10/12/2017
L'histoire volée
Une amie qui est allée à Bucarest pour affaires vient de m’appeler pour me demander si elle pourrait inscrire aussi mon nom au livre de condoléances ouvert pour le Roi Michel. Bien entendu, je l’ai remerciée vivement. Les communiqués de presse sur les obsèques ont été mis à jour plusieurs fois parce que l’organisation des funérailles a été revue plusieurs fois.. La vérité est que le pouvoir roumain et la Maison royale ne trouvent pas une juste mesure entre comment rendre l’ultime hommage et comment donner une image un tant soit peu digne de ce pays, dont le Roi a été injustement séparé pendant plus de 70 ans, depuis le 30 décembre 1947.. C’est une figure tragique qui quitte la scène de l’histoire roumaine et européenne, un destin fatalement lié à la fin de la guerre, à l’occupation soviétique et à l’instauration du régime communiste. L’énorme injustice, qui ne pourra sous aucune forme être réparée, trouve sa touche finale dans l’après ’89, dans les 28 années d’une laideur absolue, mais dont la seule vraie liberté, pour les Roumains, consiste à pouvoir franchir les frontières et à vivre ailleurs -et qui est due à l’UE.
La rhétorique patriotarde s’est adaptée aux nouveaux enjeux. Elle ne sera sans doute pas absente de ce dernier acte tragique de notre histoire. Ils passeront sous silence la honte d’avoir refoulé le Roi à l’aéroport, de l’avoir empêché de revenir, et, à la limite, de ne pas avoir consulté le peuple qui, ayant vécu dans une république proclamée abusivement, aurait pu choisir, en principe, de retrouver la forme de gouvernement d’avant le massacre.. Non, ils ne pouvaient pas le faire, puisque c’étaient les mêmes. Ce sont les mêmes, ou leurs fils, leurs familles de sang ou de liens divers. Ils ont utilisé leurs moyens caractéristiques pour toucher et tacher, pour détourner et récupérer. Hypocrites et fourbes, ils verseront même une larme, peut-être - le président du Sénat, celui de la Chambre des députés, les gouvernants.., enfin, ceux qui représentent les institutions de ce pays. Et je veux ignorer ces Roumains-là, malheureusement nombreux, qui ont plutôt bien toléré le processus de lavage de cerveau, leur opinion n’étant, après tout, que la conséquence d’un matraquage idéologique et politique qui perdure depuis 70 ans.
Mon amie a vu des jeunes déposer des bougies dans l’espace de recueillement sur la Place, et elle a trouvé cela encourageant. Peut-être les jeunes générations ressentent-elles le besoin de se raccrocher à un symbole de notre identité nationale antérieure à notre identité communiste. Mais cela n'autorise, à mes yeux, aucun espoir pour la Roumanie.
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05/12/2017
Le Roi Michel de Roumanie est décédé
Carmen Lopez Nous avons été assez nombreux, parmi ces Roumains honnêtes qui écoutaient en cachette, dans le froid, la radio "Free Europe" pendant les années de la dictature communiste, à nourrir un peu l'espoir d'une autre Roumanie possible, après la chute du Mur, en '89.. Mais dans le scénario de notre destin historique cette page-là n'existait pas. Maintenant nous le savons. Je suis triste, mais aussi, en colère, révoltée.., à cause de tout ce qui a été gâché et aurait pu être différent. Un pays plutôt pauvre, avec une histoire amère qui se poursuit..Nous ignorons si le Roi Michel est parti en paix, la question ne se pose plus, puisque nous ignorons la vérité sur les deux dernières années de sa vie, et sur ses décisions.. RIP.
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28/11/2017
Notre partenaire américain
(Mes photos -Fourgon UPS à Nice)
Vraisemblablement, depuis 28 ans, la Roumanie n’a jamais traversé une étape aussi inquiétante, non seulement pour elle-même, mais aussi pour les alliances et les partenariats qu’elle est censée respecter, l’UE et l’OTAN, et qui représentent son unique rempart et son passeport dans le monde civilisé.
Il est absolument élémentaire que l’UE et les Etats-Unis ne sauraient accepter un Etat aussi corrompu à la frontière avec la Russie.. Pour que le Département d’Etat américain arrive à demander au Parlement roumain, via un communiqué, de rejeter les modifications aux Lois de la Justice, car elles sont susceptibles de compromettre la lutte contre la corruption, c’est que la situation est particulièrement sérieuse, et que les ressources du dialogue diplomatique sont épuisées. Voici le communiqué qui, hier soir, en Roumanie, a été publié en ligne dans les Breaking News des sites d’information et a été instantanément repris sur les réseaux sociaux. Dans la matinée, les articles et les commentaires ont fusé de toutes parts, j'ai essayé d'y jeter un regard et éventuellement d'évaluer le poids des opinions anti-américaines, anti-européennes, nationalistes, néocommunistes, pro-russes.. Le refrain bien connu est celui de "la colonie". Dans ce cas, je suis pour une colonie américaine, plutôt que russe, cela m'est clair depuis que j'ai vu le jour dans la colonie soviétique appelée la République populaire roumaine/la République socialiste de Roumanie (éventuel rappel des faits historiques, grâce à Wikipedia, ici )
Romania: Proposals Affecting the Independence of the Judiciary
Press Statement/Heather Nauert /Department Spokesperson/Washington, DC/ November 27, 2017
The United States notes with concern that the Parliament of Romania is considering legislation that could undermine the fight against corruption and weaken judicial independence in Romania. This legislation, which was originally proposed by the Ministry of Justice, threatens the progress Romania has made in recent years to build strong judicial institutions shielded from political interference. We urge the Parliament of Romania to reject proposals that weaken the rule of law and endanger the fight against corruption.
