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21/06/2025

Les billes blanches

roumanie,premier ministre,festival pangea,anniversaire thèse(Photo- Juin sur la Côte d'Azur)

Pour moi, en ce mois de juin 2025, elles sont trois. La première, c’est la désignation du Premier ministre par le Président roumain, quatre semaines après l’élection présidentielle, plus exactement après six mois de tension extrême dans la société et au sein de la classe politique. Evidemment, les partis n’ont pas voulu accepter les mesures urgentes et vitales visant à empêcher que le pays sombre totalement à cause du déficit et qu’il perde les millions d’euros européens. La perspective d'essayer de rendre normalement efficaces les institutions de l’Etat, en ciblant les sinécures et les postes inutiles, en s'attaquant au népotisme et au clientélisme, en maîtrisant l’évasion fiscale, ne plaît pas du tout aux sociaux-démocrates (roumains, il faut préciser), ce parti de malheur, l’héritier du parti communiste et de la police politique, la Securitate, ce parti qui a grossi ses rangs, au fil des trente-cinq années écoulées, avec tous les opportunistes et les escrocs habiles et démagogues. Mais il y a pire qu’eux : les petits partis souverainistes, des caricatures, qui sont entrés au parlement et qui votent les lois… Enfin, le premier ministre Ilie Bolojan, l’ancien président intérimaire, serait le bon choix. Avec le président élu, la Roumanie a maintenant à sa tête deux personnes qui manifestent la volonté ferme de mettre le pays sur les rails. Les deux hommes politiques sont compétents et intègres, chose plutôt rare, mais pourront-ils vaincre la Pieuvre ? C’est la grande question.

La deuxième bille blanche est la réussite du XVIII e Festival Pangea (www.pangeaproductions.org) organisé le weekend dernier par mon fils et son équipe à Anderson SC. Un travail de plusieurs mois, attentif, minutieux, que j’ai accompagné comme une fidèle supportrice que je suis depuis des années. Ce qui était un hobby au départ est à présent un bel exemple d'entreprenariat mettant en pratique des compétences communes à son emploi de base dans une grande compagnie (le sens des responsabilités, la gestion des équipes, la négociation). A chaque édition du Festival, il invite un DJ de Roumanie (un DJ connu, et qui reste assez cher, à mon avis, même après négociation). Je suis toujours impressionnée par le fait que mon fils soit affectueux envers son pays d’origine, contrairement à moi, mais je peux comprendre. Il a quitté à temps la Roumanie, c’est-à-dire au moment d’entrer dans la vie professionnelle, après avoir poursuivi ses études en France et aux Etats-Unis, et donc il n’a connu que le système américain. Heureusement pour lui, car il a les qualités et l’intelligence à la fois pour tenir bon et pour s’épanouir. Moi, je n’aurais pu m’épanouir outre-Atlantique, et en France je sais bien ce que j’ai traversé, mais je préfère fermer ce tiroir de ma mémoire et choisir une attitude ZEN pour l’actuelle étape de mon parcours de vie. Il reste la mémoire du blog, tant que je paie mon abonnement annuel à la plateforme Hautetfort…

Et voilà, j’arrive à la troisième bille blanche : ma belle Thèse soutenue le 27 juin à la Faculté de lettres de Nice aura 30 ans cette année ! Comme je l’écrivais dans une de mes notes d’anniversaire, ce doctorat ne m’a pas servi à grand-chose de matériel, mais il a joué un rôle de rempart pour moi en France, me permettant de résister et de garder intactes l’estime de soi, la force, la persévérance. Il a représenté un immense bénéfice psychologique, intarissable, en fait. A l’époque où je travaillais avec ma petite entreprise CEFRO dans le cadre du programme européen Grundtvig, Education et formation tout au long de la vie, et ensuite dans Erasmus+, je signais au moins les Certificats de participation à mes cours avec mon titre, Docteur ès lettres. (http://elargissement-ro.hautetfort.com/archive/2020/06/23...)

