01/08/2022
Trente-deux ans
On se souvient. Assise dans l'herbe un jour d'été ("elle se sentait tout endormie et toute stupide à cause de la chaleur"), Alice voit un Lapin Blanc passer en courant près d'elle et dire à mi-voix: "Oh, mon Dieu !" Oh, mon Dieu ! Je vais être en retard !". Elle ne trouve pas cela bizarre, sauf lorsque le Lapin tire une montre de sa poche de gilet, ce qu'elle n'a jamais vu. "Dévorée de curiosité", elle traverse le champ en courant à sa poursuite, le voit disparaître dans un énorme terrier, et elle y entre aussi, "sans se demander une seule fois comment diable elle pourrait bien en sortir."
Le Lapin Blanc, c'est l'élément initiateur sans lequel le voyage n'aurait pas été possible. Il est d'ailleurs le seul animal autorisé à passer du monde imaginaire dans le monde réel, et il permet le passage entre ces deux mondes.
J'ai pris cette photo-métaphore au rayon bébés, aux Galeries Lafayette. Il y a 32 ans, jour pour jour, j'entrais en France, à Nice, après un voyage de deux jours et deux nuits, en train, à travers trois pays de l'Est européen..
2015. C'est l'un des palmiers du côté de la Gare, que j'ai sûrement regardés, émerveillée, il y a 25 ans, quand j'arrivais à Nice, pour la première fois, le 31 juillet 1990. J'ai aussi écrit quelques lignes sur le blog:
http://elargissement-ro.hautetfort.com/archive/2015/07/31...
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01/06/2022
My first 10-year US Visa
(Mes photos- Voyage aux States, novembre-décembre 2021. Greenville, Dr.Charles Hard Townes)
L’avantage d'un blog lancé parmi les premiers (en 2004) et que vous alimentez régulièrement, c’est que vous pouvez bénéficier de la mémoire des Archives qui stockent les événements et vos expériences –professionnelles, émotionnelles. C'est dans sa version pour ordinateur que mon blog elargissement-ro.hautetfort.com (plus de six cents notes) permet de retracer un projet et une histoire grâce aux documents, aux témoignages, aux liens, qui sont classés par catégories, dans des colonnes faciles d'accès. Je n'ai d'ailleurs pas opté pour sa remise à jour dans une nouvelle formule, proposée par la plateforme d'hébergement. L'application pour mobile ne permet pas de voir les catégories, les documents, etc. La description qui figure en haut du blog en résume le contenu : « Quelle place dans le nouvel espace euro-atlantique ? Invest in Lifelong Training ! CEFRO (France) needs investment ». En 2022, la deuxième partie de la description n’est plus vraiment d’actualité (CEFRO a limité son activité et ne recherche plus de fonds), mais pour la formulation de la première partie, j’ai été assez visionnaire. Bien sûr, je n’avais pas imaginé que les Russes déclencheraient une guerre en Europe, mais je pensais à l’orientation de la Roumanie. Aujourd'hui, la question de l’espace euro-atlantique semble primordiale. Après trois mois de guerre en Ukraine, on commence à percevoir le clivage : comme écrit mon compatriote Andrei Caramitru, la France et l’Allemagne, le moteur de l’UE, jouent dans le camp de la Russie. L’Europe s’est fracturée définitivement : d’un côté les anciennes puissances impériales européennes – la Russie, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche-Hongrie -, de l’autre les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la Pologne, l’Ukraine, les Pays Baltes (soutenus par les autres pays de l’Est et par la Suède et la Finlande).
J’ai retrouvé dans les Archives de 2007, l’année de l’entrée de la Roumanie dans l’UE, une note sur mon premier Visa américain de dix ans. J’en suis maintenant au deuxième, et je compte le renouveler, malgré ma phobie de l'avion, car mon fils a raison : « On ne sait jamais ». En la relisant, j’ai tout revu, revécu. Comme je disais, c’est le pouvoir des souvenirs stockés sur un support écrit. Voici la note.
