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28/01/2006

Coup de coeur/Livre

C'est "Le Complexe de Barbe-Bleue, Psychologie de la méchanceté et de la haine", de Jean-Albert Meynard,  Editions L'Archipel, 2006, coll.Archipsy.
Je pense que l'on ne dira jamais assez que se connaître soi-même (ou du moins, en faire l'effort) est ce qu'il y a de plus difficile. A défaut de cette connaissance, c'est la relation à l'Autre qui en pâtit, à savoir le tissu de toutes les interdépendances qui font notre existence. Qu'il existe "mille façons de nuire", on est d'accord...
Ce livre, que j'ai trouvé agréablement écrit et pas rébarbatif du tout, démonte un mécanisme dont sont également responsables nos trois cerveaux qui traitent l'information. Il examine ce mécanisme dans une perspective qui va des petits riens relationnels auxquels on ne prête pas toujours attention, mais qui sont parlants, jusqu'aux phénomènes plus complexes de notre vie sociale, tels le voyeurisme du cinéma et des médias, ou la violence idéologique et religieuse, ou le pouvoir politique.
Le manque d'empathie, la jouissance dans la domination ou la souffrance de l'autre, la chosification et l'humiliation de l'autre, à des degrés divers, bien sûr, peuvent se trouver stimulées et nourries par la puissance de l'image, et "l'Audimat rejoint le physiologique". Je reconnais que c'est un point de vue juste, notre monde étant mû davantage par la curiosité, que par un réel besoin de connaissance (ce que l'on n'acceptera pas...).
"Sous l'influence de leur cerveau instinctif, les humains ne sont pas égaux! Ils sont emprunts, quel que soit leur niveau de courtoisie ou de déférence, d'un désir de domination. Leur aspect policé, socialement correct, cache leurs envies paléolithiques. Même les relations les plus intimes sont soumises aux lois impériales du sous-cortex."(p.184)
"Quels que soient les modèles derrière lesquelles elles s'expriment, la haine et la méchanceté font partie de notre quotidien, et les Barbe-Bleue aussi"(p.26)

19/09/2005

Lecture

Je viens de lire "Sacrés Français, le roman! Un Américain en Picardie", de Ted Stanger, publié aux edititons Michalon, comme les autres "Sacrés..."
C'est une satire qui cible la culture d'entreprise en Fance, les lourdeurs, les inerties, les bureaucraties, (car il y a des administrations...), les mentalités, les clichés -et elle le fait par les yeux innocents d'un cadre dynamique américain dont la mission consiste à réformer une petite entreprise en Picardie, dans le but de la revente.
Il est possible que l'esprit critique d'un lecteur 100% français cède le pas à l'amour-propre quelque peu froissé. Seulement, il ne reconnaîtra pour rien au monde, il lui fera dire probablement, du bout des lèvres: "C'est amusant!" Oui, sans doute. C'est une satire qui, en mettant en rapport deux visions économiques et sociales, semble nous inviter à juger laquelle se porte le mieux.
A mon humble avis, aucune, bien que l'une soit nettement plus efficace. Comme j'ai l'avantage(!) de n'être ni Française, ni Américaine, mais Roumaine, je ne peux avoir, hélas, nul orgueil sur des a priori de ce genre. Bien au contraire, je reste ouverte à l'utopie, et le livre m'a fait rêver d'un système qui réunisse les meilleurs éléments  de ces deux mondes que tout oppose. A la fin, le héros, Jonathan Bradley, choisit de rester en France. Mais ce n'est là que le clin d'oeil habituel de l'auteur, sa touche affective, puisque l'amour n'a jamais été un argument d'ordre économique...

20/04/2005

Littérature à propos

GIACOMO LEOPARDI, "Pensées"

