Ce fut le premier, un mois, et je ne saurais dire quand je pourrai y retourner, même si j'ai un visa pour dix ans. Une connaissance autour de moi avait passé ses vacances à Atlanta et en était ravie: "A, moi, j'adore, vous allez voir, c'est formidable!". Seulement, j'ai moins de facilité à dire "c'est super, c'est génial" toutes les dix secondes, et avec le temps peut-être, je trouve peu de choses à adorer. Je compare, je réfléchis, et il m'arrive de penser que notre planète est bien petite, et que, unfortunately, il n'y pas une autre, en mieux.
Je suis allée donc sur la côte Est, ce qui signifie le Sud américain, l'équivalent de la France profonde. On m'a rassurée que l'Amérique avait aussi d'autres visages, que le Sud était particulier -esprit conservateur (et plus, vu l'histoire coloniale), gens souriants et amicaux, mais convaincus, sans doute, que chacun doit rester chez soi. On regarde les Européens plutôt avec sympathie, comme m'expliquait mon fils (le seul étranger dans une filiale de 80 personnes), c'est chic d'être Européen, on n'est ni latino, ni asiatique...
Premier dépaysement - les longues distances, qui m'ont fait regretter de ne pas conduire depuis longtemps, car rouler sur les autoroutes américaines, sans le souci de doubler, de changer de vitesse, pendant que vous écoutez de la bonne musique, c'est moins fatigant que lorsque vous êtes assis à côté. Suivent la propreté, l'ordre, l'efficacité pragmatique, l'absence de débats, et en général, l'inhabilité de tourner en rond. Les maisons exactement comme dans les films - grandes, des pelouses soignées, pas de grillage, tout est ouvert. Dans les supermarchés, les bagboys (deux, trois) mettent dans des sacs vos courses, et le système des bonus cards s'avère précieux, car entre le regular price et l'autre prix il y a une bonne marge...Dès ma première visite dans un mall j'ai attrapé une bonne bronchite, dehors, la chaleur accablante, dedans l'air conditionné glacé. Je passe sur la nourriture, il est évident qu'il faut du temps pour s'accommoder, et pour bien connaître les produits... J'ai passé trois jours à Charleston, au bord de l'Atlantique ( j'ai pu me baigner pour la première fois dans l'océan), et j'ai goûté la vraie cuisine du Sud, relevée, insolite comme combinaison, mais pas mauvaise du tout. Je n'aurais jamais cru que je pourrais marcher un jour dans les rues que Claudiu parcourait il y a quelques années, ou que je prendrais moi-même en photo le Collège où il y avait eu lieu la remise des diplômes...C'est sans doute, un peu pour cela que j'ai aimé cette ville et ses énormes maisons en style colonial, ses rues européennes, ses nombreuses églises imposantes (il y a environ 100 églises, d'où le nom de Holy City). Atlanta, Greenville, Asheville, Charleston, Columbia, et de nouveau Atlanta. Des centaines de miles (j'étais presque sur le point d'assimiler les unités de mesure, mais j'allais partir), et aussi des lacs, des parcs, beaucoup de verdure et d'écureuils. Les rues du downtown ne sont animées que dans le week-end, tout le monde est au travail et en voiture, de toute façon...J'ai remarqué que la connexion Internet se faisait exactement comme en Roumanie (ou plutôt l'inverse), très simplement, avec un modem, pas besoin de réunir la télévision, une ligne de téléphone fixe, une live box et un deuxième téléphone -pour des communications illimitées en France métropolitaine...Cela m'amusait d'expliquer comment on m'avait installé Internet à Nice, et de regarder des visages ahuris...Choix technologique ou stratégie commerciale...?
J'ai vu un grandiose spectacle en tournée avec des dinosaures, réalisé avec la BBC, et je me suis retrouvée à l'âge de dix ans, le pop corn y compris (le vrai pop corn américain est très bon, cuit dans du beurre et salé avec la cuisson, pas après).
Mais plus que tout, je me suis réjouie d'être avec la petite Rowen, en chair et en os, et pas en photo, pendant un mois entier. C'est à peine maintenant que je réalise concrètement la distance (et les fortes turbulences au retour, vers 4h du matin, au-dessus de l'océan...), et au lieu d'être heureuse d'avoir vu mon fils, trois ans après, j'ai le sentiment de l'irrémédiable ou de l'urgence, comme si je l'avais laissé sur une île...Et pourtant, c'est les States, le rêve. Et je ne me souviens plus qui disait que le bonheur n'est pas dans les lieux, mais dans les coeurs...Dès mon retour en France, j'ai reçu des messages encourageants, j'en ai besoin: "I hope you are finding a recovery from the culture shock of America and this year that has been full of challenges and changes for us all". C'est vrai, c'est mon projet d'entreprise qui fera mon rétablissement, what else, comme dirait Clooney dans cette pub-là...