« Mon rendez-vous enregistré il y a plus d'un mois, j'arrive de Nice par le train bleu de nuit dans un Paris sous la pluie - mais quelle pluie! Heureusement, je suis équipée pour la circonstance, après avoir vérifié la météo sur le net. Je ne m'éloigne pas trop du quartier: quelques pas sur les Champs-Elysées qui conservent les gradins et les drapeaux du 14 Juillet, un moment de répit dans l'Eglise de la Madeleine, un autre dans une librairie anglaise, en face des Tuileries, un tour dans la rue Saint-Honoré, où je me réchauffe chez Le Castiglione, avec un chocolat chaud et une tarte aux fraises (ça coûte une petite fortune, à mes yeux, mais je dois le mériter, après la tension que je viens d'éprouver en attendant mon numéro pour passer deux fois et exposer le but de mon séjour et répondre aux questions...). Vers 16 heures, le soleil commence à chasser les nuages, je ne sais pas d'où sort tout ce monde qui remplit les allées des Tuileries jusque-là désertes, je demande à un Japonais de me prendre en photo, et je m'installe au bord du lac, mes petites bottes ayant droit, elles aussi, à une prise de vue.
Le train bleu du retour est à 21 h, Gare d'Austerlitz, donc je profite du Jardin des plantes, après avoir grignoté un morceau chez McDonald's (je ne mange jamais chez McDonald's, mais là, mon inconscient a voulu exprimer sa sympathie, sans doute...). Tout va bien côté train, je veux dire chez la SNCF - conditions confortables en soi, oreiller, sac de couchage, bouteille d'eau, le distributeur café en fonction-, c'est moi qui ai dû oublier mes vertiges, et occulté complètement la possibilité d'un vol aller-retour Nice-Paris. Trop cher, j'ai dû me dire, sans même vérifier, comme si j'avais tenu absolument à refaire l'expérience de mon premier voyage en train, à travers l'Europe, deux jours et deux nuits, en '90, pour arriver à Nice...Ou peut-être pour boucler une boucle, mais autrement, car tout impressionnant que soit un rendez-vous au Consulat US (contrôles, exactitude, coordination des agents), les centaines de personnes demandant un visa me rappellent les étrangers qui se massaient dans le hall de la Préfecture des Alpes-Maritimes...Mon trauma de Roumaine expatriée n'est plus à vif, mais pas mort, non plus.(…) »
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08/02/2022
Illogique et impossible
(Mes photos - Le Danube à Galati, août 2005)
En juillet 2020, en pleine pandémie et au lendemain du sommet historique de l’UE, j’écrivais ici la note « Ce pactole européen qui va partir en fumée ». Je rappelle ce texte d‘il y a deux ans, car la situation en Roumanie ayant empiré après des mois de crise politique, de luttes internes, de coups bas entre les leaders des partis au gouvernement, de compromis lamentables et inefficaces, il ne fait aucun doute que le pactole européen (le fameux plan de résilience et de redressement) va partir en fumée. Je disais que les bonnes intentions exprimées par le Président Iohannis ne pouvaient pas être mises en doute (ne serait-ce que parce que c'est le Président qui parle) : les presque 80 milliards d’euros obtenus par la Roumanie seraient destinés à des travaux d’infrastructure, de modernisation de systèmes publics, à la construction d’hôpitaux et d’écoles. Ce serait le plan de relance économique post-pandémie.
« C’est un jour important pour la Roumanie, un jour important pour le projet européen, et nous allons avancer, cet argent devra être utilisé à la reconstruction de la Roumanie. »
Mais c'est une simple déclaration officielle qui n’engage personne. On connaît la réalité: le pays est le résultat de trente années de pillage, de corruption et d’incompétence institutionnalisée, d'émigration. Avec un Etat de droit qui n’en est pas un, avec un maillage clientéliste au niveau de toutes les structures administratives, avec l’argent public siphonné par les réseaux mafieux et les intérêts des partis politiques, il est tout simplement illogique de croire qu'un renversement de situation serait possible. Autrement dit, nous avons besoin d’une stratégie, ce que la Roumanie n’a jamais eu (enfin, à part la l’édification du communisme...). Il est vrai que l’UE traverse la plus grande crise depuis sa création, et que l’accord trouvé après d’âpres négociations est unique car, pour la première fois dans son histoire, l’UE s’endette collectivement : une enveloppe globale de 750 milliards d’euros, dont 390 non-remboursables et 360 de prêts. Mais souvenons-nous que la Roumanie se distingue entre tous par la plus faible capacité d’absorption des fonds européens. Elle n’avance pas de projets pour accéder aux fonds, son système mafieux spécifique fait que les responsables politiques, administratifs, etc., ont leurs propres business et des contrats avec l’Etat. Alors, faire de grands projets d’investissements publics, d’infrastructure, n’intéresse personne. Tout se concentre autour du jeu politique qui doit profiter au maximum au système mafieux complexe. Celui-ci ne pourra être démantelé, c’est impossible. Il peut exister, par-ci par-là, dans tel ou tel ministère, de rares personnes honnêtes ayant un cursus international, mais en vérité, elles sont impuissantes, et finalement elles seront remplacées ou elles jetteront l’éponge. Le manque de compétences est un aspect presque tabou en Roumanie, normalement on devrait en avoir honte, si l’on est lucide. Et quand on est compétent, on est broyé par le système qui est le plus fort, cela va de soi. Le plus triste, c’est la fraude intellectuelle qui prospère justement parce que les compétences réelles sont absentes. Bien entendu, la Roumanie va se débrouiller pour monter certains projets et accéder à une partie des fonds disponibles dès l’automne (pour le plan de relance post-pandémie). Que va-t-elle en faire?
