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04/05/2006

Mon nouveau passeport roumain (européen)

L'ancien expirait dans un mois. En Février dernier, j'ai déposé la demande pour le nouveau, de dix ans, auprès du Consulat roumain, et hier, en appelant, j'ai appris qu'il était arrivé de Roumanie. Alors, j'ai décidé de prendre le train le lendemain matin même. De Marseille, je ne connais que la Gare St.Charles, le métro jusqu'au Rond Point du Prado, le Bd. Michelet et ses tilleuls. Chaque fois que j'y vais, c'est toujours pour un aller-retour, je pars à 7h et je rentre à Nice vers 15h.
Dans le train, je ne chôme pas, je fais des courriers, des dossiers. Si tout va bien, et au retour surtout, je regarde aussi par la fenêtre, c'est reposant. Parfois, j'emporte mon CD player. Mais aujourd'hui, il est resté dans mon sac. Quelques minutes avant que le train n'entre dans la gare à Marseille, je ressens ce léger avertissement intérieur, qui ne me trompe jamais..."Mon Dieu, qu'est-ce qui va m'arriver encore? Une erreur se serait-elle glissée dans le passeport?.."
Non, tout est parfaitement en règle - taille: 154, couleur des yeux: caprui (noisette), domicile: Franta, date d'expiration: Martie 2016...Sur la 2e page réservée aux autorités roumaines, c'est marqué en roumain et en anglais: "The bearer has the domicile in Franta". Cette fois-ci, la couverture est en rouge, la nuance des passeports européens. Je trouve que la photo n'est pas mal, il apparaît une deuxième, en plus grand et en filigrane, et en changeant d'angle, je découvre dessus la carte et l'emblème de la Roumanie. C'est le nouveau type de passeport, avec plus d'éléments sécurisés. Monsieur le Consul attend aimablement avant d'annuler l'ancien document, d'un coup de ciseaux en haut, à gauche: "Vérifiez bien. C'est bon? Alors, on coupe?"
Je suis émue, je sens mes larmes monter, j'essaie de maîtriser ma voix, et je dis finalement: "Vous savez, je suis émue, dix ans, c'est long...mais peut-être que ce sera une meilleure étape pour moi...". "Celle-ci n'a pas été bonne?" . " Pas vraiment..", et je fais un petit geste éloquent de la main.
Je signe et Monsieur le Consul me souhaite bonne chance et de revenir pour renouveler le passeport encore 5 fois! (si je comprends bien, 5 x10=50 ans! Gentil!). Je quitte le Consulat sans même ranger les documents dans mon sac, je marche en serrant contre la poitrine les trois preuves de mon identité: les deux passeports roumains, l'ancien et le nouveau, la carte de résidente en France.
Et tout d'un coup, je craque. Une boule énorme remonte en surface et fait explosion. Des sanglots forts, douloureux, qui ne se soucient guère des regards intrigués. J'ai le domicile en France, en plein tourbillon sur l'immigration. Normalement, il y a 14 ans, j'aurais dû faire partie des "choisis", mais "choisis" pour faire quoi...? Ma réponse se trouve dans l'énorme boule qui vient d'exploser en moi.
J'entre dans le Stade vélodrome, je m'assieds sur un banc, j'essaie d'appeler ma mère. Heureusement, pas de signal. Je refais un peu mon maquillage, je bois deux gorgées d'eau. Je ressens un vide immense.
Il est 11h30, j'ai un train pour Nice à midi et quelques. J'entre dans le parc Chanot, à côté de la bouche du métro, en me disant que je mérite quand même un café. Assise à une table blanche, je m'accorde un respiro d'un quart d'heure, et j'appelle ma mère. Cette fois-ci, j'arrive à mieux parler, je me suis calmée, mais je dois raconter drôlement bien, puisque c'est elle qui pleure maintenant...Comme toujours, elle m'encourage, comme toujours, elle a une foi inébranlable...
J'attrape le train de justesse, et quand je suis à la maison, je m'aperçois que le vent trop fort a fait tomber le pot avec le cyprès dans la cour intérieure. Je regarde en bas, le pot s'est pratiquement fendu en deux moitiés, de la terre s'est répandue tout autour, mais le cyprès a l'air entier. Le concierge me le rapporte, en effet le cyprès est sain et sauf, aucune égratignure (il a virevolté du 4e étage!), je vais lui offrir un nouveau pot.

