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10/12/2015

La modernité

DSC_1264.JPG(Mes photos -Ginkgo biloba à Nice)

La civilisation moderne, ou la modernité, est une conséquence de la civilisation chrétienne, explique Horia-Roman Patapievici, écrivain, essayiste, philosophe et physicien roumain, dans ses trois conférences données à l’Université de Cluj, à l’invitation de l’Association des Etudiants Edictum Dei, sur le thème du christianisme et de la modernité (l'article et la vidéo ICI) Dans une approche qui n’est pas théologique, mais méthodologique, l’auteur parle du « mécanisme mental et moral » créé par le christianisme, de la conception chrétienne du monde à l’origine des concepts modernes de liberté, des droits de l’homme, de tolérance, d’égalité, de justice, de démocratie, du règne de la loi, d’universalité  et de protection de l’environnement. Tout cela n’aurait pu exister sans « le mécanisme mental chrétien », qui a incorporé le judaïsme. Il y a deux formes de modernité : « celle qui nie les faits et se renie elle-même, en refusant de mentionner dans le préambule du Projet de Constitution Européenne l’héritage chrétien », et « celle qui accepte les faits et pour laquelle l’héritage chrétien ne pose aucun problème ». « Si nous comprenons comment la civilisation moderne est née de la civilisation chrétienne, et comment l’esprit moderne ne pourrait être compris et ne serait jamais apparu sans l’esprit chrétien, alors nous n’avons aucun problème pour ce qui est de la présence du christianisme dans toute l’Europe, dans tous les musées, dans toutes les rues.. Nous n’avons aucun problème avec le fait que le christianisme est constitutif de notre perception du monde ». La troisième conférence de M. Patapievici a eu lieu récemment à l’Université de Cluj avec le titre « La naissance de l’âme chrétienne. De l’esprit de Marc Aurèle à l’âme d’Augustin ».  

J’ai écouté l’enregistrement avec beaucoup de plaisir, d’autant plus que ma propre Thèse de 450 pages se trouvait à la croisée des chemins de plusieurs disciplines: la littérature médiévale en langue vulgaire (non seulement le roman, comme le suggérerait son titre, car des excursus vers d’autres genres apparaissent, par exemple la poésie), la philosophie et la spiritualité exprimées en Latin, à la lumière des développements récents de sciences modernes (linguistique, sémiotique, psychanalyse…). Le jury avait apprécié mon point de vue comme étant « peu habituel et enrichissant pour examiner la littérature et la pensée des XIIe et XIII e siècles ».

Je me rallie donc entièrement à ce sujet que l’on évite soigneusement de nos jours : la profonde filiation entre la civilisation moderne et la civilisation chrétienne. « La civilisation moderne n’a pas nié le christianisme, mais l’a incorporé ». Je crois que c’est parce que l’Europe est en train d’oublier son âme que nous assistons à une confusion totale et inquiétante. En 1997, le Parlement avait voté un tout petit budget pour un tout petit programme intitulé « Une âme pour l’Europe, éthique et spiritualité ». Le programme se fixait comme objectif de regrouper les traditions philosophiques humaniste, chrétienne, juive, musulmane et autres pour réfléchir aux implications éthiques et spirituelles de l’intégration européenne. C’était une bonne chose que les institutions européennes veuillent prendre en compte les questions de sens, mais il faut rappeler que le centre de gravité de la Commission reste économique et technocratique, et que les questions de sens restent marginales. Et pourtant, on se situe là sur le terrain de la citoyenneté, donc le débat européen devrait aussi se nourrir à partir des convictions de valeurs et de sens, et encore plus en ce moment qu’il y a vingt ans.

Des voix de l’intérieur se font entendre pour expliquer l’avancée de l’islamisme et les ressorts de l’islamisation de l’Europe. En voici deux : le livre "Décomposition française" de Malika Sorel-Sutter et l'enregistrement d'un entretien avec l'auteur, et le livre "Les soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident"de Djemila Benhabib. 

09/01/2015

"Le relativisme culturel qui tue"

J'ai donné plus loin une version de cet article paru dans le quotidien Romania Libera. Si je l'ai fait, c'est parce que j'y souscris (ce que l'on peut aussi comprendre de mes propres brèves notes). Ce matin, je me suis vue obligée, à un moment donné, de débrancher France Culture.. J'essaie également de ne pas attacher trop d'importance aux mots bizarres que j'ai pu entendre qualifier les deux auteurs du carnage à Charlie Hebdo d'"ahuris".. "En espérant -disait la personne- que les autres braves gens n'auront pas à souffrir"..On est dans les euphémismes, touchons pas.., et ça va continuer de plus belle dans les prochains jours, j'en pourrais même écrire d'avance les grandes lignes.. C'est pourquoi, je voudrais au moins publier ici ces idées de mon compatriote journaliste.

 

