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08/01/2025

La stratégie roumaine du pourrissement

C’est un haut diplomate qui formule ce que nous voyons tous à l’œil nu. L’ancien ambassadeur américain, Adrian Zuckerman, demande au Gouvernement roumain d’élaborer un rapport détaillé et transparent concernant l’ingérence russe dans l’élection présidentielle et de déclassifier le plus d’informations possibles. Un rapport destiné à expliquer au public ce qu’il s’était réellement passé et à éviter qu’une telle situation se reproduise.

« On ne peut attendre encore un mois ou deux… On ne peut laisser les choses continuer ainsi. Il ne suffit pas de fixer une date pour le prochain scrutin, comme si rien ne s’était passé pour en arriver là. Pendant ce  temps, la propagande bat son plein, tous les jours. Quelqu'un devrait dire : "Non ! Voilà comment ça s’est passé ! Nous allons nettoyer ! Nous avons commis l’erreur d’avoir laissé les choses arriver à ce point, mais nous ne la répéterons pas". Il faut que le Gouvernement explique clairement ce qu’il s’est passé et il faut aussi que le Parquet démarre une enquête. C’était un coup d’Etat. Maintenant, ils sont tous en vacances. Comment peut-on être en vacances quand il y a un coup d’Etat ? C’est une honte…Personne ne fait rien. J’ignore ce qu’il se passe ici, mais tout aurait dû être réglé le plus vite possible. »

La vraie question est quels jeux se font en Roumanie à présent. 

14/12/2024

Album Etats-Unis, novembre 2024

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(Photo-Greenville, SC, Bohemian Lodge)

 

Ce soir, quand je publie les images sélectionnées de mon voyage, la Géorgie a basculé. La Roumanie s'y prépare, sans doute. L'annulation de l'élection présidentielle roumaine signifie que la partie est remise, mais que le danger est plus fort que jamais. C'est la première fois que j'ai de nouveau peur, trente-cinq ans après "la chute" du communisme. 

 A tous les lecteurs de ce blog, Joyeux Noël et Bonne Fin d'année!

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04/12/2024

La Roumanie au bord du gouffre

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(Photo- Greenville, SC, novembre 2024)

Dans une note antérieure à mon voyage aux Etats-Unis, j’énumérais les principaux candidats à l’élection présidentielle 2024 et j’en retenais quatre: le vendeur de bretzels, la pasionaria, le général, le diplomate indépendant, le souverainiste basique. Il y en avait d’autres candidats, mais ces quatre-là étaient les principaux, soit des chefs de formations politiques, soit des membres du gouvernement. Le premier tour a eu lieu en novembre, je me trouvais en Caroline du Sud, où j’essayais de profiter des rares et précieux moments passés dans la famille de mon fils (la dernière fois, c’était il y a trois ans, c’est long quand on ne peut se voir et se parler qu’en vidéo). Je n’ai donc pas voté au premier tour, de toute manière, quel choix… ?

Mais voilà la surprise de taille, le « séisme », comme le qualifie la presse internationale à juste titre : un candidat indépendant dont personne n’était au courant, Calin Georgescu, est arrivé en tête avec plus de 22% des voix, la pasionaria étant deuxième, avec 19%. Le candidat, qui a fait sa campagne sur TikTok (cherchez les fonds...), n’est même pas ce que j’appelle le souverainiste basique (comme j’écrivais précédemment, en pensant à George Simion, le chef de l’Alliance pour l’Unité des Roumains (AUR). C’est un extrémiste ultra-nationaliste, un anti européen et anti Otan, un admirateur de « la sagesse russe, celle qui convient le mieux à la Roumanie » et de l’idéologie du Kremlin, un pro-Poutine, un imposteur intellectuel, un mystique sinistre, un charlatan, un cas clinique de délirant messianique. Son origine est dans l’ancienne Securitate. Il a d’ailleurs occupé des postes sans importance dans divers organismes roumains sur le plan international et qu’il présente comme une carrière diplomatique pour donner de la crédibilité à ses élucubrations dans tous les domaines possibles et inimaginables. Il a un certain charisme de guru qui s’adresse à un segment de la population déçue (bon, nous sommes tous déçus, mais de là, à voter pour un individu qui va nous ramener aux années de l’époque Ceausescu, sinon avant, car il est un sympathisant de la Légion - la Garde de Fer, le Capitaine, etc.-, il y a de la marge).  

Pour la première fois depuis trente-cinq ans, j’ai peur. Le délirant (mais comment est-il arrivé en tête ?!) promet une Roumanie nettoyée des multinationales présentes, la nationalisation, etc. Son idée phare: « nous vivrons de ce que nous produirons ». Une Roumanie indépendante et souveraine, quoi! La bourse des valeurs a déjà chuté et tout va suivre comme dans un jeu de dominos. L’effet du premier tour est qu’aucune banque ne finance plus la Roumanie, l’Etat a pris six milliards d’euros dans sa réserve pour assurer les salaires et les retraites ce mois-ci.

