26/07/2022
"Les perroquets n'ont jamais honte"
(Mes photos- Résilience. A Charleston, Caroline du Sud, en juillet 2016)
Nous assistons en Roumanie à une tentative sournoise de réhabilitation de la Securitate (la colonne vertébrale du totalitarisme communiste), et aussi du rôle des Services. Pour un bon nombre de Roumains, vivre dans un régime totalitaire a été une expérience traumatisante. Pour d’autres, pas spécialement. Ils ont collaboré en vrais patriotes. Et c’est justement sur cette corde sensible touchant à l’appartenance et à l’identité (nationale, religieuse) que joue de nouveau le patriotisme. Après un traumatisme, de quelque nature que ce soit, le temps pour vivre sa peine ou sa colère, pour l’exprimer, est important. Si nous tournons la page rapidement, des sentiments feront surface plus tard et se transformeront en maladie ou en dépression. Le déni qui permet de ne pas souffrir, écrit Boris Cyrulnik (Mourir de dire. La honte, Editions Odile Jacob, 2010), n’est jamais un facteur de résilience, puisque le blessé ne peut rien faire de sa blessure. Ce qui se passe maintenant en Roumanie est une forme de déni. Les générations passent, on compte sur l’oubli, mais surtout sur la réécriture perverse de l’histoire et la manipulation des émotions.
Il y a plusieurs voies pour s’en sortir après une expérience traumatisante. Je peux me soumettre aux impératifs du groupe, afin de devenir anormalement normal, comme tout le monde, un clone culturel archi-convenable. Une pensée consensuelle, un « oubli » de cette étape de la vie, bien que cela soit impossible. Je peux me soumettre à une force suprahumaine, transcendante, où la soumission est une valeur morale qui glorifie ceux qui rentrent dans le rang. C’est la religion qui, après la parenthèse communiste, revient en force, et s’identifie au patriotisme. Juste un autre totalitarisme. Mais je peux aussi prendre une voie individuelle, chercher et trouver au fond de moi des valeurs personnelles acquises au cours de ma propre histoire et découvrir une sorte de mythe intime, « à la carte », qui thématise mon existence, et qui vaut pour moi et pas forcément pour le groupe. Les sociétés totalitaires ont horreur de cette liberté intime, car elle échappe au contrôle du chef. Les totalitarismes, religieux ou profanes, sont révulsés par les mondes intimes où la personne n’a pas besoin du soutien consensuel. Car voilà l’essence du contrat pervers: la solidarité sera grande pour les personnalités ainsi rabotées, puisqu'elles se soumettent à la loi du groupe. « Les perroquets n’ont jamais honte ».
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, tous les pays ont pris des mesures de sécurité renforcées. L’Occident semble comprendre finalement l’erreur fatale d’avoir cru qu’il pouvait construire avec la Russie une relation basée sur des intérêts économiques communs, et ignorer les leçons de l’Histoire. En Roumanie, il paraît que c’est le calme plat et que la coalition bancale de gouvernement fonctionne. Un article paru dans Revista 22 écrit que ce silence est toxique, car il cache des abus et une corruption qui prolifère. Mais on sait bien, depuis une éternité de minimum trente ans, que l’administration roumaine est le lieu où la mentalité clanique de nos élus et responsables se concrétise le mieux: des époux, des fils, des maîtresses, des parrains, etc. La DNA (la Direction Nationale de la Lutte contre la Corruption) a les ailes coupées, les magistrats réformistes et anti-corruption sont intimidés et menacés d’exclusion. Alors, qui contrôle cette administration incompétente et corrompue, enfin ? Bien entendu, les Services. (Remarquez, ça ne nous change pas énormément par rapport à l’avant ’89). Les responsables politiques roumains, s’ils ne représentent pas eux-mêmes certains groupes d’intérêt des Services, sont bien surveillés afin de ne pas s’éloigner de la ligne générale. Or, poursuit l’article, cela n’est pas une vraie démocratie, mais un simulacre. Cela donne un système consolidé, supervisé par les Services et par les structures militaires que le président apprécie particulièrement. Un président qui est tombé dans le piège antidémocratique, comme son prédécesseur.
Bon, ce n’est pas vraiment nouveau. Sauf que nous sommes en 2022, pas dans les années '90 ou début 2000. Et que, jusqu'en 2027, la Roumanie recevra 31,5 milliards d’euros non remboursables de l’UE suite au partenariat avec la Commission pour la cohésion économique, sociale et territoriale, la compétitivité, la transition verte et numérique. C’est le 18 e pays européen qui signe ce contrat. Néanmoins, la Roumanie n’est pas comme les autres. Depuis 2007, elle a reçu énormément de fonds, mais elle a été incapable de réaliser des projets. Quand il s’est avéré plus compliqué de détourner ces fonds, ou de les siphonner au travers de montages financiers, elle y a renoncé, et donc ne les a pas absorbés. Là, maintenant, qui pourrait croire qu’une administration aussi « compétente » (parce que, avec le temps, les choses ont empiré, il va de soi) pourra concevoir et mettre en pratique des projets pointus, liés aux défis économiques, sociétaux, technologiques, environnementaux de l’époque actuelle ? Mais on rêve !