Il y a une page spéciale dans ma Thèse, qui m’avait été indiquée, après la soutenance en ce 27 juin 1995, par une personne qui y avait assisté stoïquement pendant quatre heures, mais qui ignorait complètement le sujet ou le nombre de pages d’un tel travail… (453, avec les annexes). Même des années après, je reviens à la page 283 et je recadre le passé selon cette grille de lecture. Il s’agit d’une référence à la Théologie de Saint Bernard (l’ouvrage d’Etienne Gilson). C’est sur la volonté, le libre-arbitre, la capacité à délibérer, selon Bernard de Clairvaux, célèbre esprit du Moyen Age. La volonté occupe une place importante dans ce que l’on appelle le socratisme chrétien de Bernard de Clairvaux. Cette pensée d’une extrême finesse psychologique fait partie d’un tableau où la connaissance de Dieu et la connaissance de soi sont inextricables. Il existe une liberté naturelle, ou liberté de nécessité, propre à la créature raisonnable, en quelque état qu’elle soit, aussi pleine chez les méchants que chez les bons. Pour être heureux, il faut jouir : pour jouir il faut une volonté; la volonté ne jouit qu’en s’emparant de son objet par un acte de consentement, et consentir, c’est être libre. C’est pourquoi, en créant l’homme en vue de l’associer à sa béatitude, dit Bernard, Dieu l’a créé doué d’une volonté libre, et c’est principalement en raison de sa liberté que l’homme est une noble créature. La conscience ne s’éteint jamais dans l’homme, dans le sens qu’il est toujours capable de porter un jugement sur ses décisions. Mais consentir et juger son consentement n’est pas tout, car on peut juger le mal et choisir pourtant de le faire. Au jugement s’ajoute un "choix" et cet acte de choisir (eligere) est lui-même le résultat d’une délibération (consilium). Or, en conséquence du péché originel, nous ne sommes pas capables de choisir le bien ou d’éviter le mal, même si notre raison nous en juge capables. Il faut dire que, si le liberum arbitrium ne nous manque jamais, nous pouvons manquer, sans cesser d’être hommes, du liberum consilium. Et à supposer même que, sachant ce qui est bien, nous choisissions de le faire, nous pourrons encore manquer de force pour l’accomplir (le posse)…

 

 

 

 

 

 

19/08/2024

Réflexions

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(Photo- Nice en août)

La disparition d’Alain Delon me plonge dans les années '60 et '70 que j’ai vécues de l’autre côté du Rideau de Fer, mes années de collège et de lycée. Dans les salles de cinéma, j’ai vu des films soviétiques, indiens, américains, italiens, français. Je me rappelle les films musicaux avec Elvis Presley (il est né la même année que Delon) ou avec Gianni Morandi, mais je me rappelle surtout les films français de cape et d’épée, mes favoris. C’est l’époque où je lisais Dumas, Féval (mais aussi Balzac). Je suis d’ailleurs restée fidèle à la première adaptation des Trois mousquetaires, celle avec Gérard Barray et Mylène Demongeot (qui aurait pu imaginer que j’allais rencontrer l’actrice à Nice, des années plus tard…).

De tous les films avec Alain Delon, je sais que j'ai surtout aimé à cet-âge-là La Tulipe Noire (pour le justicier, mon type humain préféré, comme Monte-Cristo) et Le Guépard (pour la scène du bal...). Hier soir, j’ai regardé Le Samouraï, diffusé sur France 2. J’en ai eu la patience parce que je voulais revoir l’acteur jeune, mais d'habitude je ne regarde plus (et je ne relis plus) ce qui appartient à une époque plutôt lointaine. J’évite les émotions qui accompagnent obligatoirement les souvenirs, mais on n'est jamais à l'abri de la mémoire involontaire. J'évite la nostalgie inhérente, d'une part, et, d’autre part, je trouve le présent suffisamment précieux et stimulant. Et puis, il est vrai aussi que notre sensibilité évolue, ou qu’elle est différente, et que la perception du rythme et des détails n’est plus la même, ce qui fait que la réalisation technique d’un film des années '60 ou '70 peut nous sembler un peu bizarre. Néanmoins, il ne faut pas oublier que c’était l’âge d’or du cinéma français. Je ne regarde pas les films français actuels, ce qui fait que mon choix sur les programmes TV est extrêmement limité (je ne suis pas abonnée à Netflix, ni à une autre chaîne cinéma, il me reste donc la chaîne Arte, de temps en temps).

