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05/11/2015

Une tragédie roumaine (2)


vacances 2015 1245.JPG(Photo -Sighisoara, Roumanie)

Hier, dans la journée, j’ai pu publier ceci sur mon profil Facebook: « Enfin, le premier ministre roumain vient de démissionner, suite aux protestations déclenchées par la tragédie du 30 octobre dernier. Mais, la classe politique roumaine est corrompue dans son ensemble, les personnages politiques sont interchangeables, quel que soit le parti, et on a du mal à voir comment d'autres vont changer ce qui dure et existe depuis plus de 25 ans. On joue une nouvelle partie de poker menteur. Il est possible, malheureusement, que la Roumanie ait une infirmité congénitale qu'elle ne pourra pas guérir. Au meilleur des cas, apprendre à la gérer. »

Des dizaines de milliers de personnes ont participé à des marches de protestation à Bucarest et dans d’autres grandes villes (25.000 le premier soir, 35.000 hier soir). « La corruption tue », c’était le mot d’ordre. En Roumanie, il n’y a pas eu une loi de la lustration, censée assurer la coupure avec le régime antérieur, et cela parce que tous les anciens devaient absolument être recasés. Tous ont retrouvé une bonne position dans l’organigramme de la corruption institutionnalisée. Est-on arrivé, en ce moment, à un point de non retour? Les Roumains refusent d’accepter au pouvoir les mêmes partis politiques, et ils demandent un gouvernement de technocrates. Néanmoins, on se doute bien que ce sursaut citoyen risque d’être détourné, et les Roumains craignent déjà que cette nouvelle "révolution" ne soit confisquée. « La Roumanie a autant de Services que les Russes et les Américains réunis », remarquait un lecteur dans un commentaire. Les politiques sont sur le devant de la scène, et les Services dans l’ombre -et ça, depuis toujours. J’ai écouté hier sur la chaîne de la télévision roumaine internationale (celle qui courtise la Diaspora dans des émissions patriotardes et de propagande, mais bon..) comment l’ancien président Basescu rappelait les deux grandes réalisations: l’intégration dans l’OTAN et dans l’UE. Je ne pense pas qu’elles soient le mérite exclusif de la classe politique roumaine, mais plutôt le résultat d’un processus de décision d’ordre stratégique et géopolitique extérieur, et qui a concerné tous les pays de l’ancien bloc soviétique. Il paraît que, au sein de l’OTAN, les Services roumains sont des plus performants. Très bien, qu’ils restent dans leur rôle spécifique, la sécurité. Mais la sécurité nationale ne signifie pas la complicité avec les politiques corrompus. Parce que, soyons logiques, si la Roumanie a des Services aussi performants, et donc forcément au courant de tout ce qui bouge (à propos, tout le monde est écouté), comment se fait-il que le pays soit aussi pourri ? Il n’y a qu’une seule réponse, et elle simple: parce qu’ils font partie du même système - avec leurs familles, leurs proches, leurs relations, leurs connexions.

Quelques heures après la tragédie, l’Edition spéciale du journal télévisé roumain transmettait un communiqué du Département d’Etat américain qui, dans un style pragmatique et pédagogique, nous expliquait en trois points pourquoi la corruption n’était pas bonne: elle détruit l’économie, elle affaiblit la confiance des citoyens dans les institutions de l’Etat. Le lendemain, le gouvernement Ponta donnait, enfin, sa démission..

J'ai fait une recherche dans les Archives de ce blog et j'ai retrouvé ces petites notes sur le même sujet...http://elargissement-ro.hautetfort.com/archive/2004/12/04...

http://elargissement-ro.hautetfort.com/archive/2009/03/30...

http://elargissement-ro.hautetfort.com/archive/2009/11/22...

03/10/2014

Enjeux

présidentielles, Roumanie, corruption, licences Microsoft, investigation, fbi
(Photo credit Claudiu: "Visit to the apple orchard and cut dragon fruit").
 
