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18/03/2025

L'équilibre global des pouvoirs change

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(Photo- Magnolia à Nice, mars 2025)

 

Robert D.Kaplan est l’un des meilleurs spécialistes des conflits entre le primitivisme et la civilisation. Il connaît bien l’Europe de l’Est et les Balkans, et son livre The Loom of Time, août 2023 (édition en roumain 2024) est un livre important sur les valeurs et les droits de l’homme dans une société polarisée, qui manque de vrais objectifs relevant de la tolérance. La situation actuelle est quasi anarchique et les leaders réels sont absents. Dans un entretien accordé à un journal roumain, Robert Kaplan répond à des questions au sujet de l’évolution de la Roumanie depuis les années 1990 et de ses tendances actuelles à revenir à une situation pré-démocratique, ainsi qu’au sujet des positions de Donald Trump dans les négociations pour la paix en Ukraine.

En ce moment, la Roumanie s’enfonce sous la force insoupçonnable et surprenante d’une mouvance nationaliste, souverainiste et extrémiste qui demande le retour aux conditions pré-démocratiques. Comment interpréter ce besoin d’une partie significative des Roumains de revenir à une époque non-démocratique ?

Les gens sont attirés par l’extrémisme parce qu’ils n’ont pas de mémoire historique et ne lisent pas sérieusement, et les Roumains ne sont pas les seuls. Ce n’est qu’en lisant sérieusement qu’ils pourraient apprendre de l’expérience des époques où leur vie était décidée par des dirigeants autoritaires. L’époque Ceausescu, et aussi l’époque du fascisme. Mais les nouvelles générations n’en ont pas une expérience directe. L’extrémisme naît d’une telle ignorance. Le souhait des Roumains de revenir à des époques non-démocratiques est tragique. On ne peut éviter la tragédie qu’en pensant tragiquement. C’est-à-dire, en étant conscient de la manière dont les choses peuvent très mal tourner. La démocratie n’est pas romantique, c’est juste le système le moins mauvais. C’est ce qu’il faudrait expliquer à ceux qui ont la nostalgie des époques totalitaires, vécues ou racontées par les générations précédentes. Pourquoi existe-t-il la tentation de l’anarchie et la nostalgie des époques totalitaires ? L’anarchie est l’opposé de la hiérarchie. On a besoin de hiérarchie pour qu’un système politique, aussi démocratique soit-il, puisse fonctionner effectivement. Quand les gens cherchent à renverser l’ordre existant, ils ne vont pas obtenir un meilleur système, mais l’absence de l’ordre. Dans toute l’histoire, la vie politique est l’effort de trouver un équilibre entre l’anarchie et la tyrannie.

Robert Kaplan dit que Trump a été élu principalement à cause de l’inflation sévère pendant la présidence Biden, et qui avait affecté la classe ouvrière. Cette fois-ci, Trump sera plus concentré, mieux organisé et donc plus dangereux. Il représente la vengeance de la globalisation. Celle-ci avait scindé la population américaine en une classe globalisée moyenne supérieure et une classe moyenne inférieure qui se soucie peu du monde extérieur. On observe un phénomène similaire en France et en Hongrie. A la question concernant le discours de Poutine repris par le président américain (comme quoi la guerre ukrainienne aurait été créée par l’Ukraine et que Zelensky serait un dictateur qui refuse d’organiser des élections), Robert Kaplan répond que Trump ne lit pas et qu’il est post-alphabétisé. Il sait utiliser les smartphones et les réseaux sociaux, mais il ne lit pas de livres. Et quand on ne lit pas sérieusement, on peut croire et inventer n’importe quoi. La vérité réelle est, en un sens, le produit d’une culture écrite, dans laquelle les choses doivent être notées et vérifiées.

La manière dont Trump aborde la Russie représente la fin de l’époque après-guerre, laquelle a été définie comme une alliance entre les Etats-Unis et l’Europe, par opposition à une Russie et une Chine non-démocratiques. Mais rien ne dure pour toujours dans l’histoire, et cette alliance occidentale a duré 80 ans. Sa fin est donc naturelle, quelque tragique et injuste que cela puisse être.

