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26/09/2024

Il faut aller voter, quand même...

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(Photo- Nice. Septembre 2024)

Perdre le pouvoir est la seule chose qui coûte plus cher que perdre de l’argent. C’est juste une phrase que je viens de lire dans un roman noir d’investigation journalistique. L’auteur portugais (Miguel Szymanski, La Grande Pagode) y dresse le portrait d’un pays vendu pièce par pièce, entre précarité, fraude et incompétence des dirigeants.

Un journaliste slovaque, Arpad Soltesz, connu pour son travail sur le crime organisé en Slovaquie, a fondé un Centre pour l’investigation journalistique qui porte le nom de Jan Kuciak, son confrère assassiné en 2018, et tout ce qu’il ne peut écrire dans ses articles, il en fait des romans. En 2017, il publie son premier roman noir slovaque à paraître en France, Il était une fois dans l’Est.

Des topos comme ceux-là me sont assez familiers. Récemment, un journaliste roumain observait que la Roumanie était en train de devenir une république infractionnelle. Cette fin d’année 2024 verra les élections législatives et l’élection présidentielle. Depuis décembre 1989 (la chute du communisme), la vie politique roumaine poursuit avec persévérance sa pente descendante. Non pas que cela nous change beaucoup par rapport à l’avant 1989. Mais c’est juste pour remarquer que quand on croyait avoir vu le pire, ce n’était pas encore le pire. Les partis politiques roumains, on les connait, ils proviennent tous d’une même racine, ce sont des groupements d’intérêts qui s’affrontent parfois, quand ils ne passent pas d’alliances invraisemblables. Ce qui les préoccupe, c’est leur strict pouvoir, les postes, comment faire caser leurs proches, comment profiter au maximum de tous les avantages d’une position politique ou administrative, et encore toutes sortes de combines financières inimaginables. Mais voyons quels sont  les principaux candidats pour la présidence de la république.

Un candidat, chef du parti socio-démocrate (attention, il s’agit de la social-démocratie roumaine dont on connaît les origines) et actuel premier ministre, est un ancien vendeur de bretzels (après tout, Ceausescu était cordonnier de son état, avant de devenir le génie des Carpates). Un autre candidat, porté par les libéraux (le parti libéral à la roumaine, s’entend) est général de l’armée (au moins, c’est clair). Un autre candidat, qui se présente comme indépendant, est issu de la même formation communiste, fils d’un ancien général de la Securitate, et il a occupé plusieurs postes dans la diplomatie (on sait ce que cela signifie). Une candidate, maire d’une petite ville, est soutenue par le parti récemment créé en 2016, l’Union Sauvez la Roumanie (USR). Elle déclare, émue aux larmes, avoir fait une passion pour son pays qu’elle ne quitterait jamais, car il est facile de prendre un billet d’avion et s’expatrier, non, elle est loyale, ne trahit pas… Les souverainistes autour de leur chef du parti l’Alliance pour l’Union des Roumains (AUR) sont, quant à eux, ce qu’il y a de plus caricatural dans le genre (tout le mal vient de l’UE…) quand on sait que la seule chance de la Roumanie a été évidemment son adhésion.

Les CV des candidats sont truffés de paradoxes, comme il se doit dans un pays atteint du syndrome Dunning-Kruger (les incompétents qui ne savent pas qu’ils sont incompétents, car il leur manque le minimum de compétence pour se rendre compte de leur incompétence…).

La campagne est en cours, elle est dynamique selon les standards de la démocratie roumaine : grosses ficelles, attaques à la personne, démagogie, populisme. Les candidats n’ont pratiquement pas de programme, mais ils mettent en avant leurs sentiments patriotiques et leurs intentions de mettre fin à la corruption, rien que ça. Pour ce qui est de leur sympathie ou liens avec le Kremlin, ils sont entre deux chaises, ne leur demandez pas de trancher officiellement.

Nous avons donc: le vendeur de bretzels, le général, le diplomate indépendant, la pasionaria, le souverainiste basique. Il faudra élire le président, quand même…

17/11/2014

Et nous l'avons fait!

automne Marseille 007.JPG

(Mes photos: En route vers Marseille, pour voter, hier le 16 novembre)

 

La mobilisation des Roumains a été exceptionnelle, les expatriés ont été doublement plus nombreux à voter qu'au premier tour, et on peut dire aussi que Facebook a largement rendu possible cette inespérée révolution roumaine. En temps réel, les Roumains se sont tenus informés, ont réagi, ont témoigné, ont convaincu d'autres de leurs concitoyens d'aller voter. A Marseille, j'ai été impressionnée par la patience des gens qui attendaient sur des centaines de mètres, devant le Consulat. Partie de bonne heure de Nice, j'ai voté parmi les 300 premiers. Dans d'autres grandes villes, en Allemagne, Italie, Espagne, là où les Roumains sont très nombreux, des milliers de personnes n'ont pas réussi à exercer leur droit de vote, et les protestations ont obligé les forces de l'ordre à intervenir.

Et je me dis que si, par absurde, le gouvernement avait organisé correctement les élections, l'indignation des Roumains ne se serait pas manifestée, et elle n'aurait peut-être pas poussé vers cette forme très rare, en ce qui nous concerne, de solidarité dans la révolte, avec ce résultat. En souhaitant que le président élu Klaus Iohannis puisse avoir la force et le courage de ses intentions, et de ne pas reculer devant un système solidement bâti, depuis de longues années..A un moment donné, dans une conférence de presse, à la question "Qu'est ce qui vous a le plus impressionné dans cette campagne?", Monsieur Iohannis a répondu que les gens qui venaient vers lui et qui essayaient de le toucher, à la fin d'un meeting.. Alors, pour ces gens-là, pour tous les jeunes qui ont sauvé la mise des élections, et pour nous les autres, qui vous avons accordé un vote de confiance -bonne route, Monsieur le Président!