Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/12/2014

Cocaïne & Company

novembre 2014 091.JPG"Le Petit Poucet: pas plus grand qu'un pouce, il doit s'en sortir sans l'aide de personne ni aucun pouvoir magique, et il n'a d'autre ressource que son pouvoir éveillé. C'est lui qui représente le mieux le déséquilibre des forces entre le trafic mondial de la cocaïne et ceux qui le combattent. Depuis des années, c'est ainsi que je me sens moi aussi et je suis donc fidèlement son exemple" -écrit Roberto Saviano dans son tout récent livre Zero zero zero, paru en français aux Editions Gallimard sous le titre Extra pure. Il y raconte le narcotrafic d'un continent à l'autre, retrace des témoignages, fait parler le policier et le dealer, les chiffres, les documents, et les résultats des enquêtes internationales. Il se plonge dans les histoires de drogue et raconte le pouvoir criminel, en démontant le mécanisme invisible du narcocapitalisme dont les nouveaux visages -entreprises, banques, circuits légaux -sont l'expression de la loi de base du capitalisme: tant qu'il y a une demande, qui continue même à augmenter, il serait absurde de supprimer l'offre ou de la réduire radicalement. L'erreur principale des efforts américains consiste à croire qu'il suffirait que le mal soit extirpé à la racine, c'est-à-dire en Colombie. "On peut arracher une plante, mais pas le besoin de bien-être qui crée la dépendance et moins encore l'avidité des hommes. La cocaïne n'est pas le fruit de la terre, elle est celui des hommes".  
Tous les continents sont touchés, l'Australie est colonisée par la 'ndrangheta,  l'Afrique est blanche, les Calabrais craignent que les Mexicains envisagent de débarquer en Europe et d'envahir leurs places. Le marché de la drogue se situe entre 25-50 milliards de dollars par an rien qu'au Mexique. L'économie fonctionne comme un élastique: il est extensible tant que les lois et les règles de la concurrence sont respectées, mais au delà d'une limite, il va craquer. Aujourd'hui, l'économie est arrivée à un point de rupture, car toutes les niches sont occupées, tous les besoins satisfaits. "A la limite, tu peux te délocaliser à l'est ou essayer de travailler au noir pour ne pas payer d'impôts. Tu essaies de tirer le plus possible sur l'élastique. Pas facile, la vie d'entrepreneur. Des Mark Zuckerberg, il en naît un par siècle. Très peu sont capables de créer de la richesse uniquement à partir d'une idée, et même gagnante, cette idée ne génère pas toujours des revenus stables. Les autres sont contraints à une guerre de tranchée pour vendre des biens et des services qui ne dureront peut-être que le temps d'un battement d'ailes. Tous les biens doivent se soumettre à la règle de l'élastique. Tous, sauf un. La cocaïne. Il n'est nul marché au monde qui rapporte plus que celui de la coke. Nul investissement qui rapporte autant que la cocaïne. Même les dividendes record ne peuvent rivaliser avec les "intérêts"que produit la coke."
 
60% de la cocaïne saisie ces dix dernières années l'a été en mer et dans les ports. Le marché transatlantique de la cocaïne essaie de trouver de nouveaux moyens de transports (les sous-marins, les voiliers), de nouvelles routes. Les cartels peuvent même avoir leur propre flotte. Entre la corruption, le blanchiment et le terrorisme il y a un lien. Saviano dit avoir voulu comprendre à quel point "le monde des affaires et lié à celui de la criminalité, comprendre comment les crimes les plus violents -  extorsions, homicides, trafic d'armes et de drogues, proxénétisme -se marient à la perfection avec ceux que commettent les entrepreneurs, les hommes politiques, les financiers. (...) Un monde où toutes les énergies criminelles se rejoignent en dernière instance, pour converger vers un but unique: la maximisation des profits". Il considère que la seule solution possible, "peut-être horrible, atroce, angoissante", "si l'on veut tout arrêter", consiste en la légalisation complète des drogues, arrêtant ainsi les chiffres d'affaires qui gonflent, arrêtant la guerre.
Après avoir lu le livre, je me dis que sans doute, on ne veut pas tout arrêter..Et je pense à ces quartiers où le chômage dépasse largement les 40%, et où la police connaît parfaitement les trafics qui ont lieu, mais y va doucement, symboliquement parfois, car les gens doivent vivre, d'une manière ou d'une autre (l'autre manière étant l'emploi quasi inexistant, ou les aides sociales, ce qui est loin de faire le poids..). 
 