La vie et la carrière d’Alain Delon ont été, durant ces dernières heures, évoquées minutieusement, expliquées, illustrées, par des articles, des enregistrements, des interviews, des récits, des témoignages. Les nouvelles technologies de la communication nous submergent d’informations. Nous faisons le tri, même involontairement, après quoi il nous reste quelques impressions d’ensemble ou un ressenti. Je ne sais pas si toute vie, vers la fin, est nécessairement triste ou amère. Ce qui peut être triste, c’est la manière de vieillir, la maladie qui diminue le physique et le psychique, de sorte que la personne ne ressemble plus à ce qu’elle a été. L’intensité avec laquelle elle a dû vivre est définitivement éteinte, et les images de l’énergie débordante d'autrefois sont à la fois fascinantes et douloureuses. C'est peut-être le côté cruel des technologies.

Je retourne retrouver l’ombre d’une consolation auprès du Philosophe, le seul capable de proposer une explication décente à la raison. D'après lui, la Joie serait la conséquence logique du fait de persévérer dans son être. Il entend par Joie une passion par laquelle l’âme passe à une perfection plus grande. Il dit aussi que l’âme, qui a des idées claires ou distinctes, ou de idées confuses, s’efforce de persévérer dans son être pour une durée indéfinie, et surtout qu’elle a conscience de son effort. Or, elle a conscience d’elle-même et de son effort « par les idées des affections du corps », elle ne peut connaître autrement que par le corps. Une idée qui exclut l’existence de notre corps ne peut être donnée dans l’âme, mais lui est contraire. Entre l’âme et le corps, il y a un lien d’amour, dit Spinoza. « Quel amour ! ». Alors, la fin ? Et pourtant, « l’âme humaine ne peut être entièrement détruite avec le corps, mais il reste quelque chose d’elle qui est éternel. » (L’Ethique).

27/06/2024

J'ai 29 ans...

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(Photo -Nice, Le Temple de l'Amour)

Pour marquer l’anniversaire de ma belle Thèse, j’ai choisi de rechercher dans les Archives et de proposer la relecture de quelques publications traitant de ce sujet. Mais d'abord, conformément au rituel consistant à ouvrir l’exemplaire de Thèse au hasard, voici quelques considérations autour de la volonté, du libre-arbitre, de la capacité à décider selon le célèbre esprit passionné que fut Bernard de Clairvaux.

C’est le traité De Consideratione, testament spirituel écrit à l’âge de soixante ans, qui concentre une vie passée à chercher l’équilibre de l’être humain. Bernard avait compris que tout le sens de l’existence consiste à sortir du pays de la dissemblance (nous dirons du faux, de l’inauthentique, du conventionnel) pour regagner le pays de la ressemblance, royaume qui est au-dedans de l’homme; c’est donc à l’intérieur de soi-même que celui-ci doit scruter avec lucidité s’il veut réaliser sa propre humanité et sa similitude divine. Ce rapport dissemblance/ressemblance se résout harmonieusement grâce au modèle éthique dont la Passion est l’expression.  (…)

Dans la pensée de Bernard de Clairvaux (Saint Bernard) la volonté occupe une place importante. Considérée comme l’expression du "socratisme chrétien", cette pensée d’une extrême finesse psychologique fait partie d’un tableau où la connaissance de Dieu et la connaissance de soi sont inextricablement liées. La connaissance qui n’est pas en vue du salut n’est que curiosité. Or, si le nosce te ipsum (connais-toi toi-même) engendre tous les degrés d’humilité, la curiosité engendre tous les degrés d’orgueil. "Il est des clercs qui étudient par pur amour de la science : c’est une curiosité honteuse...D'autres encore étudient et vendent ensuite leur savoir pour de l’argent ou des honneurs : c’est un trafic honteux. Mais il en est aussi qui étudient pour édifier leur prochain : et c’est une œuvre de charité ; d’autres enfin pour s’édifier eux-mêmes : et c’est prudence…". Dieu a créé l’homme pour l’associer à sa béatitude, et toute l’histoire de l’homme commence avec cette libre décision. Mais pour être heureux, il faut jouir: pour jouir il faut une volonté ; la volonté ne jouit qu’en s’emparant de son objet par un acte de consentement, et consentir, c’est être libre. C’est pourquoi, en créant l’homme en vue de l’associer à sa béatitude, Dieu l’a créé doué d’une volonté libre, et c’est principalement en raison de sa liberté que l’homme est une noble créature, faite à l’image de Dieu, capable de vivre en société avec lui (le sens de la théologie de Bernard de Clairvaux est que l’homme est, par son libre arbitre, fait à l’image de Dieu, puisque c’est la seule analogie divine qu’il ne puisse perdre sans cesser par là-même d’exister).