En lisant cet article qui nous livre le bien fondé scientifique d'une constatation que nous pouvons faire à chaque moment de notre vie, j'ai pensé, automatiquement, à la campagne présidentielle qui débute maintenant en Roumanie. Depuis 25 ans, le pays profite de la liberté d'expression en démocratie pour afficher fièrement sa tradition religieuse, inséparable de la vie politique, directement ou indirectement (d'ailleurs, nos politiques la font figurer sur leur CV). Bien entendu, aucun lien de cause à effet avec la morale et des valeurs indispensables, telle l'intégrité. 
Si vous voulez vous tenir au courant de ce qui se passe réellement dans ce pays de l'UE, comment il va, il faudra lire quand même la presse, car autrement, vous n'avez aucun écho, aucune réaction de la part de la société civile, des citoyens (font exception les gesticulations patriotardes et complexées de type "je suis fier d'être Roumain", "mon magnifique pays", etc.). Les Roumains qui écrivent sur Facebook sont ou complaisants, ou indifférents, ou prudents.
Un article récent remarque l'énorme différence avec les protestataires qui occupent la place à Hong Kong, et qui ont la sympathie du monde entier (du monde libre, ça s'entend) parce qu'ils n'acceptent pas la domination d'une Beijing profondément corrompue. Et c'est exactement vers ce régime, observe l'auteur, que va la sympathie du gouvernement roumain. Rien d'étonnant, puisque nous nous sommes adaptés à la corruption et à la décadence morale, dit l'article. Il y a quelques jours, on pouvait apprendre qu'une compagnie payait des SDF pour créer des sociétés fictives (bon, les sociétés-écrans ne sont pas une invention roumaine, mais n'empêche qu'elle a vite été adoptée et adaptée). Le scandale le plus intéressant en date, et qui tombe à pic dans la campagne, semble être celui lié aux licences Microsoft. Cette fois-ci, comme l'investigation a démarré aux US, nous sommes obligés de démontrer que nous ne profitons pas de la couverture de l'OTAN pour protéger nos corrompus..

 

25/04/2014

Voyage

Je viens de rentrer de Roumanie, où je suis restée dix jours (quelques photos dans l'album sur ce blog, et dans le photoblog). A l'aller, comme au retour, mon voyage a dû se plier à la loi du chaos organisé qui gouverne les transports dans mon pays aux beaux paysages encore intacts (car difficiles d'accès..). Les horaires que j'avais consultés sur le site officiel s'étaient révélés inexistants (j'arrive de l'aéroport à la Gare du nord, et au guichet j'apprends que le train en question ne circule pas, et qu'il existe plusieurs sites, et que je n'avais pas regardé le bon, car il y a des trains privés..(!). A la fin de mon court séjour, dans le train pour Bucarest, la cerise sur le gâteau. Une grève originale, apparemment annoncée la veille aux infos du soir (et que je n'avais pas regardées, mais ça revenait au même): tous les trains arrêtés sur les rails, pendant deux heures.

 

Ce n'est pas facile de comprendre le pourquoi et le comment quand il s'agit des transports en Roumanie (c'est le domaine du Ministère des Transports et de l'Infrastructure), mais j'ai quand même compris deux-trois choses.

La société nationale des chemins de fer se privatise, après avoir été partagée en plusieurs sections qui fonctionnent indépendamment, et donc c'est l'Infrastructure qui a décidé la grève, et non pas les Transports, qui eux, étaient contre, c'est-à-dire les syndicats, qui sont plusieurs et ne tombent pas d'accord...En fait, il  s'agit d'un système complexe (le terme neutre pour 'mafieux'), avec des enjeux financiers et politiques énormes. A un moment donné, j'ai pensé à l'article auquel j'envoyais dans une note précédente, sur l'antipathie comme méthode de management, à propos de la Poste, en France. Tactique similaire en Roumanie, l'objectif étant d'accélérer le processus de 'privatisation': on réduit la vitesse des trains, par conséquent ceux-ci perdent de leurs passagers, la ligne est déclarée inopérante, et donc vendue. Les compagnies privées proviennent de la compagnie nationale, ont leurs trains (les anciens trains locaux repeints) et louent les rails..Ce qui surprend toujours (et ça ne devrait plus), c'est la passivité des gens. Ils haussent les épaules, en lâchant l'invariable "c'est le pays", calqué sur "c'est la vie". Mais non, mais non. Consolation: le rapport de Transparency sur la corruption des institutions européennes.. Je suis revenue à Nice avec un refrain que j'entendais à la radio sur Europa FM -ce sera la chanson de ce voyage :http://youtu.be/ogeuinHxlqw

transports, Roumanie, privatisation, corruption, institutions ue

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01/04/2014

Derrière les chiffres

statistiques,eurostat,romania libera,merkel,honoris causa(Photo partagée: Charleston, SC)

 

Qu'est-ce que j'entends aujourd'hui aux informations sur une chaîne en clair? "Un immigré devenu premier-ministre". C'est-à-dire, l'équivalent français (enfin!) du "premier président américain noir"! Il ne faudrait pas se tromper de sens dans la lecture, il s'agit bien là de fierté: la démocratie se contemple et s'admire, car la diversité est en marche! Si cela continue, je parie que dans une prochaine vie moi aussi, Roumaine, je deviendrai, que sais-je...? 