J'ai acheté le livre de Saviano le mois dernier, mais il a attendu patiemment son tour dans ma petite bibliothèque. Je viens de le lire d'une seule traite, captivée, révoltée et résignée, le crayon à la main pour sélectionner quelques extraits et les partager aux autres. Cela, parce que je pars du principe que le discours de l'amour est  toujours plus puissant que le discours sur l'amour, et qu'il faut entendre la voix de l'auteur. Mais également parce qu'il m'a semblé que ces informations devraient arriver, même sous cette forme, au plus grand nombre de lecteurs. Et comme à chaque fois que je m'aperçois de la naïveté de mes propres démarches devant l'énormité de quelques vérités en béton, j'ai simplement ri en me souvenant de "ma dernière folie" (on le dit à propos de sacs à main, etc., ce n'est pas mon cas) : la lettre que j'ai adressée à Monsieur Mario Draghi à la BEI, afin d'obtenir un minimum pour ma micro-entreprise CEFRO et ses projets..La réponse sèche du comité machin, après des mois d'attente me fait comprendre qu'il y a d'autres projets à soutenir. Je n'en doute pas.
D'ailleurs, la voici: "Dear Mrs Serghie Lopez, Thank you for your letter of 01.08.2013, in which you enquired about the possibility of a financial contribution from the European Investment Bank Institute for the continous research activities of new theories and methods to be applied to management in Europe. We regret to inform you that the Committee for the subsidies were not in a position to give a favourable answer to your requests. Your sincerely, European Investment Bank Institute".

 

01/12/2013

La justesse, la justice

justice sociale,livre,pauvreté,étude,éducation,imposture financièreJe viens d'écrire dans une lettre que je suis révoltée parce qu'il n'y a pas de justice sociale, mais que la solidarité dans la misère me révolte encore davantage. Au lieu d'avoir des moyens dignes pour faire quelque chose de leur unique et précieuse vie, les gens sont obligés de se contenter d'une boîte de conserve, d'une soupe, d'un sourire (ah, le cliché de "de la chaleur humaine" cher aux associations d'entraide), d'un dispositif de quatre sous, tout cela les tuant à petit feu...Car, entre réussir et rester au bord de la route, il y a des degrés, quoi qu'en pense Monsieur Boris Johnson. En plus, ce QI-là n'aura aucune chance d'évoluer si la tradition remplace l'éducation authentique, par exemple..

Il y a plus pervers, comme effet: l'organisation de la misère et de la pauvreté à échelle mondiale, en tant que business. On fabrique de la pauvreté, tout comme, dans le marketing pharmaceutique, on fabrique des maladies pour vendre des médicaments en mettant trop l'accent sur la médecine préventive et le traitement, quand il est évident que la violence et la pauvreté sont les premiers facteurs qui détériorent la santé. L'industrie pharmaceutique est à l’heure actuelle l’une des plus performantes et des plus profitables de la planète, avec une valeur boursière globale estimée à 1600 milliards dollars en 2012  (Big Pharma). 

On peut toujours opposer que la pauvreté /la précarité préoccupent les consciences des dirigeants, des organisations. Je ne suis pas sûre que la bonne solution soit envisagée, puisque celle que l'on voit consiste, en définitive, dans la gestion du bétail (désolée pour le terme, mais il est douloureusement approprié, et les exemples abondent..). Le contraire? Au moins deux aspects, que l'on a l'habitude de noyer dans des discours fleuve démagogiques: le premier, ce serait l'éducation, la vraie, sous toutes ses formes (scolarisation, formation). Le deuxième, ce serait  la fin de l'imposture financière, sous toutes ses formes (salaires ahurissants de dizaines de millions de dollars par an, aucune limite à ce que les actionnaires d'une société anonyme peuvent gagner.., l'évasion et la fraude que l'on doit faire endosser à d'autres). On peut toujours élaborer des rapports, des études, des statistiques sur la question et en arriver à des évaluations correctes et parlantes. Sauf que ces rapports, études, etc., qui nous informent représentent un travail théorique (souvent confortable et bien loin de la réalité du vécu), au mieux, un constat. Ils n'impliquent pas un remède, et encore moins une décision pour le changement. Ils font fonctionner le monde (parfois feutré) des idées, et nourrissent les politiques. 

26/05/2013

Good bye...! Welcome...!

