03/05/2005
Mon très cher nouvel immigré aux States...
J'ai attendu nerveusement toute la matinée ce SMS qui est tombé à 15h: "Je dois me présenter à 16h pour récupérer mon passeport, cette fois-ci j'ai le visa. Je t'embrasse, Claudiu". Je réponds aussitôt: "Qu'il te porte bonheur, que Dieu protège tous tes pas! Je t'embrasse, maman".
A 16h (en France) et donc 17h à Bucarest, je l'appelle sur son portable, mais je n'arrive plus à parler...je suis en train de rire ou de pleurer? "Mon immigré à moi, mon fils..." "Ne pleure pas, maman, on se reverra sûrement, je pars cette semaine, un vol Bucarest-Atlanta..."
J'essaie de plaisanter: "Claudiu, décris-le-moi, ce visa...tu te rends compte que tu as entre les mains ce bout de papier qui a fait et continue de faire le fantasme, le rêve, l'obsession, l'unique chance parfois de tant de générations, partout dans le monde..."
Mais trêve de sentiments, j'aurai tout le temps pour pleurer dans ma cellule du 7, avenue Thiers, à Nice...Je redeviens vite pratique, nous échangeons quelques avis sur les bagages, sur les horaires du vol. On se reparlera demain soir, quand il sera de retour à Galati.
Je marche sous la pluie et prends machinalement la petite rue derrière les Galeries Lafayette. A gauche, le restaurant "Flô", que j'avais choisi pour fêter son 20e anniversaire, en Novembre 2000, lorsqu'il était étudiant en France. Ce soir-là, il avait mis son premier costume de chez "Zara" ("maman, je crois que j'aimerais avoir un jour un "Giorgio Armani"...). Le menu était exquis, 100% français et parfaitement intraduisible, j'ai tout noté sur mon agenda, en souvenir. Je garde dans un coin protégé de ma mémoire l'expression de ses yeux entre la surprise et l'émerveillement enfantin quand les lumières se sont éteintes et que le gâteau d'anniversaire a fait son apparition sous les applaudissements et le "Bon anniversaire!" chanté par le personnel...
Je crois que ce soir-là j'ai été heureuse mais que je ne le savais pas, il fallait que j'arrive à cet aujourd'hui pour m'en rendre compte.
Certes, nous avons souhaité que les choses se passent autrement, mais la réalité a imposé son choix. Impossible de travailler en France, impossible de travailler en Roumanie (et comment donc, pour 250euros par mois et en payant un loyer à Bucarest de 200 Euros par mois?), il ne reste qu'à traverser l'Océan.
Avec une sérieuse formation acquise en France et aux Etats-Unis et surtout avec cette sagesse que peut donner la conscience du prix de vie payé, il trouvera sa voie. Je suis pensive mais résolûment optimiste.
"Bonne route, Claudiu!"
Carmen Lopez
serghie_carmen@yahoo.com
18:59 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | Imprimer
Commentaires
"Impossible de travailler en France, impossible de travailler en Roumanie "...Je suis perplexe .Votre fils a 24 ans, un dipôme français ...Je connais des Roumains diplômés en France et qui y travaillent . On est d'ailleurs étonné de la rapidité avec laquelle ils se font une place : il y a quelques réseaux qui facilitent la chose, non ? Ils le font en toute légalité. Un moyen assez simple est de commencer lorsqu'ils sont étudiants. Beaucoup de jeunes (Français , Roumains ou autres ) sont capables de mener conjointement des études et un travail. Ensuite, c'est facile de continuer et de s'établir ,même à des positions sociales très confortables ...
En Roumanie ? Que font donc les jeunes diplômés roumains ? C'est vrai, ils travaillent pour 250,300 euros,optent parfois pour des postes de travail par téléphone dans des sociétés étrangères installées à Bucarest , habitent longtemps chez les parents, cumulent plusieurs emplois... Pourtant,certains obtiennent, maintenant , des salaires plus élevés .