28/04/2006

Le travail en Roumanie

Les résultats d'un sondage de type eurobaromètre, publiés dans la presse roumaine montrent que, après les Turcs, ce sont les Roumains qui travaillent le plus grand nombre d'heures en Europe. Ceux qui ont un seul emploi font 41,4h par semaine, ceux qui en ont deux font environ 51h. Les paysans travaillent le plus: 54h. En Roumanie, les femmes sont davantage présentes sur le marché du travail européen, et elles travaillent au moins une heure de plus que les hommes.
Cependant, l'économie du pays va mal, et les Roumains affirment que leur souci majeur est le manque d'argent. Les conclusions du sondage: les Roumains travaillent beaucoup et sans efficacité, ils préféreraient pouvoir démarrer leur propre affaire plutôt qu'être employés, les entrepreneurs dans le milieu rural sont rares.
Parmi les raisons de la pauvreté, les Roumains citent l'absence de soutien de la part de l'Etat, la malchance, et surtout l'injustice qui règne dans notre société. Le milieu rural en Roumanie se caractérise par un déficit culturel, en plus du déficit de capital humain, physique et financier. Mais à sept mois de l'adhésion à l'UE, 64% des Roumains se disent optimistes..

22/03/2006

Les vertus du roumain

Si je veux m'évader un peu, ou que le besoin d'avoir l'Amérique et Claudiu plus près de moi est trop vif, je laisse tourner un CD avec Johnny Cash. "Don't take your guns to town, son, leave your guns at home, Bill...", par exemple. Si je veux m'offrir quelques bonnes minutes de rire par jour, je n'ai qu'à lire les commentaires des lecteurs dans certains quotidiens roumains. En ce moment, il n'y a pas de meilleure thérapie pour moi. Je réalise toujours, et avec la même fascination, à quel point la langue roumaine est capable d'exprimer une situation, une opinion, par une sorte de court-circuit sémantique, qui met ensemble des mots appartenant à des registres de langue différents, voire opposés, ce qui crée souvent un effet loufoque, surréaliste. Une langue est aussi la mise en paroles de la spécificité d'un esprit. Je reconnais que depuis la mort officielle de la langue de bois de l'activisme communiste, les Roumains semblent savourer la liberté de se servir de mots exacts, même si ceux-ci sont amères, cyniques, parfois crus. Pas d'euphémismes -et comme cela est revigorant, raffraîchissant ! Plutôt un certain type de métaphores, car on dit que le Roumain est né poète (il est vrai qu'il a une facilité étonnante à produire des rimes, indépendamment de son degré de scolarité...). Bref, faire un saut dans la presse roumaine est mon bain de jouvence (moins les faits que la langue dans laquelle ils sont présentés).
Par exemple, je lis un article qui parle du mari suicidé de l'ex-conseillère présidentielle (on l'a retrouvé pendu dans sa villa). Si je parcours les commentaires, en bas de l'article, je n'ai même pas le temps d'éprouver une compassion naturelle. En résumé (et en transposition standard), on remarque que nos milliardaires en lei, ou millionnaires en $, se suicident juste au moment où ils devraient profiter de ce qu'ils ont accumulé (c'est vrai, les cas sont fréquents). Ce serait à cause du fisc, des poursuites, de la pression, car il n'est pas facile d'arriver à justifier...Alors, c'est la roulette russe. Tout cela dit beaucoup sur la tension, quasi tectonique, entre l'enrichissement fulgurant et le nettoyage qu'exige l'Europe, pour que le cap de l'intégration soit enfin, franchi... Dans un autre article, l'auteur se sert de l'exemple irakien pour montrer combien il est difficile de construire une démocratie sur les ruines d'une dictature. Les marxistes roumains, à la différence des Tchèques, des Polonais, des Hongrois, ont eu un gardien terrible à la porte de leur prison, ou de leur zoo: la Securitate. Le système ancien a remplacé le prêt-à-porter par le costume Armani, a redistribué de façon équitable et pluraliste les bénéfices de la privatisation..  En conclusion: "Nous aussi, nous sommes des Irakiens. Et bientôt, les Américains seront chez nous, aussi."(dans EVZ du 21/03/06).