En principe, cela devra se passer d’après un schéma bien connu, comme je l’écrivais dans une note en 2008 (le fait que l’on se trouve, plus de douze ans après, dans un plus grand désastre, ne changera pas le mécanisme, peut-être que les 5% de commission deviendront 10%). « La Mafia des fonds européens vole l'argent des agriculteurs : l’accès aux fonds européens est filtré par une Mafia composée justement de fonctionnaires habilités à aider les investisseurs dans le montage des projets et dans l'obtention des subventions. Ces mafieux exigent un pourcentage de 5% des fonds débloqués. Ils proposent "du conseil" dans la rédaction et la validation du dossier. Voici plus loin le cas d'un haut fonctionnaire de l'Agence des Paiements et des Interventions pour les Agriculteurs (APIA), institution qui joue un rôle déterminant dans l'approche des fonds européens. (...) APIA est une institution mammouth qui comprend une armée de fonctionnaires grassement payés (des salaires en milliers d'euros) et qui n'ont toujours pas réussi à faire les démarches nécessaires pour recevoir les fonds UE (...).»
Dans les premières années qui ont suivi son adhésion, la Roumanie a produit une mafia des fonds européens, et des sommes colossales ont été détournées. (Dans les Archives de ce blog on pourra trouver plusieurs articles consacrés au sujet inépuisable des fonds européens, en tapant un mot-clé dans la case Rechercher, par exemple "fonds UE".) Avec le temps, l’UE a mis en place des mécanismes de vérification qui ont fait diminuer l’intérêt pour les programmes européens financés, étant donné qu'on ne pouvait plus frauder aussi facilement. Alors, on s’est tourné vers la combine des partenariats bilatéraux, tout le monde y étant gagnant, moins le pays dans l'ensemble, qui, lui, a continué de s’enfoncer, moins les citoyens ordinaires qui, eux, ont trouvé la solution de l’émigration.
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12/01/2022
Les narratifs de l'extrémisme
(Mes photos - L'autoroute à huit bandes vers Atlanta. Décembre 2021)
J'ai voulu partager un article de l'historien Madalin Hodor en lui donnant une version en français:
"Ce qui se cache derrière les narratifs de l’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR). Ce n’est pas une plaisanterie, mais un danger"
Vous trouverez le texte d'origine ici: https://revista22.ro/opinii/madalin-hodor/pericolul-aur-nu-e-o-gluma-ce-se-ascunde-in-spatele-narativelor-sale
"L’existence des extrêmes dans une société démocratique est toujours le signe que les choses ne vont pas bien. Les extrêmes sont comme les symptômes de la maladie. Plus leurs messages sont fréquents, plus le discours haineux est présent, et plus l’antisémitisme, l’homophobie, la xénophobie font leur place dans l’espace public. La démocratie est en train de tomber malade. Il est très peu probable que les manifestations extrémistes disparaissent à l’avenir, puisque nous vivons dans un monde qui doit faire face à de nouveaux défis et où les individus se radicalisent facilement, en rapport direct avec l’extension des moyens de communication et des réseaux sociaux. Néanmoins, que ces manifestations demeurent marginales et exceptionnelles, c’est une chose, et qu’elles prennent une forme politique organisée, c’en est une autre. L’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR) est le véhicule d’un tel extrémisme.
