Réflexions (19/08/2024)
(Photo- Nice en août)
La disparition d’Alain Delon me plonge dans les années '60 et '70 que j’ai vécues de l’autre côté du Rideau de Fer, mes années de collège et de lycée. Dans les salles de cinéma, j’ai vu des films soviétiques, indiens, américains, italiens, français. Je me rappelle les films musicaux avec Elvis Presley (il est né la même année que Delon) ou avec Gianni Morandi, mais je me rappelle surtout les films français de cape et d’épée, mes favoris. C’est l’époque où je lisais Dumas, Féval (mais aussi Balzac). Je suis d’ailleurs restée fidèle à la première adaptation des Trois mousquetaires, celle avec Gérard Barray et Mylène Demongeot (qui aurait pu imaginer que j’allais rencontrer l’actrice à Nice, des années plus tard…).
De tous les films avec Alain Delon, je sais que j'ai surtout aimé à cet-âge-là La Tulipe Noire (pour le justicier, mon type humain préféré, comme Monte-Cristo) et Le Guépard (pour la scène du bal...). Hier soir, j’ai regardé Le Samouraï, diffusé sur France 2. J’en ai eu la patience parce que je voulais revoir l’acteur jeune, mais d'habitude je ne regarde plus (et je ne relis plus) ce qui appartient à une époque plutôt lointaine. J’évite les émotions qui accompagnent obligatoirement les souvenirs, mais on n'est jamais à l'abri de la mémoire involontaire. J'évite la nostalgie inhérente, d'une part, et, d’autre part, je trouve le présent suffisamment précieux et stimulant. Et puis, il est vrai aussi que notre sensibilité évolue, ou qu’elle est différente, et que la perception du rythme et des détails n’est plus la même, ce qui fait que la réalisation technique d’un film des années '60 ou '70 peut nous sembler un peu bizarre. Néanmoins, il ne faut pas oublier que c’était l’âge d’or du cinéma français. Je ne regarde pas les films français actuels, ce qui fait que mon choix sur les programmes TV est extrêmement limité (je ne suis pas abonnée à Netflix, ni à une autre chaîne cinéma, il me reste donc la chaîne Arte, de temps en temps).
La vie et la carrière d’Alain Delon ont été, durant ces dernières heures, évoquées minutieusement, expliquées, illustrées, par des articles, des enregistrements, des interviews, des récits, des témoignages. Les nouvelles technologies de la communication nous submergent d’informations. Nous faisons le tri, même involontairement, après quoi il nous reste quelques impressions d’ensemble ou un ressenti. Je ne sais pas si toute vie, vers la fin, est nécessairement triste ou amère. Ce qui peut être triste, c’est la manière de vieillir, la maladie qui diminue le physique et le psychique, de sorte que la personne ne ressemble plus à ce qu’elle a été. L’intensité avec laquelle elle a dû vivre est définitivement éteinte, et les images de l’énergie débordante d'autrefois sont à la fois fascinantes et douloureuses. C'est peut-être le côté cruel des technologies.
Je retourne retrouver l’ombre d’une consolation auprès du Philosophe, le seul capable de proposer une explication décente à la raison. D'après lui, la Joie serait la conséquence logique du fait de persévérer dans son être. Il entend par Joie une passion par laquelle l’âme passe à une perfection plus grande. Il dit aussi que l’âme, qui a des idées claires ou distinctes, ou de idées confuses, s’efforce de persévérer dans son être pour une durée indéfinie, et surtout qu’elle a conscience de son effort. Or, elle a conscience d’elle-même et de son effort « par les idées des affections du corps », elle ne peut connaître autrement que par le corps. Une idée qui exclut l’existence de notre corps ne peut être donnée dans l’âme, mais lui est contraire. Entre l’âme et le corps, il y a un lien d’amour, dit Spinoza. « Quel amour ! ». Alors, la fin ? Et pourtant, « l’âme humaine ne peut être entièrement détruite avec le corps, mais il reste quelque chose d’elle qui est éternel. » (L’Ethique).
19:00 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : film, alain delon | Facebook | | Imprimer
Commentaires
Je découvre que le public français est partagé sur Alain Delon, ce que je n'aurais pas cru... Je ne connaissais que l'acteur, ses films avaient accompagné mes années 1960-1970, de l'autre côté du Rideau de Fer. Je viens de découvrir, depuis une semaine, l'homme, intense dans son travail, dans ses amours, dans ses convictions. Je vis en France depuis trente ans, ce n'est pas exactement la France que j'avais étudiée et aimée, et aujourd'hui j'arrive à mieux comprendre pourquoi l'acteur n'y fait pas l'unanimité, comme dans d'autres pays...
Écrit par : Carmen | 24/08/2024