 

Mais je voulais écrire quelques lignes sur des données liées à la croissance européenne intelligente jusqu'en 2020, et publiées dans ce document. A mon grand regret, il me faut reconnaître que la statistique est loin de faire partie de mes compétences. Je me souviens que, lorsqu'il préparait à Nice sa future étape au Collège de Charleston, mon fils avait remporté à une épreuve en statistique le formidable résultat de 100/100, avec les félicitations du professeur, ravi, lui aussi. Et il m'avait dit, avec son beau sourire où se mêlaient la satisfaction et la modestie: "Tu sais, la statistique est quelque chose de fascinant". Je le crois. Si je me suis penchée sur ce document avec la meilleure attention que je puisse accorder aux pourcentages, c'est parce que au départ, j'ai été intriguée par le titre paru dans un quotidien roumain qui lisait le même document. Car, vous avez beau parcourir des colonnes de chiffres, encore faut-il les interpréter. Or, tout est là, dans ce que l'on fait dire aux chiffres, et en général cette lecture revient à un exercice qui n'a pas grand chose à voir avec la science, la méthode, la technique statistique. On n'est pas dans l'ambiguïté du discours poétique non plus, mais dans la rhétorique politique. Exemples plus que banals: le nombre de chômeurs, les offres d'emploi, l'énergie économisée si on coupe l'électricité pendant 5 minutes, le nombre de tués, le nombre de malades, le nombre de guéris, les 5000 milliards d'évasion fiscale dans le monde, etc.

 

Le quotidien titre ainsi: "Le profil statistique du Roumain dans l'UE: un pauvre bien éduqué et ayant une faible espérance de vie". Déjà, vu de France, c'est peut-être plus chic d'être pauvre et bien éduqué (à condition de regarder avec un seul oeil, de préférence le gauche). Mais c'est l'espérance de vie qui inquiète: 71,1 ans pour les hommes (70,9 ans chez les Bulgares). Le PIB roumain est presque le plus faible d'Europe: 6200 E (5400 E le PIB bulgare, le dernier), le plus élevé étant, évidemment, celui du Luxembourg 80.700 E. L'Italie aussi a un joli PIB de 25.700 E (dont, je l'ai lu quelque part, 3,5% est fait par la mafia calabraise - 53 milliards en 2013, "plus que Deutsche Bank et McDonald's réunis"). Un chapitre où la Roumanie "va bien" est celui de la dette externe: très faible, 38,9% du PIB, à comparer avec la Grèce 171,8%, le Portugal 128,7%, l'Italie 132,9%. Enfin, un pourcentage avoisinant celui du...Luxembourg, 27,7%. Encore une fois, tout dépend de comment on lit -par exemple, ce que cette dette signifie..

Un autre chapitre où la Roumanie a l'impression d'aller même très bien, c'est le niveau d'éducation. Apparemment, selon les chiffres, c'est le cas: 79,5% d'hommes et 72,4% de femmes ont fait des études secondaires. Je pense que cela va dans la continuation de la période antérieure, les populations de l'Est étant, en effet, mieux scolarisées et formées (la Tchéquie enregistre 94,8%, la Slovaquie 93,5%, la Lituanie 94,5%, l'Estonie 92,3%, la Bulgarie 81%). Néanmoins, lorsqu'on sait que l'étendue de la corruption ne va pas épargner le domaine de l'éducation (nombre de diplômés, nombre d'écoles privées..), on regarde ces chiffres sans grand enthousiasme..

J'apprends que l'Université Polytechnique de Bucarest (UPB) a fait des démarches pour offrir à Madame Merkel le titre de Docteur Honoris Causa, et que la Chancelière l'a refusé. L'actuelle présidente du Sénat à l'UPB, ancienne ministre de l'Education dans un gouvernement précédent, se trouve impliquée dans un scandale de plagiat (pratique courante) dont l'enjeu est de 500.000 E. Elle ne serait pas au courant du refus, mais les journalistes de Romania Libera ont obtenu l'information auprès des représentants de la Chancellerie allemande: "Madame Merkel reçoit de nombreuses demandes, et nous ne commentons pas les motifs pour lesquels elle refuse ou accepte ces titres." Oui, cela fait du bien de pouvoir constater, de temps en temps, que tout ne peut être acheté ou monnayé, partout. 

 Hugh Laurie, Changes