Devant la perspective d’un changement de l’équilibre global des pouvoirs, la Roumanie et l’Ukraine devraient s’attendre à un monde des régions géographiques: L’Amérique du Nord, La Russie-Euro-Asie, la Chine-Pacifique. Cela va mettre une pression énorme sur la Roumanie et l’Ukraine. Durant ces dernières décennies, la Roumanie a eu de la chance (il n’y a pas eu de violation de son territoire, pas de régime fasciste ou communiste, elle a consolidé sa démocratie, imparfaite, certes, et dont le citoyen lambda a toujours été mécontent, mais elle a évité chaque fois la catastrophe). L’avenir sera plus compliqué.

Référence

https://republica.ro/exclusiv-robert-d-kaplan-un-interviu...

20/02/2025

L'Homme par qui le malheur arrive

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(Photo- Mon voyage en novembre 2024

Tout a basculé en l’espace de quelques jours. Le lien transatlantique de 80 ans vient d’être rompu. Le leadership que les Etats-Unis ont affiché pendant toutes ces décennies au nom de l’Occident deviendra un nouveau leadership, cette fois-ci au nom des Etats-Unis qui choisiront qui ils voudront comme partenaires, par exemple la Russie, l’ennemi d’hier. La protection américaine en Europe est en train de s’effondrer. Chaque déclaration de l’actuelle administration américaine nous laisse sans voix. La sidération est totale. Nous ne sommes pas nombreux, sans doute, à avoir imaginé qu’un tel scénario de politique fiction deviendrait réel, le rapprochement entre le Kremlin bien connu et l’administration américaine 2025, et cela malgré des signaux évidents. Nous ne voulions pas y croire. Pour ceux d’entre nous qui avons connu la guerre froide et le communisme, l’attachement à tout ce que représentait l’Amérique après la Deuxième Guerre mondiale allait de soi. Qu’une administration américaine puisse maintenant détester l’Europe à ce point, c’est tout simplement impensable. Nous assistons à un renversement total des valeurs, une rotation à 180°.

Pendant ces dernières heures, dans la déclaration du président Trump l’Ukraine agressée est coupable d’avoir déclenché la guerre, le président Zelensky est un dictateur, Poutine est réhabilité, et le deal avec le Kremlin promet de changer du fond en comble la configuration géopolitique de cette partie du monde. Les pays de l’Est ont beaucoup à craindre, évidemment. Ce sera un Munich 2.0 et aussi un Yalta 2.0. Je m’attendais que Trump agisse dans l’intérêt des Etats-Unis et du lien transatlantique. Je me suis trompé. Poutine est entré dans son cerveau. Les Etats-Unis deviennent notre adversaire. S’ils nous jettent sous le camion, on doit réagir, dit un général français sur une chaîne d’information. L'Europe est en train de se rendre à l’évidence qu’elle est seule, qu’elle doit prendre son courage à deux mains, surmonter les divisions, essayer de retrouver une solidarité indispensable en situation de guerre, et surtout se réarmer, produire. Elle a eu quand même trois ans pour se préparer, apparemment elle ne l’a pas fait. Espérons qu’elle ne se couchera pas, car c’est une lâcheté qui lui coûterait très cher. Nous pensions que le temps des idéologies était révolu. En fait, non. Il y en a deux qui ont le vent en poupe aujourd'hui, et qui ont donné ce à quoi nous assistons : le wokisme et le dark enlightenment. Entre ces deux idéologies, la raison et les valeurs normales sont écrasées. 

06/02/2025

Mes deux passeports attachés avec un élastique...

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(Photo- Le mimosa à Nice

L’actuelle administration américaine souffle le chaud et le froid sur ses partenaires commerciaux par des annonces choc. Les Etats-Unis sont la première puissance économique et militaire, nul besoin de le rappeler. L’UE surtout craint d’être secouée, bien qu’elle essaye de faire bonne figure en affichant, pour le moment, sa rhétorique bien rodée (oui, sa rhétorique, car on sait combien il serait compliqué de mettre d’accord 27 pays dont les niveaux sont très différents). Pourtant, malgré tout, il faudrait ne pas oublier que le lien transatlantique est le socle de la civilisation occidentale et le traiter avec moins d’hostilité et plus de sympathie. Personnellement, j’y suis attachée et je préfère de loin l’Europe et les Etats-Unis à d’autres configurations ou partenariats sur la planète (en fait, malgré l’interconnexion qui est une règle incontournable de nos jours, j’avoue qu’il y a des pays et des lieux qui ne m’intéressent pas et où je ne mettrais jamais les pieds, quand bien même on m’offrirait le voyage et le séjour).  

