Un article clair et objectif, qui, en montrant pourquoi les deux pays de l'élargissement 2007 ne franchiront pas le seuil Schengen, relie aussi cette chance ratée au contexte diplomatique actuel ( http://bit.ly/HLZSiu). Je l'ai résumé plus loin. (En mars dernier, j'écrivais cette note sur le même sujet).
Le président de la CE, José Manuel Barroso, a déclaré le 11 novembre à un poste de télévision français que la Roumanie et la Bulgarie n'adhéreront pas à l'espace Schengen le 1 janvier prochain, en mettant ainsi fin aux espoirs du gouvernement roumain. Selon le président roumain Basescu, il y aurait encore des chances, mais elles dépendent du mécanisme de coopération et de vérification --MCV. Cela n'est qu'à moitié vrai. Dans les traités, il n'existe aucun rapport entre le MCV et l'adhésion à Schengen. La Roumanie et la Bulgarie sont obligées, par les traités d'adhésion à l'UE, d'appliquer toutes les normes que demande l'espace Schengen, afin d'assurer la sécurité des frontières externes de l'UE (c'est un devoir technique), mais les Etats membres de Schengen ne sont pas obligés d'accepter ces deux pays (c'est une décision politique). D'ailleurs, peu après l'élargissement de 2007, les européens se sont confrontés aux réalités politiques des deux pays. Le début de la fin. La Roumanie a rempli les conditions techniques d'adhésion à Schengen dès 2010, au prix d'investissements importants dans les systèmes de protection des frontières (environ 1 milliard d'euros). En 2011, les Pays-Bas et la Finlande se sont opposés à son entrée, au motif que les progrès insuffisants dans la lutte anti-corruption ne pouvaient garantir l'imperméabilité à l'immigration illégale. Les efforts de la diplomatie roumaine pour convaincre que la Roumanie méritait un signal politique positif ont été anéantis en juin 2012, par le désastre qui s'était déclenché: la crise politique due à la tentative de coup d'Etat. Les démarches d'adhésion ont été suspendues, le rapport du MCV s'est concentré sur le célèbre "décalogue de Barroso" - la liste des mesures exigées par la CE pour sauvegarder l'Etat de droit. A partir de là, il fallait recommencer à zéro.
Récemment, le ministre allemand de l'intérieur, Hans- Peter Friederich a averti qu'il utiliserait le droit de veto si la Roumanie forçait l'introduction de l'adhésion sur l'agenda du Conseil "Justice et Affaires intérieures" (JAI). Il a motivé que les mesures anti-corruption ne pouvaient garantir que les immigrants illégaux n'achèteraient pas l'accès à l'UE à la frontière roumaine. L'Allemagne a fait preuve de plus de subtilité que la France, qui avait annoncé qu'elle s'opposait à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie parce que ces pays n'intégraient pas leur minorité rom. L'Allemagne a évité le gouffre du racisme, ainsi que celui de la discrimination basée sur la pauvreté des deux pays, en expliquant que si ces pays avaient eu suffisamment de mécanismes d'absorption des fonds européens, ils auraient eu l'argent nécessaire pour intégrer les minorités, lesquelles n'auraient plus à faire de tourisme social dans les pays occidentaux. L'Allemagne a réussi à transformer un problème ethnique et social -sanctionné par la CE par la voix du commissaire Viviane Reding, en ce qui concerne la France -en un problème lié à la capacité administrative d'absorption des fonds, et de la lutte anti-corruption qui empêche l'absorption. Et cela représente un argument imbattable.
La crise économique a provoqué une résurgence des nationalismes, du protectionnisme et de l'isolationnisme, ainsi que la montée des partis populistes anti-européens. Sous leur pression, les gouvernements ont mis en cause l'immigration, et donc l'accord de libre circulation. Les contrôles aux frontières vont être réinstallés à l'automne 2014 pour maximum deux ans, un mécanisme d'urgence qui pourra être activé si les pays Schengen redoutent un flux massif d'immigrés. Néanmoins, puisque la vague de xénophobie s'est accentuée (comme le montre l'ascension du FN en France et la campagne anti-Roms), l'accord de Schengen pourra être modifié par l'extension des limites de la libre circulation. Dans sa déclaration télévisée, le président Barroso a affirmé qu'il y a "un amalgame entre Schengen, immigration, Lampedusa, ouvriers migrants, un amalgame qui devrait être dénoncé, car autrement nous aurons une montée des mouvements extrémistes dangereux pour l'Europe. La Roumanie et la Bulgarie n'entreront pas dans Schengen parce qu'il y a des pays qui s'y opposent".
En fait, la recrudescence des extrémismes et le score élevé des partis populistes aux élections parlementaires de 2014 pourront marquer la fin de l'accord Schengen, ou sa limitation. A qui la faute? En juin - juillet 2012, la Roumanie a raté l'opportunité d'entrer dans l'espace Schengen. Le président Basescu a réfuté la position du ministre des affaires étrangères, selon qui la Roumanie ne serait plus intéressée par ce dossier. Schengen ne signifie pas que la libre circulation des citoyens, la qualité de membre suppose des avantages majeurs, comme la stimulation du commerce et la réduction des coûts, qui sont très importants pour une économie faible, comme l'économie roumaine. C'est dommage pour l'investissement dans la technologie de sécurisation des frontières, mais pour défendre les frontières, il fallait être crédible. Il faudrait 2 Rapports MCV positifs pour que les pays qui se sont opposés à l'entrée dans Schengen reviennent sur leur décision. Or, le gouvernement en place a réussi à obtenir 2 Rapports négatifs, et l'actuel ne pourra être favorable.
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