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17/08/2014

Si l'Amérique vous rend fou, essayez l'Europe

 (Mes photos: Règle cadeau pour la rentrée de Rowensuicide,dépression,société,institutions,etats-unis
 
J'ai vu une affiche publicitaire, si je ne me trompe pas, pour Le Monde diplomatique, et qui disait: "en août on se pose, on réfléchit" (en lisant le magazine en question..). Pourquoi le mois d'août serait-il plus propice à la réflexion qu'un autre? Peut-être parce que c'est par définition le mois des vacances, quand tout s'arrête ou tourne au ralenti - les fournisseurs, les administrations (sauf celles des impôts). Lorsqu'on travaille, on réfléchit moins. Chaque jour se présente avec son lot d'informations, parfois contradictoires, et on attend à ce qu'un point vienne clore la longue phrase des événements préoccupants en train de se dérouler aux frontières de l'Europe, en Irak, au Proche Orient, en Afrique..Et là, une coupure inattendue qui a soulevé de nombreuses réactions, et a mobilisé l'intérêt des journalistes et des médias: le suicide de l'acteur Robin Williams, à 63 ans. On pouvait lire d'excellents articles dans The Guardian, The NYT, The New Yorker, Time, proposant une analyse plus approfondie de l'événement qui a bouleversé le monde du cinéma, et s'interrogeant sur les aspects de la dépression, de l'addiction et du suicide dans la société d'aujourd'hui. 
 
39.000 Américains se suicident chaque année, c'est la dixième cause de décès, devant le SIDA et l'anévrisme (pour ceux qui réussissent, car il y a aussi plus d'un demi million qui arrivent à l'hôpital chaque année pour tentative de suicide). Le taux de suicides augmente surtout dans la tranche des adultes d'âge moyen, ce qui signifie que pour ceux-ci les choses qui ne se présentent déjà pas bien n'ont aucune chance de s'améliorer. On a l'habitude de chercher toujours "la raison" derrière ce passage à l'acte tragique, surtout quand il s'agit d'une célébrité, puisque l'idée que quelqu'un puisse être malheureux malgré son argent et son succès apparaît comme illogique. Or, le suicide est un crime de solitude, l'intelligence n'aide pas, et le fait d'être brillant peut au contraire, isoler. Le bonheur ne saurait être ni assumé, ni gagné. Le suicide et la dépression ne sont pas de l'égoïsme ou de la lâcheté. La maladie mentale qu'est la dépression empêche de raisonner "normalement". Ce qui est inquiétant, c'est la proportion que celle-ci prend dans notre société depuis deux- trois décennies. Bruce E. Levine, psychologue clinicien, s'interroge dans son article sur les facteurs qui font que la vie en Amérique vous rend fou: les longues études pour obtenir des diplômes et l'accumulation de prêts-étudiants, la souffrance au travail, l'isolement social, la démotivation. Pendant les vingt dernières années, l'utilisation d'antidépresseurs a augmenté de 400%, surtout chez les 18-44 ans, et le taux de suicides chez les 35-64 ans a augmenté de 28,4% ces dix dernières années. Parmi les principales causes: le surdiagnostic des troubles psychiatriques, et la psychiatrisation du comportement normal (entre autres, les antidépresseurs prescrits pour déficit d'attention, ou pour hyperactivité..). La question de fond que soulève l'article est celle de la pression sociale, et il me semble bien qu'elle concerne non seulement un pays comme les Etats-Unis. Nos institutions sociétales sont-elles capables de promouvoir l'enthousiasme plutôt que la passivité, le respect plutôt que la manipulation, la confiance plutôt que la peur, l'isolement, ou la paranoïa, l'épanouissement plutôt que l'impuissance, l'autonomie plutôt que le dirigisme, la démocratie participative plutôt que les hiérarchies autoritaires, la diversité et la stimulation plutôt que le nivellement et l'ennui? La réalité est que de plus en plus de gens confrontés à l'impuissance, au manque de perspective, à l'ennui, à la routine, à la peur, à la solitude, à la déshumanisation, choisissent de se révolter par l'indifférence, par les excès (boisson, nourriture, jeu), par l'agressivité, par l'addiction aux drogues légales et illégales.
Néanmoins, l'Amérique reste le pays qui pose les bonnes questions et essaye de trouver des réponses.  
 

