Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/06/2017

Un essai rassurant

Le-monde-va-beaucoup-mieux-que-vous-ne-le-croyez.jpgDepuis des années, les cris d’alarme se multiplient sur les dangers qui nous menacent, et pourtant jamais le monde n’a été aussi peu violent. La liberté, la tolérance, l’éducation et la santé ont progressé sur la planète dans des proportions insoupçonnées. C’est le message d’espoir que propose cet essai, dont l’auteur est spécialiste des sciences de l’éducation et président d’honneur de l’Association française de psychologie positive. Partant de l’idée que les discours catastrophistes sont contreproductifs, parce qu’ils mènent à l’immobilisme, ou à la soumission à une politique autoritaire, il dresse ici un bilan à l’aide de statistiques, de documents, de rapports internationaux incontestables (l’ONU, l’Unicef, le BIT, la FAO, l’Unesco, l’OMS, la Banque mondiale, le PNUD) qui montrent une humanité en progrès. Trois sources complémentaires d’inspiration forment le socle conceptuel de cet ouvrage : la psychologie positive, qui étudie les conditions et les processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions) ; le convivialisme, nouvelle philosophie politique qui considère qu’une politique légitime devrait reposer sur les quatre principes de commune humanité, de commune socialité, d’individuation et d’opposition maîtrisée) ; une vision optimiste de l’être humain, selon laquelle il existe en toute personne une aptitude à la bonté, qui peut s’épanouir ou s’étioler en fonction de ses choix personnels et de son milieu social.


Le monde a besoin d’espoir réaliste, les deux choses les plus précieuses au monde étant l’amour et l’imagination - des ressources renouvelables. Pour cela, il faut regarder le monde différemment. Les chiffres nous disent que ces dernières décennies, sur l’ensemble du globe, la pauvreté, la faim, l’analphabétisme et les maladies ont reculé comme jamais avant. Même s’il reste encore de fortes zones d’ombre, l’humanité va beaucoup mieux qu’il y a 20 ans, contrairement à une opinion largement répandue. Beaucoup de militants et de journalistes pensent qu’il est nécessaire de dramatiser l’état de notre monde pour provoquer un choc salutaire, stratégie qui a ses avantages mais aussi ses limites. Agissons au lieu de militer contre ! (…) J’ai déjà consacré plusieurs livres à la nécessité d’un regard positif et lucide sur le monde (que je nomme « optiréalisme »). Il signifie que le vrai optimisme a besoin de réalisme pour ne pas tomber dans l’illusion, mais également que la forme la plus appropriée de réalisme consiste à être un optimisme actif. 

Pour cela, il est besoin d’agir à trois niveaux: sur le plan individuel (agir pour convaincre), sur le plan social (évolution des mentalités), sur le plan politique (des institutions nationales et internationales).

Il nous faut passer du pessimisme désespérant à l’optiréalisme inspirant. Etre optiréaliste, c’est plus qu’une manière individuelle de considérer l’existence, cela devient une exigence éthique pour l’humanité. Il y a trois bonnes raisons de ne pas trop écouter les prophètes de malheur : ils nous induisent souvent en erreur, ils nous démobilisent, ils incitent souvent à des mesures politiques autoritaires. Présenter une vision catastrophiste du monde procède d’une triple erreur : cognitive (croire que plus on fournit d’information, plus les gens vont être sensibilisés au problème), émotionnelle (croire que plus on fournit d’informations dramatiques, plus les gens vont s’engager concrètement), et commerciale (croire que les mauvaises nouvelles vendent mieux que les bonnes).

Un vaste courant de recherche en sciences humaines porte sur la gestion de la terreur. Cette théorie postule que, confrontés à la pensée de leur mort, les gens feront presque tout ce qui est possible pour éviter d’être effrayés. Plusieurs centaines de recherches dans une quinzaine de pays ont été menées à partir de cette approche sur des sujets tels que l’environnement, le terrorisme, etc. L’une d’entre elles montre que lorsque l'on incite discrètement des personnes à penser à leur propre mort, cela éveille en elles des aspirations matérialistes, telles que gagner plus d’argent, obtenir des objets de luxe, dépenser de l’argent dans des vêtements et des loisirs, soit exactement l’inverse du résultat espéré par les écologistes catastrophistes.