L’année qui va s’achever a enregistré une terrible cacophonie dans la gouvernance, et des tentatives grossières visant à subordonner la Justice au politique. L’année qui va s’achever a aussi enregistré cinq fois moins de fonds européens que l’année précédente, quand on sait que la Roumanie a déjà le taux d’absorption le plus bas de l’UE et qu’elle aurait un besoin vital de projets de développement. Petit dommage collatéral: l’effondrement de la monnaie nationale. L’année qui va s’achever a vu s’accélérer l’expatriation des Roumains -plus de quatre millions vivent et travaillent à l’étranger. Bref, un vrai succès de la coalition PSD-ALDE qui avait emporté les législatives.. Malheureusement, on sait qu’il n’existe pas de parti d’opposition, qu’il n’y a que des passerelles d’intérêts personnels et de pouvoir entre les formations politiques, et que la population est fortement divisée puisque, elle aussi vit, plus ou moins, selon le même principe des passerelles.. Néanmoins, l’année qui va s’achever a vu également, depuis février, des protestations dans la rue, dans la plupart des villes. S’il n’y a pas de parti d’opposition, il y a quand même la manifestation d’une opposition (que « certains » qualifient de « manipulée ») -et c’est déjà mieux que rien. On ne peut pas se résigner à rester dans le Trou.
Donc, le pouvoir actuel fonce avec confiance et inconscience dans le mur, en multipliant les erreurs. Et il semble que l’heure est grave. Même si vous n’êtes pas un analyste politique, vous pouvez faire le rapprochement entre les événements : les sénateurs de la coalition majoritaire ont boycotté dans la Commission de la Défense nationale le vote pour l’acquisition des systèmes de défense aérienne Patriot. Hier, quelques heures avant le communiqué du Département d’Etat américain, le Président Iohannis a promulgué la Loi pour l’acquisition des systèmes Patriot.. Certains observent que les Américains essaient d’éviter que le Président Iohannis soit suspendu, car dans ce cas il s’agirait de forces plus dangereuses, impliquées dans une guerre hybride, déjà commencée (les Russes..)
16:36 Publié dans Actualités, Enjeux, Evénement, information, Presse, RO-EU-USA/Coopération | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : département d'etat us, communiqué, roumanie, justice, lutte anti-corruption | Facebook | | Imprimer
11/11/2017
Le communisme n'a que cent ans..
(Photo- Magritte, Golconde, 1953)
1953, Staline est mort. Octobre-Novembre 1917 – l’acte de naissance du communisme appliqué. Malgré toutes ses horreurs, il a ses partisans, ses idéologues, ses nostalgiques, de nos jours encore. Une sorte de néo communisme qui s’adapte et perdure en parasitant les efforts et les formes du capitalisme.
J’ai sélectionné quelques notes dans les Archives, dont voici des extraits. Ce sont, pour la plupart, des adaptations d'articles roumains publiés en ligne.
"L’esprit communiste ne fonctionne pas conformément aux canons habituels de la psychologie, mais suit sa logique propre, où se mêlent, à doses indécelables, l’habileté dialectique, l’auto-illusion, et le mensonge psychopathe. Par « communisme » nous entendons le régime communiste et le système de propriété, mais ils ne sont pas la même chose que le mouvement communiste, en tant que réseau d’organisations. Le « communisme » n’est absolument pas viable, et c’est justement pour cela que le mouvement peut croître indéfiniment, sans être obligé de le réaliser, en se limitant, en échange, à récolter les bénéfices de ce qu’il vole, usurpe, prostitue et détruit dans son chemin. (…) Le communisme comme régime, comme système économique n’existe pas et n’existera jamais. Le communisme peut exister seulement comme mouvement politique qui se nourrit en parasitant le capitalisme, et donc il croît avec celui-ci. (…) D’une part, les économies communistes survivent uniquement avec l’aide capitaliste de l’extérieur, d’autre part, dans chaque nation, la croissance de l’économie capitaliste alimente toujours plus la culture communiste. Et c’est justement parce que l’économie communiste n’est absolument pas viable et qu’elle ne peut être construite, que le communisme militant remporte des victoires dans son effort de jeter le capitalisme à la casse. Finalement, toute la logique du communisme dérive de l’idée d’Hegel de la négation ou de la destruction créatrice. Or, celle-ci est une figure de style. La destruction de quelque chose peut amener à la croissance d’une autre chose à condition que cette dernière possède à l’intérieur une force créatrice propre, qui ne doit rien à la destruction. Attendre que la destruction seule arrive à créer quelque chose, c’est comme vouloir qu’un poulet sorte d’un œuf cuit."
