Le déni (02/11/2016)

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L’inquiétant problème de la Roumanie est le manque de compétences réelles, dont on commence à s’apercevoir. Mais ce n’est que l’un des effets secondaires à long terme de la corruption politique qui a gangrené le tissu économique et social. Vous me direz que d’autres exemples peuvent être vite trouvés, et pas des moindres. Oui, sauf que les démocraties que l’on s’empresserait de citer ont ces quelques kilos en plus qui leur permettent de mieux résister en cas de maladie.. Autrement dit, une longueur d’avance qui les protège du pire. La Roumanie constate non seulement que ses compétences commencent à devenir rares, mais aussi que le pays se vide à une vitesse inimaginable. Que voulez-vous faire dans un pays où le train relie deux villes à une distance de 424 km en 14 heures ? C’est plus qu’un vol transatlantique long courrier. Bientôt, les politiques resteront entre eux, fiers possesseurs de biens et de comptes, mais aussi de deux Masters et d'une Thèse -plagiat obtenus en un temps record: deux ans. Les associations qui, en jouant la séduction et la carte de l’identité nationale, comme RePatriot, essayent de flatter la diaspora, participent d’une propagande désespérée. J’ai trouvé sur le net ce bref article qui parle du déni dans lequel s’obstine la Roumanie ("Les Roumains-le peuple malade du déni. La vérité nous fâche!") et dont j'ai donné une version plus loin. 

Une personne qui est dans le déni refuse de voir des vérités qui sont de l’ordre de l’évidence pour les autres. Cela s’appelle la dissonance cognitive. C’est le fait de fuir une réalité inconfortable. Dans la Roumanie d’avant la chute du Mur, la dissimulation, la mystification de la vérité, ainsi que l’exagération des performances du parti unique ont été longtemps un sport national. Cela est toujours valable! Vingt-sept ans après le prétendu changement du système politique, nous continuons à nous mentir à nous-mêmes que nous sommes les plus forts. Comment explique-t-on l’inadaptation totale des programmes scolaires aux réalités du moment? Et les milliers de chômeurs possesseurs de diplômes universitaires sans valeur réelle? Nous vivons dans le mensonge et nous refusons de l’admettre. Bien au contraire, nous en tirons une sorte d’orgueil, bien que toute la planète voie la vérité. Nous nous autodétruisons en tant que pays et en tant que peuple. Plus d’un tiers des Roumains se sont expatriés, exaspérés par la qualité de ceux qui se trouvent au sommet. Ceux-ci déclarent avec démagogie qu’ils vont rapatrier les jeunes au travers des programmes politiques et des stimulants financiers…

Les universitaires sont les plus dissonants. Pendant que 80% de leurs diplômés sont chômeurs, ils continuent d’organiser des forums où ils se congratulent réciproquement de leurs ouvrages pseudo-scientifiques. Ils se complaisent dans le déni. L’enseignement secondaire ne se porte pas mieux. Les programmes sont chargés d’informations inutiles qui sollicitent exclusivement la mémorisation temporaire des questions purement techniques, sans finalité pratique. Les étudiants et les élèves ne se révoltent pas. Ils ont peur. Tout ce qu’ils ont appris dans leurs familles est de se taire et de se plier à un système qui leur donnera un diplôme, et peut-être un emploi. Seulement, les compétences de celui qui sort du lycée ou de l’université n’ont rien à voir avec le travail réel demandé. L’incompatibilité est totale! A l’université, c’est la peur qui règne. Peur des évaluations, des professeurs, peur de faire des erreurs, d’échouer, mais aussi, peur de s’exprimer, de débattre, de faire valoir son opinion. Les jeunes sortent de l’école avec un handicap majeur: l’absence de personnalité, de comportement assertif, de compétences émotionnelles de base. Et ils possèdent un diplôme de plus en plus sans valeur, et ils ne sont pas capables de vraies performances.

Quant aux responsables politiques, ils ont touché le fond. Les partis, les doctrines, la droite, la gauche, les idéaux, les objectifs, les perspectives –rien de tout cela n’existe vraiment. A l’exception de la migration d’un parti à l’autre, motivée par le désir narcissique de décrocher une place éligible sur une liste. La lutte pour le pouvoir devient grotesque. Le peuple se leurre que tout ira bien, et que nous avons la meilleure croissance économique de l’UE, pendant que nos salaires sont à 10-20% des salaires des autres pays européens. Nous sortirons de la pauvreté et du désastre social au moment où nous renoncerons à nous mentir, où nous cesserons le déni en acceptant que nous sommes au fond du gouffre. Si nous avons la force de reconnaître où nous en sommes, nous aurons une chance, mais à présent nous sommes prisonniers du déni. On n’en sort que quand on accepte la réalité, aussi dure qu’elle soit. A partir de cet instant-là, on peut entamer le changement.

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