Issu apparemment de nulle part et créant la surprise, le parti politique de Simion et de Târziu a réussi, en moins d’une année, à obtenir un score électoral invraisemblable dans les sondages. Il dépasse l’USR (Union sauvez la Roumanie), et apparemment le PNL (Parti national libéral), surtout après les luttes intestines qui ont récemment déchiré les libéraux. Le PSD (Parti social-démocrate) jouit encore d’une position confortable, mais peut-être pas pour longtemps, vu que l’Alliance élargit son bassin d’électeurs. Son dirigeant, M. Ciolacu, ne manquera pas de s’apercevoir que faire double jeu n’est pas toujours gagnant. Il n’aura, d’ailleurs qu’à regarder de plus près l’histoire de l’entre-deux-guerres.
Pendant que certains commentateurs parlent (souvent avec admiration) des habiletés de communication, de la propagande et de la manière dont les leaders AUR savent profiter des erreurs de nos gouvernants, beaucoup moins nombreux sont ceux qui s’inquiètent de leur discours antisémite, de leurs nostalgies assumées pour l’époque Ceausescu, de leur militantisme anti-européen et de leur populisme débridé. En plus, pour ces « problèmes mineurs », ils ne sont pas pris au sérieux et sont regardés avec condescendance. De l’antisémitisme ? Mais vous exagérez, c’est juste des paroles. Après tout, il n’existe pas d’antisémitisme en Roumanie. Si l’on y réfléchit, on n’a jamais eu d’antisémitisme en Roumanie. Quand on leur pose directement la question s’ils ont des sympathies pour les légionnaires ou s’ils sont antisémites, les leaders AUR s’esquivent : soit ils nient farouchement, en invoquant tout de suite les libertés individuelles et la démocratie, soit ils prennent un air étonné ou amusé, en essayant de minimiser le sujet. Ceux qui les accusent reçoivent des colis contenant des calmants, et tout cela fait le délice de leurs fans et supporters sur Facebook.
En plus, il y a un dilemme. Comment aborder ce genre de sujet ? Ecrire sur l’Alliance reviendrait à lui accorder de l’importance, ou à lui donner une tribune, mais d’autre part, ignorer sciemment un réel danger n’est pas la meilleure idée non plus. En fait, il ne s’agit en aucun cas d’une plaisanterie, et cela parce que ce rien de ce que disent et font les leaders AUR n’est nouveau. C’est une reprise de problèmes et de thèmes anciens. Et c’est bien là le problème : le ferment, le sol où l’Alliance a pris racine.
Son sol, elle l’a reçu en héritage du communisme, plus exactement du nationalisme-communisme de l’époque Ceausescu, laquelle époque avait réalisé un mélange spécifique des symboles et de l’idéologie nationaliste légionnaire et de la variante « patriotique » du communisme de type roumain. Ceausescu voulait se situer dans la lignée des princes roumains, à commencer par le chef Burebista (d’où l’exaltation des origines daces, l’un des filons ayant alimenté l’Alliance), et cette lignée regardait avec espoir la formation de l’ethnocentrisme roumain et sa victoire sur les étrangers. L’ Occidental (l’étranger ennemi) et l’Occident étaient les ennemis par excellence du régime Ceausescu, dont la propagande disait exactement la même chose que celle de l’Alliance aujourd'hui. Le seul intérêt des Occidentaux est d’asservir les Roumains et de maintenir le pays dans un état de sous-développement économique, afin d’exploiter ses ressources. Vous reconnaissez le discours ? Eh bien, oui, c’est le même.
C’est un narratif utilisé par l’Alliance pour l’unité des Roumains. Sauf que ses leaders, qui se présentent comme des anticommunistes farouches (G.Simion fait beaucoup de cas de son Master dans l’histoire du communisme) ne précisent pas où ils sont allés le chercher. Nous voilà, bien sûr, devant une source d’inspiration qui a été stylisée et ramenée dans l’actualité. Ceausescu combattait l’Occident en construisant des usines, en remboursant la dette et en poussant à plus d’économie et à plus de travail, tandis que Simion déplore le fait que la Roumanie ait détruit les fabriques construites pendant le communisme, et qu’elle soit devenue un marché pour toutes les ordures de l’UE. Les impérialistes occidentaux de Ceausescu ont changé de nom, ils s’appellent aujourd'hui l’Union Européenne, que les leaders AUR considèrent comme une dictature économique, sociale, et pourquoi pas, sexuelle. Une dictature dont le but est d’anéantir tout ce qui est roumain : le costume traditionnel, la langue, la religion.