Ce don de liberté fait par le Créateur à sa créature est un don complexe qui implique trois libertés: la dignité humaine par excellence est le libre arbitre, qui se décompose en deux éléments: le consentement arbitraire et le pouvoir d’arbitrer. Un être volontaire peut accepter ou refuser, dire oui ou non parce qu’il est doué de liberté. C’est cette liberté naturelle que l’on nomme liberté de nécessité –libertas a necessitate, et qui est propre à la créature raisonnable, en quelque état qu’elle soit. "La liberté subsiste donc, même là où la pensée est en esclavage, aussi pleine chez les méchants que chez les bons, mais chez ces derniers plus soumise à l’ordre… ".

La conscience ne s’éteint jamais dans l’homme, celui-ci est toujours capable de porter un jugement sur ses décisions. Mais consentir et juger son consentement n’est pas tout, car on peut juger le mal et choisir pourtant de le faire. Au jugement s’ajoute un "choix" et cet acte de choisir (eligere) est lui-même le résultat d’une délibération (consilium). Or, en conséquence du péché originel, nous ne sommes pas capables de choisir le bien ou d’éviter le mal, même si notre raison nous en juge capables. Il faut dire que, si le liberum arbitrium ne nous manque jamais, nous pouvons manquer, sans cesser d’être hommes, du liberum consilium. Et à supposer même que, sachant ce qui est bien, nous choisissions de le faire, nous pourrions encore manquer de force pour l’accomplir (le posse).

 

http://elargissement-ro.hautetfort.com/archive/2023/06/26/j-ai-28-ans-6449377.html

http://elargissement-ro.hautetfort.com/archive/2020/06/23...

http://myshots.hautetfort.com/archive/2015/06/25/les-plus...

 

06/02/2024

La guerre froide, comme si vous y étiez

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(Photo- Février 2024, selfie dans la vitre d'une bijouterie, Rue de la Liberté, Nice

 

 

"La lutte contre la 'désinformation' est donc aujourd'hui essentielle pour la survie même des démocraties." 

L’année 2024 marque le vingtième anniversaire de trois événements importants pour moi: le lancement de ce blog consacré à un projet professionnel lié à l’élargissement européen (un projet qui n’a pas pris la forme souhaitée initialement, faute d’un soutien institutionnel indispensable, mais une forme plus individuelle, et peut-être plus méritoire, ma microentreprise CEFRO), le diplôme de mon fils en Business Administration au College of Charleston, en Caroline du Sud, l’entrée de la Roumanie dans l’OTAN. Ce sont des événements traversés par le même fil invisible. Alors, j’aimerais parler d’un livre publié en 1986 (j’étais professeur en Roumanie), et dont l’auteur, Thierry Wolton, est un journaliste français de ma génération. Je ne connaissais pas le journaliste, mais depuis la guerre en Ukraine j’ai eu l’occasion de l’écouter sur des plateaux de télévision en France et aussi en Roumanie, où il est invité et où ses livres sont traduits. D'ailleurs, celui que je viens de lire a été traduit en roumain en 1992 et publié aux Editions Humanitas, la même maison d’édition qui invite l’auteur régulièrement, car il s’agit d’un spécialiste de l’histoire du communisme. Je crois que c’est surtout une phrase entendue récemment (La Roumanie est le seul des pays de l’Est où le KGB a vraiment réussi) qui m’a poussée à lire son livre Le KGB en France. En Roumanie, je ne connaissais que la France des lettres, c’était ma formation et ma profession, et le communisme semblait éternel. Après ’90, quand je suis arrivée en France, il m’a fallu comprendre la réalité française, avec sa vie politique, sa société, décoder et reconnaître les passerelles, car, paradoxalement, il y en avait. J’ai eu une ligne de conduite, un réflexe normal, après tout: éviter les compatriotes roumains, ce que j’ai conseillé à mon fils. Ce n’est pas de la paranoïa, loin de là. Je m’en suis tenue à mes droits en rapport avec des administrations et des institutions, rien de plus. La lecture de ce livre m’a confirmé que j’avais raison. De quoi parle donc ce livre ?  

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