"J'affirme que le monde n'est que l'association des coquins contre les gens de bien, des plus vils contre les plus nobles. Lorsque plusieurs coquins se rencontrent pour la première fois, ils se reconnaissent sans peine, comme par intuition, et entre eux les liens se nouent aussitôt; si d'aventure leurs intérêts s'opposent à leur alliance, ils n'en conservent pas moins une vive sympathie les uns pour les autres et se vouent une mutuelle considération. Quand un coquin passe un contrat ou engage une affaire avec un individu de son espèce, il agit le plus souvent loyalement sans songer à le tromper; a-t-il en revanche à traiter avec des honnêtes gens, il leur manque nécessairement de parole et, s'il y trouve avantage, s'efforce de les perdre. Il lui importe peu que ses victimes aient assez de coeur pour se venger, puisqu'il espère toujours, comme cela se vérifie presque à coup sûr, triompher de leur courage par la ruse.(...) Rares sont les coquins qui restent pauvres, car pour ne citer qu'un exemple, si un homme de bien tombe dans la misère, nul ne vient le secourir et nombreux même sont ceux qui s'en réjouissent; mais si c'est à un scélérat que cela arrive, toute la ville se lève pour l'aider. On en peut aisément deviner la raison: nous sommes naturellement affligés par les misères de ceux dont nous partageons la vie et le sort parce qu'elles nous semblent autant de menaces pour nous-mêmes; et lorsque nous le pouvons, nous y portons volontiers remède, car l'indifférence équivaudrait, nous le savons bien, à accepter d'être traité sur le même pied quand viendra notre tour.
Or les coquins, qui sont au monde les plus nombreux et les plus riches, considèrent chacun de leurs pareils, même s'ils ne le connaissent pas directement, comme un frère et un ami, et ils se sentent tenus de le secourir dans les revers, du fait de cette espèce d'alliance que j'évoquais plus haut(...)

En revanche, les gens de biens et les hommes de coeur, qui se distinguent de la masse, sont tenus par elle pour des êtres d'une autre espèce; non seulement on ne les regarde pas comme des frères et des amis, mais on les excepte volontiers du droit commun, et comme on le voit sans cesse, on les persécute plus ou moins sévèrement selon le degré de scélératesse ou d'ignonimie de l'époque où leur est échu de vivre. En effet, de même que, dans l'organisme la nature tend toujours à se purger des humeurs et des principes incompatibles avec les constituants du corps, de même dans les grands complexes humains, la nature ordonne que quiconque diffère grandement de l'ensemble, surtout si cette différence marque en même temps une opposition, soit anéanti ou expulsé par tous les moyens.
Ce sont toujours les meilleurs et les plus nobles qui sont les plus détestés, car ils sont sincères et appellent les choses par leur nom. C'est la une faute impardonnable pour le genre humain qui ne hait jamais tant celui qui fait le mal, ni le mal lui-même, que celui qui lui donne son vrai nom. Si bien que souvent le criminel obtient richesse, honneur et puissance, tandis que celui qui stigmatise ces agissements est envoyé au gibet; les hommes sont en effet toujours prêts à supporter les pires tourments venant des autres ou du ciel, purvu qu'en paroles on ait soin de les épargner."

14/04/2005

Merci, Monsieur Thierry de Montbrial...

Je viens de découvrir à la Fnac, sur le rayonnage "Histoire contemporaine, Europe de l'Est", un ouvrage de quelques centaines de pages: Le Grand Choc d'une fin de siècle trop court -Communisme, Post-communisme et démocratie, Entretiens avec Vladimir Tismanéanou, Version française de Jean-François Courriol, Préface de Thierry de Montbrial. L'auteur est Ion Iliescu, l'ex-Président roumain. Le livre est paru fin 2004, aux Editions du Rocher, Monaco (rien d'étonnant).
Le livre est voyant, il veut accrocher dès la première de couverture: la photo tout sourire de l'ex- Président, les sous-titres offrant un condensé du contenu, les couleurs agréables. On n'a pas lésiné sur les moyens, ce n'est pas un livre modeste, dont le but serait avant tout de communiquer quelque chose, son intérêt est d'exister. Il n'est donc pas nécessaire de trop avancer dans le livre, on pourrait se contenter de la couverture. Pour un Roumain qui a vécu l'avant et l'après, ce que dirait Ion Iliescu dans ces entretiens est trop bien connu (pardon, je me demande au passage ce que pourrait enseigner notre politologue, Vladimir Tismanéanou aux US).
J'y ai donc appliqué une méthode de lecture rapide, en diagonale, celle qui convient le mieux à ce genre de textes écrits en langue de bois -cette fois-ci, on a affaire à la version soft du socialisme, avec des emprunts libéraux (pas exactement celle qui me rebutait dans les cours de sciences sociales, autrefois en Roumanie).
Mais, dès que l'on ouvre le livre, c'est bien dans la préface que l'on trouve l'essentiel. Elle est écrite par Thierry de Montbrial, Membre de l'Académie des sciences morales et politiques, fondateur et directeur général de l'Institut français des relations internationales.
J'aimerais dire que j'ai été déçue en lisant cette préface élogieuse et complaisante, élégamment creuse. Je ne l'ai pas été, j'ai trouvé que c'était parfaitement dans l'air du temps.
Il fallait avoir l'autorité de Monsieur de Montbrial pour produire, par exemple cette phrase profonde:
"Le président excelle dans la combinaison peu commune de la pensée et de l'action". On peut comprendre qu'il faut bien écrire quelque chose sur un chef d'Etat lorsqu'on s'est engagé à le faire...
Mais plus loin, je rencontre une idée qui me paraît énorme: "la normalisation" de la Roumanie, après la dictature fasciste et communiste. C'est ahurissant de voir des pages d'histoire expédiées comme cela, d'un trait insouciant:

