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19/05/2025

Nous avons échappé au pire

élection présidentielle roumanie,europe,extrême droite(Photo- La nouvelle Peugeot Inception, exposée à Cannes)

Hier, dans la soirée, nous avons eu les chiffres : 54% Nicusor Dan, le maire de Bucarest, candidat indépendant libéral et pro-européen, 46% George Simion, le candidat nationaliste et eurosceptique. Deux personnalités totalement différentes : le premier est un mathématicien titulaire d’un doctorat à la Sorbonne, avec une riche expérience professionnelle, le deuxième est un hooligan et un extrémiste farouche, sans occupation réelle, et chef du parti l’Alliance pour l’unité des Roumains, une sorte de GIO autochtone.  

La joie d’avoir échappé au pire, c’est-à-dire à l’enterrement de la Roumanie vivante, est bien triste, pour employer un oxymore. Quand vous frôlez la mort, vous n’ouvrez pas une bouteille de champagne parce que vous êtes resté en vie, surtout que vous êtes en sursis pendant cinq ans. Le danger est toujours là. Normalement, vous devrez faire preuve de décence et de lucidité, car la vérité inavouable, mais qui saute aux yeux dans les chiffres, c'est qu’un Roumain sur deux est extrémiste, anti-européen, anti-Occident, pro-russe, évidemment. Ensuite, il y a la haine et la violence qui ont déchiré la société roumaine pendant ces derniers mois depuis l’annulation de la précédente élection présidentielle. Ceux qui sommes de l’autre côté de la barricade, nous n’avons pas imaginé les vraies dimensions de ce ressentiment et la manière dont il pourrait se concrétiser. Mais il faut dire, sans trop s’attarder sur ses multiples causes, que l’engrenage fait de corruption et d’incompétence, de duplicité et de trahison, d’opportunisme et de lâcheté à tous les niveaux de la société roumaine - institutions de l’Etat, partis politiques, Justice, Eglise - s’accroît depuis trente-cinq ans, tout en traversant des étapes.

Le nationalisme roumain (ce qu’on appelle l’extrême droite) n’est pas celui que l'on retrouve en France ou aux Etats-Unis, rien à voir. Et c’est pourquoi le message de soutien que madame Le Pen s’empressait d'adresser au candidat patriote est ridicule, pareil à la position du vice-président J.D Vance en faveur de l’extrémiste délirant arrivé au second tour de l’élection présidentielle en décembre dernier. Non, même si le candidat patriote se réclame de l’idéologie du président Trump, il n’en est qu’une caricature. Il faut remettre les pendules à l’heure locale. L’extrémisme roumain est un fascisme, et ses racines sont claires, pour ceux qui connaissent un peu l’histoire. Et non, ce n’est pas toujours une question d’absence d’éducation de cette moitié de la population, bien que ce soit un facteur à prendre en considération, c’est une question de propagande idéologique et religieuse, fondée sur l’identité nationale. Ce type de propagande sait appuyer sur des ressorts émotionnels primaires, dans un contexte mondial dominé par l’incertitude.

Le président roumain précédent, Klaus Iohannis, avait affiché une sorte de projet ambitieux, la Roumanie éduquée. C’est tombé à l’eau. Le slogan de campagne de Nicusor Dan, le président élu, c’est la Roumanie honnête. Si un projet d’éducation est très long, puisqu'il ne peut se vérifier que dans la durée, en revanche, une stratégie nationale visant à enrayer la corruption est plus réaliste et ses résultats peuvent être très concrets, ne serait-ce que par des décisions et des mesures rapides et bien ciblées. Cela est possible, et ce serait la seule chance de la Roumanie.      

28/04/2025

La semaine du destin...

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(Photo- Champ de colza en Roumanie) 

Oui, car dimanche le 4 mai aura lieu le premier tour de la présidentielle en Roumanie. Le 18 mai, le second tour. En fait, nous vivons pratiquement un autre 1989. La Roumanie ne s’est jamais retrouvée dans la situation de mettre en doute l’idée de démocratie, d’appartenance à l’Union Européenne et à l’OTAN. Et c’est ce qui se passe maintenant. Si ce sont les extrémistes qui gagnent, nous serons dans une situation bien pire qu’avec Ion Iliescu, il y a plus de vingt-cinq ans. L’élection présidentielle a déjà été annulée en décembre dernier, quand nous avons frôlé la catastrophe. Mais on n’avait pas encore pris la mesure de la totale déstabilisation politique et économique mondiale après l’installation de la nouvelle administration américaine. La Roumanie est située entre deux mondes, par sa position géostratégique, et donc l’équation se résume ainsi: soit avec les Russes, soit avec les Occidentaux. La première option serait létale. Néanmoins, une partie de la population, frustrée et révoltée, est prête à voter pour un nouvel extrémiste. A présent, le pays risque la récession, il a le plus élevé déficit budgétaire de l’UE (9,3%), et il n’a absorbé du PNRR (le Plan National de Redressement et de Résilience) que 9,4 milliards d’euros sur les 28,5 milliards disponibles. Il n'y a pas d’investissements, pas d’échanges commerciaux. Tout tourne au ralenti ou est carrément à l’arrêt. Des réformes urgentes sont nécessaires, qui pourra les faire ? En tout cas, aucun des candidats qui se présentent. Et encore, avant de parler de réformes, il faudra que nous soyons sûrs de rester en communication avec Bruxelles et non avec le Kremlin. Ce serait le premier ouf de soulagement après cette élection présidentielle.

