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27/10/2006

Une lettre ouverte

Cher Monsieur Jacques Attali,
J'ai eu l'occasion de vous écouter ce matin sur France2 ("les 4 vérités") parler de la possibilité de soutenir des projets par le biais des micro-crédits. Votre argumentaire, celui d'un homme de culture animé par une vision généreuse, a retenu mon attention.
Vous disiez que tout un chacun a un rêve, et que personne ne veut rester dans son coin à attendre le RMI, et qu'il fallait aider ces gens, même s'il fallait aller frapper à leur porte. Vous disiez aussi, en évoquant la solution du micro-crédit qui a connu du succès en Inde et ailleurs, que dans d'autres pays il n'y a pas beaucoup d'argent, mais qu'il y a des idées, tandis qu'en France il y aurait de l'argent, mais pas trop de possibilités pour exprimer son idée...Vous parliez également d'un vrai patron qui saurait rassembler les administrations compétentes, afin que des projets voient le jour, et vous rappeliez ces types de projets, qui, tout en étant issus d'une idée simple, auraient des retombées économiques (liés aux services, à la société de l'information, etc).
Maintenant, permettez-moi de vous dire pourquoi je trouve que votre vision généreuse est utopique, du moins pour ce qui est de la France d'aujourd'hui. Pour cela, je vais vous livrer très brièvement mon expérience personnelle dans le combat pour un projet qui n'a jamais pu se concrétiser.
Je suis Roumaine, j'étais professeur de français en Roumanie, et lorsque j'ai choisi de m'installer en France, il y a plus de dix ans, après avoir préparé un Doctorat ici, ce n'était en aucun cas pour des raisons économiques. Je souhaitais créer quelque chose, un pont et des liens, à ma manière et avec mes moyens, entre ces deux pays (mes spécialisations sont doublement en lettres françaises et roumaines). Alors, j'ai avancé un projet de Centre de formation au bénéfice des cadres roumains, basé sur le transfert de savoir-faire français. J'ai fait le tour de toutes les administrations et des dispositifs français, je me suis épuisée dans des démarches obstinées auprès des instances nationales et européennes pendant très longtemps...
Bien sûr que mon pays est plus corrompu et plus bureaucratique que la France, et c'est justement pour cela que l'idée d'un soutien français s'imposait logiquement à mes yeux, d'autant plus que je disposais de tout ce qu'il semblait nécessaire: un statut de résidente, des compétences, et surtout l'amour qui avait nourri un projet spécifique. Car, vous êtes d'accord, les projets ne naissent que si désir il y a. A mon avis, on peut mettre tous les moyens financiers en oeuvre (si tant est que l'on veuille le faire) et les cités ne deviendront pas pour autant des pépinières d'entreprises...Il existe des ressentiments et des blocages forts, et qui relèvent de l'histoire, et dont j'ai pu me rendre compte simplement en vivant la vie de ces gens-là, et en la déchiffrant correctement, avec l'objectivité et la lucidité de l'étrangère qui ne faisait pas partie de l'immigration maghrébine ou subsaharienne, et qui, en plus, était loin d'être illettrée. C'est une expérience concrète dont peu de politiques ou d'exécutifs pourraient se prévaloir, et tant mieux pour eux... J'ai pu réaliser (différemment qu'en Roumanie) en quoi un système de protection pouvait avoir l'effet pervers de vous réduire au silence, de vous transformer en un mort-vivant, de vous isoler, de vous nier. A moins qu'il n'y ait là une intention inavouable, ou au contraire, un aveu d'impuissance. J'ai mis quelque temps à comprendre que mon projet, par exemple, se heurtait non seulement à l'indifférence, mais à une certaine hostilité. Je dérangeais, d'autant plus que je persévérais et que je l'exprimais...
Lorsque vous formulez l'idée d'un patron qui rassemble les administrations, je m'interroge sur l'efficacité d'une centralisation de plus.
Il me paraît évident que tous les débats d'idées, aussi opportuns qu'ils soient, ne pourront jamais remplacer les changements profonds qui devraient se produire dans la mentalité sociale, aussi bien que dans la culture d'entreprise (françaises, je veux dire).
Avec mon entière considération,
Carmen Lopez