Néanmoins, ce serait une erreur de croire que l’Alliance ne possède que ce seul narratif, bien au contraire, elle est un mélange de narratifs, et c’est d’ailleurs ce qui explique son impact sur l’électorat. Ses leaders ne voient aucun problème à utiliser les nostalgies pour l’époque Ceausescu d’un pays qui était hier une grande puissance dans la même phrase qui condamne le communisme. Ce qui fait d’ailleurs de Simion et des autres un vrai danger, c’est le populisme sans limite. L’Alliance, qui n’a absolument aucun programme politique, à part des généralités et des slogans, a une seule stratégie : celle de dire à tous ce qu’ils veulent entendre et de tout leur promettre. Une parfaite démagogie adaptée à l’électorat actuel.
Par exemple, quand ils exhibent les nostalgies pour l’époque Ceausescu et mettent une touche noire sur l’UE, ils ciblent également l’électorat plus âgé, qui ne s’est jamais adapté aux réalités après 1990, et la Diaspora, qui éprouve du ressentiment à l'égard de sa situation. L’Alliance a réussi la performance de dépasser l’USR (qui avait déjà compris l’importance de l’électorat vivant à l’étranger) et de s’attirer la majorité de cet électorat formé de gens de condition modeste, et qui s'étaient expatriés en l’absence de possibilités en Roumanie. Elle leur vend donc un narratif qui répond à leurs frustrations.
Comme j’expliquais, l’Alliance ratisse large dans les sédiments de la société roumaine des trente dernières années, mais d’abord dans ces zones-là, où Vadim Tudor et le PPDD avaient trouvé des voix, et où d’autres tentatives de récupération politique avaient plus ou moins réussi.
Bien entendu, ils ne sont pas les premiers antisémites, ni les premiers nationalistes. Ces deux ingrédients ont été toujours là, dans la société roumaine sortie brusquement et brutalement du communisme avec une vitesse qui n’a pas laissé de place à une analyse basique de ce qui avait existé auparavant. Valeurs et idées se sont combinées en un mélange toxique, dans lequel la résistance anticommuniste a été associée à certaines figures notoires du mouvement légionnaire, le nationalisme est resté sur les mêmes fondements formulés par Ceausescu, en devenant forcément un combat contre l’ennemi de l’intérieur, et l’antisémitisme quelque chose qui était accepté tacitement et de façon complice, telle une croyance secrète impossible à manifester publiquement, par peur.
Pour comprendre à quel point l’antisémitisme des leaders AUR est bien réel, il faut comprendre qu’il ne se limite pas à la formation politique telle quelle, mais qu’il est également partagé, sous des formes variées, par des hommes politiques venant de zones fréquentables - des personnes de l’Administration, de l’Armée, des Services, des formateurs d’opinion. Ils sont nombreux ceux qui soutiennent l’Alliance dans l’ombre, qui ont accroché au mur le portrait du Maréchal Antonescu, et qui admirent secrètement l’audace de Simion, Târziu ou Calin Georgescu d’être antisémites à visage découvert.
Je crois que l’Alliance, par l’agenda qu’elle affiche et par ses actions amplifiées dans le contexte de la pandémie et qui deviendront plus violentes et virulentes, représente à l’heure actuelle l’une des principales menaces pour la démocratie en Roumanie. Je crois aussi qu’il faut prendre cette menace au sérieux. Cela serait possible d’autant plus que l’Alliance nous dit elle-même quels sont les problèmes et les vulnérabilités de la société. Si nous faisons l’effort d’écouter et de résoudre les problèmes de l’exclusion sociale, de l’éducation insuffisante, si les autorités cessent de gérer chaotiquement la pandémie, si les hommes politiques prennent leurs responsabilités et si la société civile sort de son engourdissement, nous pourrons arrêter la vague de l’extrémisme et du populisme.
Et cela, même avant de nous poser la question si les leaders AUR parlent sérieusement."
14:54 Publié dans Actualités, Enjeux, information, Presse, RO-EU-USA/Coopération, Voyage, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : extrémisme, antisémitisme, populisme, aur, roumanie | Facebook | | Imprimer