Aucun combat pour la défense de la civilisation occidentale ne sera possible si nous ne respectons pas ce que nous voulons défendre, si nous refusons systématiquement d'identifier l'agresseur. Les manifestations de solidarité avec la France, ainsi que le message "Je suis Charlie" que des dizaines de milliers de personnes en Occident se sont approprié et ont partagé, pourraient tromper. Car pour chaque voix de responsable politique et de journaliste qui s'élève aujourd'hui avec indignation, en défendant la liberté d'expression, il existe tout autant de contre exemples de compromis, de lâchetés et de trahisons à l'égard de cette valeur fondamentale de la civilisation occidentale, et de l'Occident en général. Vous avez pu entendre dernièrement des manifestations de ces lâchetés de la part de ceux qui se sont empressés de souligner plutôt le supposé lien entre le massacre de la rédaction Charlie Hebdo, et le caractère "provocateur" à l'adresse des sensibilités musulmanes des caricatures publiées par l'hebdomadaire parisien, d'où le besoin d'une autocensure de la presse. Mais cette interprétation n'a aucun sens lorsqu'on apprécie réellement la liberté d'expression. Celle-ci ne serait rien du tout si elle ne défendait pas le droit d'être insolent, provocateur, et même de mauvais goût. Si vous voulez un slogan: le mauvais goût n'est pas un crime, mais le crime est un crime. Et en quoi la presse serait-elle "libre", si sa liberté consistait à publier des matériels et des images conformistes de ce qui est considéré "décent" et "acceptable" à un moment donné, et à faire en sorte que toutes les sensibilités soient ménagées? Elle serait inutile et insignifiante. Autrement dit, la liberté d'expression perd de sa valeur quand elle cède aux conventions et aux coutumes sociales. Sous cet angle, "la réserve" et "l'autocensure" ne représentent rien d'autre que des gestes lâches de suicide moral avec lesquels vous abandonnez la valeur suprême que vous dites défendre. Cet abandon moral qui justifie la barbarie de l'assassinat par une présupposée absence d'innocence de la victime, ce relativisme, n'est possible que si vous avez suspendu définitivement le jugement moral et perdu vos repères. 

Malheureusement, cette idée est devenue le dogme du progressisme politique dans les sociétés occidentales, et l'un des moyens les plus sûrs d'auto défaite civilisationnelle. Ce qui la rend si attractive dans les milieux progressistes serait une implicite connotation raciste. Bref, si vous affirmez que les valeurs occidentales de liberté, de démocratie, d'une société ouverte et de droits individuels sont supérieures à un autre type de société, vous êtes coupable "d'eurocentrisme arrogant" et porteur d'un racisme inhérent. La solution pour exorciser ce racisme inhérent de l'homme blanc consiste à suspendre le jugement moral, et à déclarer, par principe, que les valeurs de toutes les cultures, de toutes les coutumes et de tous les systèmes constitutionnels sont égales, partout dans le monde. Autrement dit, il n'existe aucune différence essentielle entre l'architecture édifiée avec tant d'efforts du système des droits de l'homme dans les constitutions occidentales et la Sharia islamique, le système oligarchique chinois ou la dictature d'essence fasciste en Russie. Toute autre interprétation ne serait que de l'impérialisme culturel. 

 

Or, si je ne crois pas que mes valeurs sont les meilleures, si elles ne sont plus désirables par rapport à d'autres, alors, pourquoi les défendre? S'il n'y a pas de différence entre les valeurs, pourquoi je me lèverai pour défendre les miennes? 

Cette résignation civilisationnelle, qui prend racine dans le relativisme culturel, et qui a été utilisée pour justifier et cacher des crimes et des atrocités, est l'un des coupables qui ont créé les conditions rendant possible le massacre de Paris. L'autre coupable est un aveuglement délibéré ayant la même origine. Nous entendons aujourd'hui, tout comme après les attaques de New York, Londres ou Madrid, que ce n'est pas l'islam qui est coupable, mais des groupes de "fanatiques religieux". Donc, le terrorisme islamiste, bien qu'une menace sérieuse, ne serait pas un motif de mobilisation civilisationnelle. Donc, il ne s'agit pas d'une affaire de guerre, mais d'une affaire de police. Il n'y a aucun ennemi, mais tout simplement quelques malfrats. Toute autre interprétation est une attaque à l'adresse de l'islam, et donc intolérable et raciste. 

Cette position est un mensonge assumé officiellement par la plupart des responsables politiques des sociétés occidentales, lesquelles parce qu'elles ne veulent plus lutter, refusent d'admettre l'existence d'un ennemi. Or, cet ennemi est réel, et que nous voulions le reconnaître ou non, il menace les fondements même de la civilisation occidentale. Non, il ne s'agit pas de la religion islamique, car ce serait penser comme eux et admettre que les valeurs de la modernité laïque que nous défendons sont absolument incompatibles avec les plus de 1,6 milliards de musulmans, et alors la seule solution serait le génocide. L'ennemi n'est pas l'islam, en général, mais des courants à l'intérieur de l'islam, et qui représentent des variantes d'une idéologie totalitaire, en rien différente du communisme et du nazisme. Lorsque dans le "Credo" des Frères musulmans est écrit "le Coran est notre Constitution", "le Jihad est notre voie" et "la mort pour Allah est notre volonté", nous ne devrions plus douter que nous avons affaire à une idéologie totalitaire, une politique moderne qui prend l'habit religieux traditionnel, et qui va à la conquête systématique de l'espace islamique et attaque la société occidentale dans son coeur - ses centres symboliques. Les US, l'Espagne, la Grande Bretagne et aujourd'hui la France. Rien à voir avec la pauvreté, le passé colonial, ou avec l'Etat d'Israël et la crise au Moyen Orient. Si cela avait été le cas, leur cible aurait été toute autre, et non Charlie Hebdo

Ayant abandonné la conviction qu'il a toujours une raison et un désir de lutter, l'Occident a choisi de proclamer qu'il n'a pas d'ennemi. C'est cet abandon sans précédent des responsabilités que l'Occident s'est assumées afin de maintenir le monde en paix et de combattre la barbarie, qui a rendu possible l'attaque contre la liberté d'expression. L'obscurité est descendue sur la Ville Lumière au moment où une Kalachnikov a assassiné le crayon. La lâche attaque contre Charlie Hebdo devra être le moment où les occidentaux auront réalisé que leurs valeurs fondamentales sont attaquées, qu'ils ont une raison de lutter, et qu'ils le feront.