005 (1).jpg La photo a été faite avec mon Smart. Ces jours-ci, c'est mon anniversaire. Je le fête deux fois, comme j'ai dû sûrement l'écrire: en mai, mon vrai anniversaire, et en juin, celui qui est officiel. Mon papa a eu de l'humour. Cette année, je passe d'une décennie à l'autre, mais ça m'est déjà arrivé depuis que je vis à Nice (effort considérable pour ne rien ajouter ici...). L'important, c'est de ne pas perdre cet espoir qui a l'air d'être le seul article gratuit que l'on possède (mais qui, en vérité, est le plus cher), et de "persévérer dans son être", comme dit le philosophe. Je viens d'entendre, tout à fait par hasard, ce refrain - "Combien de roses" - http://youtu.be/KAHE9NG0-F0 - qui ne veut plus sortir de ma tête, justement parce que c'est un refrain. Alors, je l'ai posté sur Fb, avec le commentaire: "Des tonnes!". Cette réponse, purement rhétorique, ne visait aucunement un homme, bien loin de là. D'ailleurs, l'un des personnages que j'ai fréquentés cette semaine me l'a confirmé:  
 
"Si tu veux mon avis, le karma, c'est pour les gens qui se cherchent des excuses, dit-il.
-Il existe différentes sortes de karma, dit Candace. C'est comme quand les vies des gens se croisent, mais pas parce que c'est leur destin. L'intersection est le lieu où ils font le choix d'où résulte leur destin. Tu comprends?
-Non.
-Ca veut dire qu'on n'est pas condamnés à un certain sort. Ca veut dire qu'il y a des gens qu'on est destinés à rencontrer. C'est eux qui nous permettent de choisir la porte qu'on est censés franchir." (James Lee Burke, Swan Peak)
 
  Alors, pour mes prénom et nom assortis grâce au karma, ceci: :  http://youtu.be/nVc1-UvRiuw 

P-S. Introduire dans Rechercher le mot anniversaire et lire des notes des années précédentes. Pour moi, qui les ai vécues, ces notes me laissent un sentiment assez mélangé, mais c'est normal. Je crois que je suis incapable d'écrire des textes sur commande pour textebroker, ça me rappelle l'époque où l'on nous convoquait au Comité départemental du parti communiste roumain, en tant que représentants d'un établissement scolaire : on nous enfermait dans un bureau pour quelques heures, afin de rédiger un télégramme de félicitations à l'occasion de l'anniversaire du camarade ou de la camarade Ceausescu, les deux étaient nés en janvier.. On nous fournissait, quand même, des modèles, et c'était à nous de faire preuve de "créativité", en tournant un peu la langue de bois..Parfois, c'était juste une question de syntaxe.. Mais, remarquez, la langue de bois est une langue à vocation  internationale, et elle se porte à merveille, elle se fait faire des liftings coûteux, et ça fonctionne..

20/01/2013

Quand l'histoire de la Roumanie explique son présent

 Cela suffirait-il? En tout cas, un miroir est toujours le bienvenu s'il peut aider à démonter des mythes qui ne servent à rien d'autre qu'à s'enivrer avec de l'eau courante (quand on l'a, car la Roumanie est déficitaire à ce chapitre aussi).

"Le mensonge est le mythe fondateur de la Roumanie moderne" (dans adevarul.ro) est un entretien avec l'historien roumain Lucian Boia, autour de son dernier livre "De ce este Romania altfel?"("Pourquoi la Roumanie est-elle autrement?"). J'y ai trouvé un argumentaire de bon sens, que je partage, et j'ai voulu le résumer ici. 


Le jeu politique en Roumanie donne l'impression d'être artificiel. Le Roumain, tout critique qu'il soit envers les réalités qu'il vit, s'y adapte, il est donc juge et partie. Néanmoins, cela n'a rien d'une fatalité psychologique, puisque le Roumain s'intègre bien dans d'autres pays, dans une société philosophique de type occidental. L'auteur explique pourquoi la Roumanie est le pays qui accumule le plus grand nombre d'écarts par rapport à une norme, pourquoi elle est différente des pays occidentaux, mais aussi des pays d'Europe Centrale. Il s'agit d'un retard historique, que la Roumanie ne réussit pas à rattraper. 

L'auteur observe que la Roumanie est un pays frontalier, ce qui présente le paradoxe de l'isolement (accepter difficilement les influences externes), et de l'ouverture. On prend des modèles et on les adapte, c'est-à-dire, on adopte les formes, tout en rejetant le fond. A travers l'histoire (l'instabilité politique, les conflits permanents, les interventions externes), le retard économique s'est transmis du Moyen Age jusqu'à nos jours. A cela s'ajoute une fracture sociale considérable -l'absence d'une classe moyenne. Selon un autre historien, Xenopol, le peuple roumain serait le résultat d'une erreur (parce que l'empereur Trajan a tenu a traverser le Danube au nord, où les Romains ne sont restés d'ailleurs qu'un siècle et demi). Ultérieurement, l'espace roumain sera tout à fait extérieur, également par rapport à l'Empire Byzantin et à l'Occident. Ce qui fait qu'à l'époque moderne on est dans une configuration intéressante: en marge et au milieu, par rapport aux trois empires qui se partagent la région - les Habsbourgs, les Ottomanes, les Russes. Condition qui a été intériorisée par les habitants de cet espace, les ancêtres des Roumains d'aujourd'hui- et le résultat paradoxal perdure: isolement et ouverture