"Le communisme n’a pas été vaincu par l’Occident. Celui-ci a vaincu le nazisme, mais le communisme s’est effondré seul. (…) Le fait qu’il se soit effondré en silence a permis à tous les gauchistes bien placés dans les universités occidentales de n’en tirer aucune leçon, au contraire de combattre, sous l'accusation de crypto-fascisme, tous ceux qui essaient de retenir les conséquences de cet énorme échec humain, matériel et civilisationnel qu’est le communisme. L’esprit actuel de l’Europe n’est pas celui qui a vaincu le nazisme, car cette Europe-là qui a vaincu le nazisme est une Europe qui croyait au bien absolu, à la vérité absolue et qui était capable de juger très fermement la déviance nazie. (…) Le communisme s’est effondré d’une manière qui a permis à tous ses sympathisants de se replier sur des positions qui, en fait, après maximum 5-6-7 ou 10 ans d’hésitation, sont très agressives. Je crois que l’université américaine peut être facilement définie comme étant de gauche néo marxiste." (dans Points de vue )
"La violence et la répression ne sont pas secondaires dans l’instauration du communisme. Elles sont obligatoires. Ce que l’on peut dire, c’est qu’elles ne représentent pas un but en soi, mais un moyen au service d’un projet de grande envergure : le changement du monde. Un projet d’une telle ampleur ne pouvait être réalisé sans violence, mais pas seulement par la violence. Il avait besoin de la participation des gens qu’il fallait convaincre. Il serait réducteur de voir le communisme uniquement comme une dictature. Le communisme est un régime totalitaire, ce qui implique la dictature, mais il est davantage que cela. En tant que régime totalitaire, il s’apparente au nazisme et au fascisme, mais il est encore plus totalitaire."(dans Totalitarismes)
"En invoquant le caractère prétendument modernisateur du communisme ou de ses idées prétendument généreuses, ou d’un supposé bilan positif de ses réalisations sociales, un grand nombre de progressistes, peut-être animés de bonnes intentions, préfèrent oublier que les régimes communistes ont tué cent millions de gens, en l’espace de deux générations : cela reviendrait à 450 personnes par jour, à savoir 190 morts par heure, à savoir 3 personnes réduites à l’état de cadavre chaque minute –et pas qu’une fois, mais minute par minute, heure par heure, jour par jour, pendant 60 ans sans interruption. Pouvez-vous imaginer une aussi monstrueuse montagne de cadavres ? Certains progressistes, il faut le reconnaître, ne peuvent nier l’existence de cette montagne de cadavres. Néanmoins, s’ils souffrent du même aveuglement moral, ils ont tendance à soutenir que, quand même -et ce « quand même » me glace – les victimes du communisme sont ces victimes collatérales d’une modernisation nécessaire qui autrement, vu le niveau arriéré des sociétés pré-communistes, n’aurait pas pu être accomplie. C’est-à-dire, cent millions de victimes afin que le PIB augmente de quelques chiffres: des victimes collatérales et non intentionnelles mais nécessaires à ce progrès. Il faut rejeter cette vision comme étant moralement inacceptable." (dans Les oraisons funèbres)
On ne pourrait parler de communisme sans rappeler son instrument principal: la sinistre police politique. En Roumanie, la Securitate, remplacée aujourd'hui par les Services (restructurés, réorganisés..). Qu’on ne se trompe pas, quand même, la Securitate n’a pas disparu, n’a pas été non plus complètement remplacée par des Services neutres. Elle s'est transformée un peu, s'est adaptée, et elle est d’autant plus puissante que la classe politique est pitoyable. Elle est protéiforme, toujours en train de consolider sa position en arrière-plan, telle une hydre qui ne cesse de se régénérer depuis ’89, la fin officielle du communisme. Comment réussit-elle ? Essentiellement par la persuasion « patriotique » et l’exacerbation identitaire, l’intéressement et le chantage. Bien sûr, l’infiltration. Après ’89, ils ont poussé le cynisme à récupérer, dans leur style spécifique, le symbole de la monarchie. Ces jours-ci, quand le Roi Michel de Roumanie se meurt (s’il n’est pas déjà mort..), ce jeu apparaît au grand jour.. En déchiffrant les derniers événements, et avec le recul, je peux mieux comprendre, et en plus, prendre la mesure de toute ma bonne foi naïve.. (Thérapie nationale). Ils sont forts. Il n’y a que la Russie avec son FSB/KGB qui peut faire mieux (mais la Russie n’est pas dans l’UE..), car la Corée du Nord n’affiche pas encore un visage humain trompeur.
18:27 Publié dans Actualités, Enjeux, Evénement, Presse, RO-EU-USA/Coopération, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : communisme, révolution, 100 ans, securitate, monarchie | Facebook | | Imprimer