Ma petite-fille américaine est née en janvier 2007. C’est l’année et le mois où le pays de son père a intégré l’Union Européenne et où, moi, j’ai cessé de trembler à la Préfecture des Alpes-Maritimes pour renouveler mon titre de séjour (« Vous êtes européenne, madame ! »). Elle a eu donc 18 ans et elle souhaiterait obtenir la nationalité roumaine, c’est-à-dire être aussi européenne. L’actuelle administration américaine qui a renversé toutes les alliances et tout l’ordre mondial, en propageant la division, l’incertitude, l’incohérence, le chaos même, ne durera pas longtemps, et j’espère qu’un jour le lien transatlantique sera restauré.

J'ai passé une dizaine de jours au bord du Danube, en Roumanie, à Pâques. Quelques images postées sur Facebook dans l'Album Galati, Roumanie. Avril 2025. https://www.facebook.com/media/set/?vanity=serghie.carmen...

20/02/2025

L'Homme par qui le malheur arrive

Etats-Unis, lien transatlantique, Ukraine, Russie, basculement

(Photo- Mon voyage en novembre 2024

Tout a basculé en l’espace de quelques jours. Le lien transatlantique de 80 ans vient d’être rompu. Le leadership que les Etats-Unis ont affiché pendant toutes ces décennies au nom de l’Occident deviendra un nouveau leadership, cette fois-ci au nom des Etats-Unis qui choisiront qui ils voudront comme partenaires, par exemple la Russie, l’ennemi d’hier. La protection américaine en Europe est en train de s’effondrer. Chaque déclaration de l’actuelle administration américaine nous laisse sans voix. La sidération est totale. Nous ne sommes pas nombreux, sans doute, à avoir imaginé qu’un tel scénario de politique fiction deviendrait réel, le rapprochement entre le Kremlin bien connu et l’administration américaine 2025, et cela malgré des signaux évidents. Nous ne voulions pas y croire. Pour ceux d’entre nous qui avons connu la guerre froide et le communisme, l’attachement à tout ce que représentait l’Amérique après la Deuxième Guerre mondiale allait de soi. Qu’une administration américaine puisse maintenant détester l’Europe à ce point, c’est tout simplement impensable. Nous assistons à un renversement total des valeurs, une rotation à 180°.

Pendant ces dernières heures, dans la déclaration du président Trump l’Ukraine agressée est coupable d’avoir déclenché la guerre, le président Zelensky est un dictateur, Poutine est réhabilité, et le deal avec le Kremlin promet de changer du fond en comble la configuration géopolitique de cette partie du monde. Les pays de l’Est ont beaucoup à craindre, évidemment. Ce sera un Munich 2.0 et aussi un Yalta 2.0. Je m’attendais que Trump agisse dans l’intérêt des Etats-Unis et du lien transatlantique. Je me suis trompé. Poutine est entré dans son cerveau. Les Etats-Unis deviennent notre adversaire. S’ils nous jettent sous le camion, on doit réagir, dit un général français sur une chaîne d’information. L'Europe est en train de se rendre à l’évidence qu’elle est seule, qu’elle doit prendre son courage à deux mains, surmonter les divisions, essayer de retrouver une solidarité indispensable en situation de guerre, et surtout se réarmer, produire. Elle a eu quand même trois ans pour se préparer, apparemment elle ne l’a pas fait. Espérons qu’elle ne se couchera pas, car c’est une lâcheté qui lui coûterait très cher. Nous pensions que le temps des idéologies était révolu. En fait, non. Il y en a deux qui ont le vent en poupe aujourd'hui, et qui ont donné ce à quoi nous assistons : le wokisme et le dark enlightenment. Entre ces deux idéologies, la raison et les valeurs normales sont écrasées. 

08/01/2025

La stratégie roumaine du pourrissement

C’est un haut diplomate qui formule ce que nous voyons tous à l’œil nu. L’ancien ambassadeur américain, Adrian Zuckerman, demande au Gouvernement roumain d’élaborer un rapport détaillé et transparent concernant l’ingérence russe dans l’élection présidentielle et de déclassifier le plus d’informations possibles. Un rapport destiné à expliquer au public ce qu’il s’était réellement passé et à éviter qu’une telle situation se reproduise.

« On ne peut attendre encore un mois ou deux… On ne peut laisser les choses continuer ainsi. Il ne suffit pas de fixer une date pour le prochain scrutin, comme si rien ne s’était passé pour en arriver là. Pendant ce  temps, la propagande bat son plein, tous les jours. Quelqu'un devrait dire : "Non ! Voilà comment ça s’est passé ! Nous allons nettoyer ! Nous avons commis l’erreur d’avoir laissé les choses arriver à ce point, mais nous ne la répéterons pas". Il faut que le Gouvernement explique clairement ce qu’il s’est passé et il faut aussi que le Parquet démarre une enquête. C’était un coup d’Etat. Maintenant, ils sont tous en vacances. Comment peut-on être en vacances quand il y a un coup d’Etat ? C’est une honte…Personne ne fait rien. J’ignore ce qu’il se passe ici, mais tout aurait dû être réglé le plus vite possible. »

La vraie question est quels jeux se font en Roumanie à présent.