La Chine et nous (01/04/2020)

la chine,pandémie,relations commerciales,etats-unis,communisme

(Mes photos- Nice, l'Avenue Jean Médecin pendant le confinement)

L'article Chinavirus (que je traduis librement plus loin) met en perspective le contexte dans lequel nous vivons et nous fournit quelques données concrètes, que nous aurions pu oublier ou ignorer. Dans le texte d’origine, vous trouverez les hyperliens vers les articles en anglais cités par l’auteur.   

A ce jour, on commence à découvrir comment les cadres de l’administration et du Parti communiste ont maintenu la dissimulation à tous les niveaux, en truquant les statistiques, en attribuant les décès à d’autres causes, en brûlant les corps sans pratiquer d’autopsie, en minimisant le nombre de décès pendant que les crématoriums fonctionnaient 24 h/24 h, en effaçant les traces de cette manipulation macabre. Pour sauver les apparences, le gouvernement chinois a permis à 5 millions d’habitants de Wuhan de quitter la ville sans être testés. Les membres du personnel médical qui ont parlé ouvertement de ce nouveau danger, le nouveau virus, en contredisant la ligne officielle, ont été intimidés et réduits au silence. Quand le docteur Li Wenliang  -qui entre temps a contracté le virus et en est mort- a averti ses collègues sur la gravité de la maladie, le 30 décembre, il a été retenu par la police et accusé de diffuser de fausses informations. Ses affirmations ont été censurées sur les réseaux sociaux. Un récalcitrant comme Ren Zhiqiang, un homme d’affaires critique du Parti communiste, a simplement disparu après avoir publié un article sur la gestion de l’épidémie.

On observe que la pandémie actuelle vient de mettre en évidence un défaut mortel du monde contemporain qui, depuis quelques décennies, s’est reconfiguré pour fonctionner en réseau : un simple nœud entraîne l’effondrement de tout le réseau. Une étude de l’université de Southampton, publiée le 11 mars, montre que le nombre de victimes aurait été beaucoup plus réduit si le gouvernement chinois avait reconnu plus tôt qu’il se confrontait à un nouveau virus très contagieux, et s'il avait demandé le soutien international afin d’éviter la propagation dans le monde. Les premiers cas sont apparus en novembre dernier, mais la première annonce publique sur la gravité de la maladie a été faite le 20 janvier 2020. Ce retard de deux mois a été possible parce que, en temps de crise, l’administration d’un Etat communiste n'est pas préoccupée par l'amélioration de la situation, mais par sa dissimulation. 

On sait que l’Italie et l’Iran sont les pays les plus affectés par la pandémie. Ce que l’on sait moins, c’est que les deux ont des relations très étroites avec la Chine, ce qui a permis un corridor humain par lequel le virus a été transmis du pays d’origine. Les deux pays ont des relations économiques avec Beijing, principalement dans le cadre de l’initiative One Belt One Road (OBOR), une stratégie politique de Beijing, déguisée en programmes d’investissement dans l’infrastructure. Voici le principe. La Chine et le pays X concluent un accord pour démarrer un projet d’infrastructure dans le pays X. Ce pays X doit emprunter auprès d’une banque chinoise pour financer le projet. Un contrat est accordé aux compagnies chinoises, qui vont apporter du matériel et envoyer des employés chinois dans le pays X pour la réalisation du projet. L’initiative OBOR, nommée aussi la « Nouvelle route de la soie» (en souvenir de l’ancienne route commerciale qui reliait la Chine à l’Europe, à travers l’Inde, l’Afghanistan, l’Anatolie, la Mésopotamie, l’Egypte, la Grèce et l'Italie) est un vaste projet conçu par le président Xi Jinping et adopté par le gouvernement chinois en 2013.

Il y a un an, en mars 2019, en ignorant les avertissements de l’UE et des Etats-Unis, l’Italie est devenue le premier et le seul pays du G7 qui a signé le projet OBOR. En tant que partenaire, l’Italie a ouvert certains secteurs aux investissements chinois, de l’infrastructure aux transports, en permettant aux compagnies d’état chinoises de détenir des paquets d’actions en quatre ports italiens importants. Par conséquent, plus de 300.000 Chinois vivent actuellement en Italie. La Lombardie et la Toscane sont les deux régions ayant bénéficié des plus grands investissements chinois. La ville de Prato, en Toscane, la capitale historique des textiles en Italie, est un exemple de concentration de la population chinoise : plus de 50.000 en 2013. Ils confectionnent des vêtements portant l’étiquette « Made in Italy ». En 2017, Prato comptait une population d’un peu plus de 192.000 habitants. Le premier cas de Coronavirus en Italie a été rapporté en Lombardie, le 21 février, un an après la signature de l’accord OBOR. A ce jour, l’Italie se confronte avec le plus grand foyer de Coronavirus à l’extérieur de la Chine, et la Lombardie est la région la plus touchée.

