13/02/2017
Protestations historiques
Carmen Lopez
Plus de 70.000 personnes en ce moment, et il fait très froid. Ils ont réalisé un drapeau aussi, la créativité et la communication sont impressionnantes.
La presse internationale en parle, et des images sont diffusées par tous les médias. Il y a, dans ce mouvement de contestation inespéré en Roumanie depuis 1989, une dimension internationale très actuelle: sanctionner la corruption de la classe politique, réclamer un vrai Etat de droit et des valeurs. Parmi les très nombreuses réactions rencontrées ces derniers jours dans la presse et sur les réseaux sociaux, j'en ai retenu et résumé deux.
(ILD) L’estimation quantitative est évidente, regardons un peu la qualité. C’est la plus grande protestation de l’histoire de la Roumanie. (…) Supposons que, du jour au lendemain, tous les protestataires et leurs soutiens disparaissent. Imaginons une Roumanie sans eux. Une Roumanie dont la population soit réduite à ceux qui soutiennent l’actuel gouvernement [PSD, l’ancien PCR]. Cela se traduirait ainsi : un déficit de capital humain et social, d’expertise technique, de capacité de gestion, de niveau d’éducation, de capital relationnel, de productivité, de capacité de travail ; un déficit de civilisation et de contribution à la transmission informelle des normes de coexistence civilisée ; un déficit dans la culture citoyenne, dans les standards de la vie publique et politique, et dans les équilibres entre le système de pouvoir et la société. Sans ces protestataires, la Roumanie, qui se situe déjà à la dernière place dans l’UE, tomberait au-dessous des anciennes républiques soviétiques, au niveau africain probablement. Nous pouvons aussi imaginer l’inverse : de quoi aurait l’air un pays habité par le type humain et les groupes sociaux présents aux protestations. Simplement, il serait au niveau d’un pays de l’OCDE, vraisemblablement en top de liste quant aux indicateurs économiques, sociaux et de gouvernance..
(ILD) L’Académie roumaine vient de ressortir un vieux chantage classique, à savoir le discours nationaliste et patriotard. L’idée est simplissime : lorsque les corrompus, les irresponsables et les incompétents qui dirigent le pays le mènent vers le désastre économique, social, politique, culturel, en générant finalement une situation de conflit social, alors, à ce moment-là, brusquement, quelque chose apparaît. C’est "la menace extérieure", "la perte de l’unité nationale", "le démembrement territorial".. Le chantage se résume ainsi : vous vous sentez peut-être mal gouvernés, humiliés, volés, insultés, mais, attention, nous sommes tous des Roumains, nous devons garder notre intégrité nationale. Laissez donc la classe dirigeante diriger, car elle défend l’Unité du pays. Et si vous ne comprenez pas, c’est que vous n’êtes pas de vrais Roumains…Ce n’est pas du patriotisme, Messieurs les académiciens, c’est un acte de trahison..
15:43 Publié dans Actualités, Emploi, Enjeux, Evénement, information, Presse, Publié sur Facebook, RO-EU-USA/Coopération, Web | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : protestations, roumanie | Facebook | | Imprimer
Commentaires
En Roumanie, les représailles intelligentes du gouvernement doté vraisemblablement du plus grand QI de l'après -'89 ont commencé: contre les parents qui ont amené leurs enfants aux protestations, contre les personnes ayant filmé avec un drone, contre celles qui ont projeté des lasers sur les façades, contre les agences qui ont imprimé les slogans...
Écrit par : Carmen | 16/02/2017
Publié sur Facebook le 15 février
Ma conviction (que j'exprime souvent sur mon blog elargissement-ro depuis 2004) reste inchangée: la Roumanie est dirigée par les Services (lesquels ne sont pas homogènes, loin de là..!). Logiquement, il ne pouvait pas en être autrement après '89..Néanmoins, puisqu'elle a intégré les structures euro-atlantiques, il est absolument fondamental (et obligatoire) qu'elle se présente comme un Etat de droit. Et c'est dans ces conditions que l'exercice peut devenir schizophrénique...
Écrit par : Carmen | 16/02/2017
Les commentaires sont fermés.