04/08/2014

Mr.Clapson

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(Photo Web: Illuminated cubicle and workstation in dark office)

Cet article que j'ai lu hier soir, dans le très sérieux quotidien The Guardian, m'a touchée jusqu'aux larmes, et je dois reconnaître, beaucoup plus que les explosions couvertes ces jours-ci par les médias. Un chercheur d'emploi âgé de 59 ans, mort dans une totale solitude, entouré de ses CV, avec 3 £ sur son compte bancaire, l'estomac vide, et le frigo, où il gardait son médicament contre le diabète, hors service, puisque l'électricité était coupée. Cette tragédie silencieuse est finalement très occidentale, si l'on pense à l'isolement personnel, et surtout, à la fierté s'efforçant d'étayer la dignité (il n'y a pas la multitude de cousins, de frères, la masse de la communauté pour vous porter, ou pour crier..). Elle nous fait voir une autre facette cruelle de l'actualité, celle du rouleau compresseur de l'administration, dont les victimes ne sont pas moins humaines que les autres, qui succombent violemment, mais à cause de l'escalade de la haine et de l'acharnement. On sait bien que l'administration accuse toujours ceux qui ne trouvent pas d'emploi de ne pas chercher suffisamment, en les culpabilisant pour les maigres allocations dont ils bénéficient, et en oubliant que ces maigres allocations retournent dans le circuit de la consommation.. Les sanctions émanant de ces dispositifs de réinsertion (que j'appelle "pénitentiaires") sont mises en application par des fonctionnaires qui, eux, à part le fait qu'ils sont sécurisés par un emploi et un salaire, n'ont ni le temps, ne les moyens pour s'attarder sur un dossier, afin de comprendre une situation, un cas. L'image que j'en ai est celle d'une plantation sur laquelle certains travaillent, pendant que d'autres les surveillent.. Les vrais maîtres, c'est une élite de plus en plus riche, de plus en plus concentrée, et malheureusement, de plus en plus politique. 

29/07/2014

Rien que 24 ans..

 

exil, Mur, France, Roumanie, témoignage, 1990

(Mes photos: Assiette en céramique

Je suis entrée à la Fnac ce matin, dans le but précis de jeter un regard sur un essai sorti en mai dernier, "Les ex-communistes", l'auteur étant un universitaire français, ex-communiste. Je n'en ai pas eu pour longtemps..En prenant l'escalier pour descendre, j'ai aperçu sur la moquette un petit livre que quelqu'un avait probablement laissé tomber, et je l'ai ramassé. C'était Guy de Maupassant, La Parure. J'ai relu cette courte nouvelle en moins de dix minutes, là, en m'accoudant sur la balustrade. Mathilde Loisel finit par se rendre au bal pour lequel son mari lui avait procuré une invitation, et, l'espace d'une soirée, elle oublie sa vie morne de femme de petit employé et se sent vivante et admirée, avec sa belle robe et le collier qu'une riche amie lui a prêté. Mais de retour chez elle, la parure n'est plus à son cou. Les Loisel vont contracter une dette et travailler durement pendant dix ans pour rendre et rembourser le collier. Un jour, Mathilde, que les épreuves ont rendue méconnaissable, croise sa riche amie et apprend que le collier était un faux..