20/10/2006

La Roumanie cherche son commissaire européen

En tout cas, on fait avec ce que l'on a. Donc, on cherche parmi les politiciens du jour. Et les politiciens du jour, nous, les Roumains, on les connaît... Apparemment, il y a sept propositions, sept éventuels candidats. Certes, on ne peut pas sortir une pépite d'or, mais il reste à espérer que le choix sera le moins lamentable possible. Le poste est éminemment politique, très bien payé (18.000E/mois, ce qui, au passage, est irreprésentable pour moi) et sans aucun doute, celui qui sera désigné endossera aisément l'uniforme bureaucratique couleur bleu et jaune. Pour la langue non plus, il ne sera pas dépaysé, c'est la langue de bois, il en a déjà la pratique nationale, c'est l'une des conditions requises. En revanche, il faudra peut-être acquérir un peu d'élégance, de style, de raffinement, en quitant les rives de la Dambovitza pour Bruxelles. Mais comme le Roumain est adaptable par nature, notre prochain commissaire trouvera vite le ton qui convient, car en matière de snobisme et d'arrivisme on est imbattables. La modestie et la simplicité, la compétence et l'efficacité sont des vertus qui demandent un autre parcours que celui que connaissent, presque sans exception, les personnages politiques dans ces jeunes démocraties de l'Est...
Eh oui, on fait avec ce que l'on a. 

11/10/2006

Le marché roumain connaît déjà les symptômes d'un pays européen

Les entreprises roumaines sont de plus en plus tentées d'embaucher des ouvriers étrangers, à la place des Roumains qui se sont expatriés. La situation du marché roumain est paradoxale. Plus de 2 millions de Roumains sont partis travailler à l'étranger, pendant qu'il existe un nombre croissant de citoyens étrangers qui veulent travailler en Roumanie et une pression constante de la part des compagnies roumaines désireuses de les embaucher. Deux raisons à cela: le vide laissé par le départ des Roumains (ce qui se traduit par une baisse du chômage, 6,3% cet été en Roumanie, par rapport à 7,8 en Europe), et le fait que les étrangers acceptent d'être payés moins que les Roumains (environ 300Euros/mois). Selon les données de l'Office pour la migration de la main d'oeuvre (OMFM), il y aurait oficiellement 5.302 permis de travail qui ont été délivrés et d'autres 10.000 sont prévus pour l'année prochaine (les demandeurs viennent de Turquie 27%, Chine 15%, République de Moldavie 14%, France, Grèce, Allemagne). Les domaines recherchés sont le commerce, les services, le secteur bancaire. Sur le total des permis, 29,9% concerneraient des postes de direction. En 2007, on s'attend à l'assault des Chinois, 4000 arriveront à Jassy (pour du travail dans le textile). Les compagnies qui font le choix de la main d'oeuvre étrangère doivent remplir des conditions, la plus importante étant de prouver qu'elles n'ont pas trouvé de candidats autochtones. Certaines grandes villes se confrontent à une pénurie de main d'oeuvre non qualifiée, ou inversement, à un manque de spécialisation professionnelle... 
C'est le résumé de ce qui est écrit dans l'article ci-dessus. Il faudrait peut-être interpréter correctement ces aspects. Il s'agit aussi des compagnies étrangères installées en Roumanie et qui sous-payent la main d'oeuvre roumaine qualifiée et formée parfois à l'étranger -les paradoxes se multiplient, et cela non pas forcément en l'absence de réglementations, mais à cause d'un système consistant à les contourner ingénieusement. Les jeunes roumains qui ont  eu un cursus dans une université à l'étranger, et qui décident de rentrer en Roumanie ne se voient rien proposer d'autre que des emplois à 250-300 Euros/mois (sauf s'ils ont des relations...), quand on sait bien que c'est à peu près le montant d'un loyer à Bucarest. Je ne le dis pas uniquement parce que mon fils l'a vécu et a décidé de retourner aux US, mais parce que je connais également d'autres cas.