" Ce livre vient à point car, si aucun grain de sable ne fait dérailler le processus, la Roumanie devrait adhérer à l'Union Européenne en 2007. Or, avec 237.500 Km2 et près de 23 millions d'habitants, elle est de loin, après la Pologne, le plus grand pays de l'Est à rejoindre notre Communauté. Pour la France, qui après la Première Guerre mondiale, avait entretenu des rapports si proches avec cet Etat latin à la formation duquel elle avait tant contribué, la "normalisation" de la Roumanie devrait avoir un sens plus riche encore que pour les autres membres de l'Union. J'emploie à dessein le mot "normalisation", car lorsqu'on interroge Ion Iliescu sur la trace qu'il aimerait laisser dans l'histoire, il répond: avoir contribué à "normaliser" la situation de son pays après un demi-siècle de dictature fasciste, puis communiste".

Il était évident dès Décembre '89 que Ion Iliescu travaillait à son image de dissident de l'époque de Ceausescu, son ancien camarade de parti, mais j'ignorais que "normalisation" signifiait 15 années de mensonges, de corruption du haut en bas, d'affaires véreuses fabriquant l'élite politique et financière, de vies brisées ou anéanties par une précarité galopante ou par les rouages d'une justice inique, 15 années de "liberté" pour les milliers d'émigrés vers les US et vers le Canada ou partis pour travailler sur les trottoirs de la "douce France", ou dans les maisons des personnes âgées à Rome, ou dans les champs de fraises en Espagne, et contribuer ainsi à la croissance du pays lorsqu' ils envoyent l'argent par Western Union -cet autre argent que celui qui se fait en un tour de stylo et sur un coup de fil.

Je me demande à qui s'adresse ce livre. En tout cas, pas aux Roumains, il est en version française mais, sans trop vérifier, je doute qu'il existe une version roumaine, publiée en Roumanie. Sa parution en France relève de la gesticulation diplomatique et bénéficie de ses circuits spécifiques.
Mais j'ai trouvé presque blessant de voir cités dans une pareille présentation, les noms de Ionescu, Brancusi, Eliade afin que le potentiel lecteur français (intellectuel, je présume) puisse avoir quelques repères: "un peu d'histoire, avant d'arriver à la place de Ion Iliescu sur la scène politique dans les circonstances de '89".
Et voici la touche finale de l'apologie, notre ex-Président devrait se déclarer comblé:

"Au moment où j'écris ces lignes, il s'apprête donc à quitter le Palais Cotroceni. Il n'abandonne pas la politique pour autant puisqu'il redeviendra le président de son parti, lequel appartient désormais à l'Internationale socialiste. Je ne doute pas que, dans les prochaines années, Ion Iliescu continuera de rendre des services éminents à son pays comme à l'Europe".

J'ai voulu signaler ce livre à ceux de mes compatriotes, simples lecteurs citoyens ou journalistes ayant gardé un peu de colonne vertébrale et qui s'expriment où et comment ils peuvent, en demandant le procès du communisme (qui n'a jamais eu lieu) et du régime qui lui a succédé pendant 15 ans.
Mais j'ai surtout voulu remercier Monsieur Thierry de Montbrial pour cette nouvelle preuve de l'amitié franco-roumaine.

Carmen Lopez
serghie_carmen@yahoo.com