Que va devenir votre pays si les jeunes diplômés continuent à partir: une colonie économique des pays de l'ouest comme on le lit sur certains journaux, ou des USA , que vous semblez préférer ? un pays de "vieux"( je le dis très respectueusement ) à qui il sera impossible de payer des retraites , un pays de familles à enfant unique alors que la minorité tzigane s'accroît de l'équivalent de 2 générations pendant que la population roumaine n'en fait qu'une ... Comment allez-vous résoudre le problème de cette minorité? ...Si les jeunes Roumains continuent à partir , c'est une véritable hémorragie pour le pays. On meurt d'une hémorragie !
J'ai découvert votre blog par hasard . N'auriez-vous pas quelque envie , dissimulée , de donner des leçons à la France ? Elle en mérite sans aucun doute mais vous prenez le chemin de la facilité en vous engouffrant dans le filon de l'insuffisance de la pédagogie sur l'Europe amené par Monsieur Barroso . Pour ce qui est de la pédagogie initiale sur l'Europe, auprès des enfants et des jeunes , elle est le plus souvent , très bien faite dans les écoles, collèges , lycées, universités et elle amène à beaucoup d'ouverture et même d'amour . Je ne suis pas sûre qu'il en soit de même en Roumanie .Dites moi si l'espoir que l'UE suscite est fondé sur une connaissance objective approfondie ou sur un rêve . Bien souvent ,malgré le dévouement de certains enseignants ,il n'y a pas la moindre connaissance des textes fondateurs . Je veux espérer que cela changera rapidement avec davantage de moyens . Quant à la pédagogie auprès des adultes , en France: il y a d'excellentes publications et émissions, mais, il en va en France comme ailleurs : ne s'instruisent que ceux qui veulent s'instruire . Vous semblez mettre en cause le risque d' un "non" au référendum . Connaissez-vous un autre pays où l'on débat du projet de traité contitutionnel avec autant de sérieux ? N'en déplaise à ceux qui disent , un peu facilement ,que le " non" éventuel s'expliquerait par des préoccupations intérieures . La majeure partie des électeurs ne confond pas les enjeux !
Amicalement
Écrit par : Marie | 16/05/2005
Merci d'avoir pris le temps pour faire connaître votre point de vue à partir de quelques notes publiées sur ce blog. Vous ne pouviez pas vous attarder sur toutes les notes, mais vous auriez eu sans doute, des réponses à vos questions.
Tout en partageant vos arguments sur le principe, j'aimerais pourtant apporter certaines précisions.
D'abord, pour travailler en France, même lorsqu'on est titulaire d'un diplôme français, il faut avoir un titre de séjour, lequel est soumis à des conditions. J'ignore dans quel cas de figure sont les Roumains que vous connaissez, mais je vous suggère de commencer par là.
Oui, il est vrai que le drame actuel de la Roumanie est l'émigration de sa véritable élite, à savoir les jeunes diplômés, et les Roumains sont les premiers à le déplorer. Mais il est difficile de s'épanouir professionnellement dans un climat corrompu. La seule chance de la Roumanie reste son intégration européenne dans le sens qu'elle pourra s'assainir en réformant ses institutions. Détrompez-vous, je ne préfère pas les US, mais l'Europe, mais je crois qu'il est exagéré de dire que la Roumanie deviendra une colonie économique pour les états de l'ouest.
Je ne sais pas vraiment ce que cela veut signifier que de donner des leçons à la France! Je suis très attachée à l'idée de construction européenne et cela depuis longtemps, et il est normal que je sois pour le oui au traité constitutionnel (je ne peux voter, je suis résidente). Moi aussi j'apprécie particulièrement les dimensions qu'a prises ce débat en France, justement, je me disais en regardant la campagnie audiovisuelle officielle que c'est là une authentique preuve de démocratie.
Cordialement,
Carmen Lopez
Écrit par : Carmen Lopez | 17/05/2005
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