Trop, c’est trop! Beaucoup de militants, de journalistes et d’experts pensent qu’ils doivent sans cesse alerter l’opinion publique sur les dangers que court notre monde. C’est là une grande erreur, car trop d’information tue l’information. Les gens finissent par se lasser d’entendre et de lire des mauvaises nouvelles à longueur de journée. On sait maintenant que les recherches sur le stress des professionnels de santé (le burn-out), sur des sujets tels le sida, les sans-abris, la criminalité violente et la maltraitance des enfants, ont montré que les personnes  éprouvaient « une fatigue de compassion », caractérisée par le burn-out émotionnel et une certaine insensibilisation. L’excès d’information sur les problèmes sans montrer les solutions peut avoir un effet contraire à celui prévu.

L’auteur s’arrête à plusieurs domaines et montre les progrès faits surtout durant ces 20 dernières années. L’extrême pauvreté a chuté depuis 1990 de plus d’un tiers, plus d’un milliard de personnes - de 47% en 1990 à 14% en 2015, dans les pays en développement. La faim (sous-alimentation), dont on espère l’objectif zéro en 2030, a chuté  à 11% en 2014-2016. L’éducation pour tous est un espoir réaliste, de 120 millions d’enfants non scolarisés en 1996, ils sont 57 millions en 2015. La démocratie a gagné du terrain - il y a deux siècles, les démocraties ne représentaient que 5% des Etats, depuis les années 1990, elles sont plus nombreuses que les régimes totalitaires. Selon Huntington, il y a eu trois vagues: du début du XIX e siècle jusqu’en 1922, l’arrivée au pouvoir de Mussolini ; depuis la Seconde Guerre jusqu’en 1962, avec 36 démocraties dans le monde ; depuis 1974, la « révolution des œillets » au Portugal, elle comprend les transitions démocratiques en Amérique latine, en Asie et en Europe de l’Est. Lorsque cette vague a débuté, seulement 30% des Etats indépendants du monde étaient démocratiques. La démographie - l’augmentation de la population n’a pas entraîné de drames à grande échelle (famines, guerres). La plupart des pays sont dans une phase de transition démographique, qui consiste en une forte réduction du nombre d’enfants par famille, avec deux arguments : une vie familiale plus heureuse et la préservation de la planète. De grandes avancées dans l’environnement : la couche d’ozone se reconstitue, la déforestation ralentit, des réussites impressionnantes en matière de biodiversité sont enregistrées,  la transition énergétique devient un mouvement irréversible.

Jamais il n’y a eu aussi peu de violence. Les guerres sont bien moins meurtrières  qu’autrefois. Quant aux terroristes, il faut éviter de faire leur jeu, en prétendant de les combattre. Bien que les médias nous parlent quotidiennement de guerres, il faut considérer la baisse considérable de morts par guerre au cours des récentes décennies. En 2015, il y a eu 150.000 décès par guerre : pour 1000 décès dans le monde, 3 l’ont été par guerre. Situation aggravée depuis 2010, mais sans commune mesure avec des périodes antérieures : la Seconde Guerre mondiale a fait 60 millions de morts, les conquêtes mongoles au XIIIe 40 millions de morts, la politique de Staline 20 millions de morts, les guerres napoléoniennes 5 millions de morts. En 1989, John Mueller a été l’un des premiers à analyser cette quasi-disparition des guerres internationales : la guerre entre les grandes puissances est devenue à la fois repoussante et futile. Le terrorisme en forte augmentation ces dernières années tire sa force de sa logique : insuffler la peur. La nôtre doit être de refuser d’entrer dans cette spirale. En fait, les décès par terrorisme sont très peu nombreux par rapport à d’autres causes de mort. Les attentats de 2015 en France ont fait 149 victimes, tandis que la même année, les accidents de la route ont entraîné 3616 décès, 25 fois plus ; les suicides ont entraîné 10.000 à 11.000 décès, soit 68-75 fois plus ; les accidents de la vie courante ont entraîné plus de 20.000 décès, soit 136 fois plus ; le tabac a entraîné 73.000 décès, soit 500 fois plus. On pourrait rétorquer que l’impact émotionnel d’actes extrêmement violents commis volontairement n’a rien à voir avec celui des comportements humains assurément néfastes mais pas destinés à répandre la mort d’autrui.. C’est le but recherché par les terroristes : provoquer la peur à grande échelle, car lorsque les émotions sont activées, l’analyse rationnelle du calcul de probabilités disparaît, quand la peur s’installe, la raison s’enfuit. John Mueller, professeur de Sciences politiques à l’Université d’Etat de l’Ohio, considère que les réactions aux attentats constituent une menace plus grande que les attentats eux-mêmes. Voici deux motifs d’espoir : l’abandon du terrorisme par les militants, comme résultat de décisions individuelles et collectives, et des actions gouvernementales adaptées. Les mouvements disparaissent un jour ou l’autre, comme le montre l’histoire, qui a connu quatre vagues de terrorisme : la vague anarchiste, 1880-1920, la vague anticolonialiste, 1920-1960, la vague d’extrême gauche, 1960-1990, la vague religieuse, 1979 à nos jours.  43%  des mouvements terroristes rejoignent l’action politique classique, en passant des accords avec les gouvernements (l’IRA, l’ETA, les FARCS, le FLNC), 40% sont stoppés par des actions de police (la police représente la stratégie la plus efficace face aux groupes qui ne veulent pas abandonner), 10% atteignent leurs objectifs (aucun groupe terroriste visant des objectifs larges tels que l’empire ou la révolution n’est parvenu à la victoire, les groupes qui parviennent à leurs fins visent des objectifs limités, tels des changements politiques ou territoriaux).