Je vote dans trois jours, évidemment pour la pasionaria (Elena Lasconi), un vote par défaut. Espérons que les efforts de ces Roumains lucides qui ont eu la patience de démonter le soi-disant "argumentaire" du candidat Calin Georgescu, d'analyser ses aberrations et de tirer un signal d'alarme avant la dernière heure auront un écho auprès de la population dupée. Néanmoins, quelle confiance en un pays où des millions et des millions votent pour de telles idées? « Un pays au noir », comme dit un journaliste.  

Mise à jour. Quelques heures avant le deuxième tour, la Cour Constitutionnelle décide d'annuler les élections présidentielles, de reporter le processus électoral pour 2025 (mars probablement). C'est une décision sans précédent en Europe, la preuve que les choses sont très graves. 

26/09/2024

Il faut aller voter, quand même...

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(Photo- Nice. Septembre 2024)

Perdre le pouvoir est la seule chose qui coûte plus cher que perdre de l’argent. C’est juste une phrase que je viens de lire dans un roman noir d’investigation journalistique. L’auteur portugais (Miguel Szymanski, La Grande Pagode) y dresse le portrait d’un pays vendu pièce par pièce, entre précarité, fraude et incompétence des dirigeants.

Un journaliste slovaque, Arpad Soltesz, connu pour son travail sur le crime organisé en Slovaquie, a fondé un Centre pour l’investigation journalistique qui porte le nom de Jan Kuciak, son confrère assassiné en 2018, et tout ce qu’il ne peut écrire dans ses articles, il en fait des romans. En 2017, il publie son premier roman noir slovaque à paraître en France, Il était une fois dans l’Est.

Des topos comme ceux-là me sont assez familiers. Récemment, un journaliste roumain observait que la Roumanie était en train de devenir une république infractionnelle. Cette fin d’année 2024 verra les élections législatives et l’élection présidentielle. Depuis décembre 1989 (la chute du communisme), la vie politique roumaine poursuit avec persévérance sa pente descendante. Non pas que cela nous change beaucoup par rapport à l’avant 1989. Mais c’est juste pour remarquer que quand on croyait avoir vu le pire, ce n’était pas encore le pire. Les partis politiques roumains, on les connait, ils proviennent tous d’une même racine, ce sont des groupements d’intérêts qui s’affrontent parfois, quand ils ne passent pas d’alliances invraisemblables. Ce qui les préoccupe, c’est leur strict pouvoir, les postes, comment faire caser leurs proches, comment profiter au maximum de tous les avantages d’une position politique ou administrative, et encore toutes sortes de combines financières inimaginables. Mais voyons quels sont  les principaux candidats pour la présidence de la république.

Un candidat, chef du parti socio-démocrate (attention, il s’agit de la social-démocratie roumaine dont on connaît les origines) et actuel premier ministre, est un ancien vendeur de bretzels (après tout, Ceausescu était cordonnier de son état, avant de devenir le génie des Carpates). Un autre candidat, porté par les libéraux (le parti libéral à la roumaine, s’entend) est général de l’armée (au moins, c’est clair). Un autre candidat, qui se présente comme indépendant, est issu de la même formation communiste, fils d’un ancien général de la Securitate, et il a occupé plusieurs postes dans la diplomatie (on sait ce que cela signifie). Une candidate, maire d’une petite ville, est soutenue par le parti récemment créé en 2016, l’Union Sauvez la Roumanie (USR). Elle déclare, émue aux larmes, avoir fait une passion pour son pays qu’elle ne quitterait jamais, car il est facile de prendre un billet d’avion et s’expatrier, non, elle est loyale, ne trahit pas… Les souverainistes autour de leur chef du parti l’Alliance pour l’Union des Roumains (AUR) sont, quant à eux, ce qu’il y a de plus caricatural dans le genre (tout le mal vient de l’UE…) quand on sait que la seule chance de la Roumanie a été évidemment son adhésion.

Les CV des candidats sont truffés de paradoxes, comme il se doit dans un pays atteint du syndrome Dunning-Kruger (les incompétents qui ne savent pas qu’ils sont incompétents, car il leur manque le minimum de compétence pour se rendre compte de leur incompétence…).

La campagne est en cours, elle est dynamique selon les standards de la démocratie roumaine : grosses ficelles, attaques à la personne, démagogie, populisme. Les candidats n’ont pratiquement pas de programme, mais ils mettent en avant leurs sentiments patriotiques et leurs intentions de mettre fin à la corruption, rien que ça. Pour ce qui est de leur sympathie ou liens avec le Kremlin, ils sont entre deux chaises, ne leur demandez pas de trancher officiellement.

Nous avons donc: le vendeur de bretzels, le général, le diplomate indépendant, la pasionaria, le souverainiste basique. Il faudra élire le président, quand même…