Est-ce que l'entre-deux guerres a été l'époque d'or de l'histoire de la Roumanie? L'auteur considère que c'est après 1989 que cette construction idéologique a pris forme, parce que les Roumains voulaient se trouver un mythe  fondateur..En fait, la Roumanie avait tous les signes d'un pays sous développé: un grand nombre d'analphabètes, la plus grande natalité, la plus grande mortalité (dont la plus grande mortalité infantile). Seule la classe intellectuelle était d'un niveau élevé. Quant au communisme, il est surprenant qu'il ait pu se répandre aussi bien dans un pays qui avait les plus réduites tendances communistes avant 1944. Les Roumains se sont mieux accommodés que d'autres avec le régime communiste. Ce n'est pas l'absence de liberté qui dérangeait (cela dérange ceux qui apprécient la liberté, et qui savent en faire quelque chose), mais la détérioration des conditions de vie, dans les années 1980. Le communisme s'est effondré premièrement pour des raisons d'ordre alimentaire, et non idéologique. Tout en rappelant des conjonctures historiques défavorables (l'entre-deux-guerres, le communisme), l'auteur remarque l'absence d'une vraie dissidence en Roumanie (aucun livre clandestin, aucune opposition). Les Roumains n'ont pas la culture de la résistance, et cela vient du Moyen Age. Ils ont la culture de la soumission (le paysan envers le boyard, le Prince envers la Porte Ottomane), sauf que soumission rime souvent avec tentative de rouler celui envers lequel on est soumis. Le mensonge actuel: le parti communiste n'existe plus, mais toute la classe politique y retrouve ses racines, les dirigeants étant les héritiers du système qu'ils ont répudié. Les Roumains ont la culture du silence, et les explosions sont rares, tous les 100 ans. L'idéal serait d'avoir une conscience civique capable de régler les choses en permanence. Or, les Roumains sont apathiques, ne réagissent pas, et leur indifférence à l'égard de l'espace public, en général, s'explique aussi par le fait que le communisme a voulu créer une société collectiviste, et a rendu les gens extrêmement individualistes. En Roumanie, il n'y a pas la culture de l'intellectuel critique envers l'espace politique, car les intellectuels sont plutôt dépendants du pouvoir, et opportunistes.

La Roumanie n'a pas de projet, elle est dépendante des projets de l'UE, qui, elle, n'a pas de projet. Nous traversons une crise, une déroute, qui n'est pas qu'économique, mais qui est aussi une crise de civilisation, d'identité. Le monde actuel est en mutation, les cartes se distribuent  autrement, l'histoire s'accélère, les changements sont rapides. On ignore ce qu'il adviendra finalement de la construction européenne. Bien sûr, la Roumanie fait partie de l'UE, mais on est en train d'exaspérer les européens, car le monde occidental est fondé sur des règles, tandis que le monde roumain ne fait que mimer les règles. Nous avons des lois pour mieux les contourner, ou pour feindre de les respecter. Pour ce qui est de l'orthodoxie, ce n'est pas elle qui a fait que les Roumains soient ce qu'ils sont, mais c'est la situation dans laquelle sont les Roumains, qui fait que l'Eglise orthodoxe soit ce qu'elle est -à  savoir, le niveau de civilisation entre beaucoup en ligne de compte.  

  
 

 

Exemplification: (j'adore le chef DIICOT/Direction pour l'Investigation des Infractions de Criminalité Organisée et Terrorisme, à la fin de la vidéo, lorsqu'il parle de réglementations).

 

http://www.euronews.com/2013/01/18/is-the-mafia-s-dirty-m... 


P.-S. (21/01) Je viens de suivre en direct sur Euronews la cérémonie d'investiture du Président Obama. En entendant cette phrase: "que tous puissent s'épanouir et évoluer au sein de notre nation", j'ai eu un pincement au coeur de regret de ne pas avoir vingt ans de moins, pour émigrer aux States, au lieu de pourrir, parce que ces deux verbes-là, "s'épanouir" et "évoluer" n'ont rien d'européen. Mais les jeux semblent faits, et je n'ai pas vingt ans de moins (du courage, j'en ai pourtant eu..).

J'ai mis sur le photoblog (http://myshots.hautetfort.com) des photos américaines, comme ça...