Bien évidemment, on sait à quel point l’Histoire peut modifier l’histoire personnelle, directement ou indirectement. Par exemple, quand j’ai quitté la Roumanie (où j’étais professeur dans l’Education nationale), pour préparer une thèse en France au début des années 1990, et ensuite pour y rester, j’ignorais que j’allais retrouver un autre système socialiste et communiste. Certes, il n'était pas comme celui que je fuyais, mais très loin de celui auquel je m’attendais. Je connaissais la langue française, la littérature et la philosophie, mais non le modèle social français. Comment j’aurais pu le connaître? Parfois, j’essaie de construire un scénario dans ma tête, juste un exercice de l’esprit. Quelle aurait été ma vie si, à cet âge-là, j’avais pris la décision de m’expatrier (ou d’émigrer) aux Etats-Unis, comment je me serais adaptée à un système libéral par excellence, ce que j’aurais fait de ma formation de base, des compétences que j’avais et surtout de celles que j’aurais été heureuse d’acquérir, comment je me serais épanouie dans ce monde-là...Je parle d’il y a trente ans. Aujourd'hui, je dois écouter ici, où je vis comme résidente permanente, un odieux trotskiste, redoutable orateur hélas, qui hurle la haine des riches, si française, maintenant je l’ai compris. C’est comme si la boucle était bouclée, je sors du communisme, je retrouve le communisme. Le cauchemar d’une vie. J’ai fait tout ce que j’ai pu, dans ce système, je me suis beaucoup battue, absolument seule, seule.

Mais ce début d’année 2025 m’a apporté une bonne nouvelle (à propos de l’Histoire qui fait de petits changements dans notre histoire personnelle). Après de nombreuses tentatives, la Roumanie a enfin intégré le programme d’exemption de visa, Visa Waiver Program, qui permet aux citoyens européens de se rendre aux Etats-Unis pour une durée de 90 jours sans visa, juste en remplissant le formulaire électronique ESTA. Je n’aurai donc plus besoin d’aller au Consulat américain à Paris et renouveler pour la troisième fois mon visa de dix ans. Ce n’est pas le seul avantage, pour moi, qui possède un seul passeport (roumain). J’étais obligée de voyager avec deux passeports : l’un en cours de validité et l’autre expiré mais qui avait le visa américain de dix ans. Les dates d’émission des deux documents n’étant pas les mêmes, à l’enregistrement en ligne pour le vol vers les Etats-Unis je devais inscrire le passeport expiré qui avait le visa américain, sinon les autorités américaines ne reconnaissaient pas mes données, et au retour je devais inscrire mon passeport en cours de validité… Les deux passeports étaient attachés avec un élastique.

Eh bien, fini l’élastique, c’est déjà ça !  

08/01/2025

La stratégie roumaine du pourrissement

C’est un haut diplomate qui formule ce que nous voyons tous à l’œil nu. L’ancien ambassadeur américain, Adrian Zuckerman, demande au Gouvernement roumain d’élaborer un rapport détaillé et transparent concernant l’ingérence russe dans l’élection présidentielle et de déclassifier le plus d’informations possibles. Un rapport destiné à expliquer au public ce qu’il s’était réellement passé et à éviter qu’une telle situation se reproduise.

« On ne peut attendre encore un mois ou deux… On ne peut laisser les choses continuer ainsi. Il ne suffit pas de fixer une date pour le prochain scrutin, comme si rien ne s’était passé pour en arriver là. Pendant ce  temps, la propagande bat son plein, tous les jours. Quelqu'un devrait dire : "Non ! Voilà comment ça s’est passé ! Nous allons nettoyer ! Nous avons commis l’erreur d’avoir laissé les choses arriver à ce point, mais nous ne la répéterons pas". Il faut que le Gouvernement explique clairement ce qu’il s’est passé et il faut aussi que le Parquet démarre une enquête. C’était un coup d’Etat. Maintenant, ils sont tous en vacances. Comment peut-on être en vacances quand il y a un coup d’Etat ? C’est une honte…Personne ne fait rien. J’ignore ce qu’il se passe ici, mais tout aurait dû être réglé le plus vite possible. »

La vraie question est quels jeux se font en Roumanie à présent.