18:07 Publié dans Actualités, Enjeux, Evénement, information, Livre, Presse, RO-EU-USA/Coopération | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : services roumains, déni, démocratie, guerre, fonds ue | Facebook | | Imprimer
29/09/2013
La démocratie, en travaux "sine die"
Update. 8 octobre. Avec les millions/milliards siphonnés aux fonds UE ("affectés ailleurs", comme disent les officiels pudiquement), on pourrait mettre en place un minimum de dispositifs dignes de l'espèce humaine, afin d'assurer un minimum de reconnaissance à des êtres humains qui essaient d'échapper à leur enfer au risque assumé de trouver un autre (récemment, la tragédie Lampedusa). On tire sur Frontex, par exemple, dont on apprend qu'il a un budget équivalent à je ne sais quel département français..Enfin..
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Ce blog s'intéresse à la Roumanie, à l'Europe, aux States. Cela fait déjà beaucoup, comme horizon, n'est-ce pas...Bien sûr, je suis parfaitement au courant des informations venues d'ailleurs, parce que le monde est ouvert et interconnecté, je les intègre à ma réflexion, mais je ne pense pas souhaiter me pencher sur celles-là, en particulier. Comme je ne suis pas journaliste, et que je n'écris pas non plus sur commande, mes choix sont toujours authentiques, je me sens concernée, ou touchée, ou révoltée. D'ailleurs, on peut voir, via les archives, que les aspects récurrents dont je parle dans mes notes n'ont pas vraiment évolué. Ce qui fait une bonne radiographie, sans aucune prétention, bien entendu, mais disons juste un effet de persévérance et de fidélité.
Je viens donc de lire sur capital.ro que les fonds UE dérobés chaque année s'élèvent à 500 millions d'euros, mais que selon un fonctionnaire de la commission européenne, le montant réel serait de l'ordre de plusieurs milliards d'euros. D'où l'initiative de mettre en place un Bureau (un nouveau...) du Procureur Public Européen (EPPO) ayant le rôle de dépister ceux qui volent les fonds européens (opérationnel dès 2015). Cette structure (sans doute redondante, mais si un dispositif de plus peut enrayer la fraude, pourquoi pas?) sera formée de procureurs et d'adjoints des pays membres, et aura également une représentation locale, dans laquelle les procureurs seront nommés par les gouvernements nationaux (quand on sait comment cela se passe concrètement au niveau du cercle justice-affaires de corruption-politisation...). Les autorités nationales ont de faibles résultats dans le suivi des pistes fournies par l'OLAF (c'est l'organisation européenne qui, en termes d'efficacité, fait penser à l'ONU), à savoir: "il n'y a pas d'uniformité dans les pays membres concernant la capacité et la volonté de gérer efficacement ce genre d'infractions". En clair, les uns volent mieux/davantage que les autres, et ces milliards d'euros qui partent en fumée chaque année doivent bien être engloutis quelque part, encore faut-il trouver où...
Dans l'étude du Think-tank britannique Demos Measuring democracy in the EU (gratuitement téléchargeable) on apprend (au cas où on l'ignorait) que la Roumanie et la Bulgarie enregistrent le plus de retard à plusieurs indicateurs qui mesurent la démocratie en Europe. Par exemple, dans "Démocratie procédurale et fonctionnelle", à l'indicateur "Contrôle de la corruption", la Roumanie occupe la 27 e place, tout comme à l'indicateur "Présence électorale" (devancée par la Bulgarie). Dernière place également à l'indicateur "Intolérance envers une direction autoritaire civile ou militaire ", qui me semble pouvoir se corréler avec la 26 e place à l'indicateur "Citoyenneté active" ("Participation aux protestations") et la 20 e place pour "l'Implication civique". En tout cas, on est d'accord que le progrès est lent, et que les aspects de la régression de la démocratie sont difficiles et complexes.
Sur le même sujet inépuisable, j'écrivais en 2008 (Les fonds II et Les fonds IV) et en 2012, l'année de la dernière crise politique en Roumanie. Pour le contexte, je vais répéter le choix de cette vidéo: http://youtu.be/kR2wfLyT-b0
P-S. Je constate de nouveau qu'il y a des pubs dessus, je n'y suis pour rien (je l'ai écrit aussi sur le photoblog où je mets parfois une chanson), et j'ignore complètement qui fait quoi dans cette histoire de vente, ou quel en est le mécanisme. Des techniques vraiment agressives (vous êtes obligés de regarder et d'écouter la pub avant d'accéder à la vidéo, car on ne peut plus suspendre la pub), on gagne sur votre dos -sur vos données, sur votre espace, sur vos choix, etc..., sans aucun avertissement. Assez sauvage, comme marketing, à une époque où l'on ne parle que d'éthique..
19:02 Publié dans Actualités, Emploi, Enjeux, Evénement, Film, information, Musique, Photoblog, Presse, RO-EU-USA/Coopération, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ue, démocratie, think-tank, roumanie, fonds, lampedusa | Facebook | | Imprimer
03/04/2013
Le jeu démocratique
http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/04/03/mediapart-sur-l-affaire-cahuzac-ce-qui-fait-le-malheur-de-la-democratie-ne-rend-pas-heureux-les-journalistes_3152414_823448.html
GLOBAL INVESTIGATION: Inside the Offshore Global Money Maze - Premium Times Nigeria
17:37 Publié dans Actualités, Enjeux, Evénement, information, Presse, RO-EU-USA/Coopération, Web | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : affaire cahuzac, démocratie, chypre, roumanie, ce, transparence | Facebook | | Imprimer