital relationnel, de productivité, de capacité de travail ; un déficit de civilisation et de contribution à la transmission informelle des normes de coexistence civilisée ; un déficit dans la culture citoyenne, dans les standards de la vie publique et politique, et dans les équilibres entre le système de pouvoir et la société. Sans ces protestataires, la Roumanie, qui se situe déjà à la dernière place dans l’UE, tomberait au-dessous des anciennes républiques soviétiques, au niveau africain probablement. Nous pouvons aussi imaginer l’inverse : de quoi aurait l’air un pays habité par le type humain et les groupes sociaux présents aux protestations. Simplement, il serait au niveau d’un pays de l’OCDE, vraisemblablement en top de liste quant aux indicateurs économiques, sociaux et de gouvernance..
 
(ILD) L’Académie roumaine vient de ressortir un vieux chantage classique, à savoir le discours nationaliste et patriotard. L’idée est simplissime : lorsque les corrompus, les irresponsables et les incompétents qui dirigent le pays le mènent vers le désastre économique, social, politique, culturel, en générant finalement une situation de conflit social, alors, à ce moment-là, brusquement, quelque chose apparaît. C’est "la menace extérieure", "la perte de l’unité nationale", "le démembrement territorial".. Le chantage se résume ainsi : vous vous sentez peut-être mal gouvernés, humiliés, volés, insultés, mais, attention, nous sommes tous des Roumains, nous devons garder notre intégrité nationale. Laissez donc la classe dirigeante diriger, car elle défend l’Unité du pays. Et si vous ne comprenez pas, c’est que vous n’êtes pas de vrais Roumains…Ce n’est pas du patriotisme, Messieurs les académiciens, c’est un acte de trahison..