Je suis sortie de la librairie avec une curieuse sensation, un mélange de tristesse et de froid.. Ces trois derniers jours de juillet marquent mon premier voyage à Nice, il y a exactement 24 ans. Le texte que j'ai publié dans la liste Témoignages, "Vingt ans après", je ne le relis plus, je crois que la dernière fois c'était quand je l'avais enregistré. Néanmoins, par respect pour mon destin ou ma destination (synonymes en espagnol), j'ai voulu marquer le moment, et j'ai recherché quelques notes de juillet, à la même époque. Il se trouve qu'elles disent quelque chose.." Pourquoi réagir?", du 25 juillet 2006, "Bonne Fête, la France!", du 14 juillet 2008, "Et si le Mur n'était pas tombé?" du 27 juillet 2009, "L'effet DNS" du 26 juillet 2013. Dans certaines, la taille des caractère est différente, mais on peut zoomer. La note de 2009 a aussi une vidéo avec ma chanson de l'été '90, "Marina, Marina", je vais la rafraîchir avec cet autre clip, dont j'aime le décor, la mini rouge, la dame et sa robe d'été, et, bien sûr, le refrain (oui, c'est peut-être légèrement kitsch, mais ça ne fait rien)..http://youtu.be/i9-AtHiVHPo 

 

20/07/2014

Langage et trahison

rebelles, Russie, crash, Ukraine, gaza, conflits, violence, langage

Update 24. Cet article résume comment l'Europe a décidé de "réagir" concrètement après le crash de l'avion de ligne abattu en Ukraine par les séparatistes pro-russes (on peut toujours en prendre connaissance dans la traduction offerte par Google, et s'apercevoir, par l'occasion, des limites de la traduction automatique, souvent drôle...). J'ai eu la patience de consulter la presse européenne. Si, depuis l'événement tragique, elle a été extrêmement abondante en images et en détails, maintenant elle reste assez discrète sur la division des pays européens quant aux sanctions à l'égard de la Russie. Le président roumain a été le seul à souligner que la sécurité du citoyen européen devrait peser davantage dans la balance des divers intérêts et liens économiques et financiers avec la Russie. Eh bien, il paraît que ce n'est pas le cas. 

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(Mes photos: Le square Durandy, Nice)

 

Un quotidien roumain titre: "Les rebelles pro-russes soûls tirent dans l'air" (ce qui ne m'étonne pas de leur part...). Un ministre de l'intérieur avertit les proches des victimes de l'avion abattu de faire bloquer les comptes de celles-ci, afin que leurs cartes bancaires ne puissent être utilisées..Les rebelles semblent ne pas avoir attendu que la machine diplomatique embraye, en toussotant, et qu'elle envoie des experts sur place, d'autant plus qu'avec la chaleur, il fallait réagir rapidement. Apparemment, ils font régner leur loi sur ce bout de territoire, pendant que la diplomatie internationale a cessé de toussoter et devient plus ferme à l'égard de la Russie, dont le président était occupé à se rendre à une cérémonie orthodoxe nationale en l'honneur d'un grand saint d'il y a quelques siècles..

Dans un autre endroit, à Paris, lors de la manifestation concernant la récente réouverture du conflit à Gaza (je réalise que j'ai choisi ce terme-là, comme dans "réouverture d'un commerce", sans doute à cause du caractère cyclique de ce conflit), une jeune femme se révolte: "Y en a marre que nos enfants se fassent tuer...". Je suis quasiment certaine que la jeune femme n'avait aucune idée de la question du posé et du présupposé dans l'énoncé/l'énonciation, c'est-à-dire que maintenant on ne supporte plus ce qui, jusque-là, allait encore.. Mais, "ça parle", et ça est meurtrier, depuis la nuit des temps...La violence tolérée, justifiée, ou les degrés dans la violence.. Tous les conflits armés se fondent sur des considérations historiques, idéologiques, religieuses. C'est dans ces considérations que les humains excellent, puisque c'est du langage, l'arme absolue, celle qui décide et exécute. Il n'existe pas une échelle de la souffrance humaine, mais la mort ("et les taxes"...) reste l'unique vérité tangible et irréversible que l'humanité partage. 

 

Pourquoi pas, un rêve reste un rêve: http://youtu.be/EJmPWD-VjgI