La criminalité a enregistré une chute spectaculaire dans la plupart des pays, la société étant de moins en moins violente, alors que beaucoup pensent le contraire. Les pays européens connaissent une baisse quasi régulière du taux d’homicide depuis le Moyen Age. En France, le taux est passé de 20,2 pour 100.000 habitants en 1500-1550 à 0,7 pour 100.000 en 2000-2012, soit une division par 30 en 5 siècles. Après une remontée entre 1960 et 1990, il y a eu une chute très importante de la violence depuis 1990, qualifiée de plus important phénomène criminologique de l’époque moderne. Le fait a été d’abord repéré aux Etats-Unis, à New York, et a été largement médiatisé dans les années 1990, et ensuite, diverses  recherches ont montré que c’est un phénomène très répandu, en particulier dans les pays développés, que ce soit en Europe de l’Ouest ou de l’Est, en Amérique du Nord, en Océanie et dans les pays riches d’Asie. Une étude française menée par un criminologue montre qu’en 20 ans, de 1994 à 2013, le nombre d’homicides volontaires constatés par l’Institut médico-légal de Paris a baissé de 65%. Les explications proposées à cette remarquable évolution sont nombreuses, mais trois sont souvent citées : l’évolution des mentalités (nous sommes dans la « civilisation des mœurs », c’est-à-dire le contrôle progressif de soi qui s’est développé au cours des siècles et qui a conduit à la baisse progressive des violences interpersonnelles), l’amélioration de la sécurité (la sécurité humaine est une nouvelle conception de la sécurité, elle englobe à la fois la sécurité économique, alimentaire, sanitaire, environnementale, personnelle, communautaire, politique ; selon un rapport du PNUD, « il faut passer d’une sécurité assurée par les armes, à une sécurité garantie par le développement humain »), l’efficacité illusoire de la répression. Pourquoi alors le décalage entre la réalité et notre imagination ? Alors que nous n’avons jamais été autant en sécurité, beaucoup pensent que la société est de plus en plus violente. Trois causes expliquent ce paradoxe : une cause psychologique et sociale (le rejet de la violence -plus la violence diminue, moins elle nous semble acceptable et plus nous y sommes sensibles), une cause psychologique (notre cerveau aime la simplification, et a spontanément tendance à considérer comme plus probables les situations qui lui viennent plus facilement à l’esprit), une cause sociale (le rôle des médias qui servent en quelque sorte de « multiplicateur »  du crime. Bien entendu, la prudence reste de mise, certaines régions du monde sont moins ou pas concernés par cette évolution (la baisse de la criminalité) : l’Amérique latine et les Caraïbes.

 

 

 
 

Les commentaires sont fermés.