 C’est également en 2019 que l’Iran a adhéré officiellement à OBOR. La Chine considère l’Iran un élément essentiel dans ce projet, car l’Iran est riche en pétrole mais se trouve aussi sur un trajet ambitieux de plus de 35.000 km, que la Chine veut construire à partir de l’ouest vers l'Europe, via Téhéran et la Turquie. Qom, une ville d’un million d’habitants, est devenue le foyer du Coronavirus en Iran. La compagnie China Railway Engineering Corporation construit à Qom un tronçon de cette ligne de TGV, un projet de 2,7 milliards de dollars. Les techniciens chinois ont aidé aussi à la remise en état de fonctionnement d’une centrale nucléaire dans les environs. Les médecins iraniens pensent que le virus a été propagé soit par les ouvriers de Qom, soit par un homme d’affaires iranien qui a voyagé de Qom en Chine. Le 1er février, le gouvernement iranien a interdit les vols vers la Chine à ses compagnies aériennes, à une exception : Mahan Air, une compagnie non officielle, dont se servent les Gardiens de la Révolution islamique. Wall Street Journal écrit que Mahan Air a effectué des vols entre Téhéran et la Chine entre les 1-9 février pour transporter des passagers chinois et iraniens dans leurs pays d’origine. Cela explique pourquoi tant d’officiels iraniens de haut rang ont été infectés : plus de 20 parlementaires, et on y ajoute deux décès - l’ancien ambassadeur au Vatican et l’un des conseillers de Khamenei.

L’Espagne est un autre pays sérieusement touché par le virus. L’Espagne n’a pas adhéré au projet de la Nouvelle route de la soie, mais seulement à une composante financière nommée AIIB. C’est le mécanisme bancaire par lequel la Chine finance les projets d’infrastructure dans le cadre de l’initiative OBOR. En Espagne vivent à présent plus de 200.000 Chinois –ce chiffre n’inclut pas ceux qui ont déjà la nationalité espagnole. Leur plus grande majorité (70%) provient de la province de Zheijiang, qui est la troisième la plus touchée du pays. Le 27 janvier, la presse chinoise écrivait que dans Zheijiang avait été créée une force de 330.000 volontaires pour combattre la propagation du virus. En décembre et en janvier, avant que le gouvernement chinois ne reconnaisse publiquement l’épidémie qui allait devenir une pandémie, un nombre important de résidents chinois en Espagne et en Italie sont rentrés à la maison pour les fêtes et sont revenus ensuite. C’est donc le couloir humain qui a permis la propagation du virus.

Comment ont réagi les amis du socialisme et du communisme à la nouvelle réalité créée par l’honorable Part communiste chinois ? Un état de kitch sentimental est descendu sur Hollywood. Les millionnaires, ceux qui éduquent le monde de manière correcte et visionnaire, traversent en ces moments une phase philosophique et ils ont réalisé un petit film censé inspirer et réconforter. Après six jours de confinement dans sa villa, l’actrice Gal Gadot, connue pour son rôle dans Wonder Woman, a réuni un groupe de confrères inquiets et ils ont interprété Imagine de John Lennon.. Le résultat a été, de l’autre côté de l’Atlantique, une sorte de miaulement collectif, une version de notre ballade nationale Miorita, avec beaucoup d’empathie.. Les communistes sérieux, eux, pensent que cette pandémie sonne le glas du capitalisme global. Il y aura un socialisme global, ou national, dans lequel des éléments de marché seront conservés, mais ce ne sera plus le marché qui dictera les règles. Bien entendu, nous tirerons quelques leçons sur notre rapport à l’environnement, à la nature.

Néanmoins, ce n’est pas un hasard si nous sommes arrivés là. Le proverbe dit qu’il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier. Ce panier est la Chine, dont tous les pays sont dépendants. Il y a  eu erreur dans le projet dès le départ. Les réformes économiques de Den Xiaoping avaient énormément séduit les leaders des affaires aux Etats-Unis, dans les années ’90. On avait commencé à envisager d’accorder à la Chine la clause de la nation la plus favorisée et ensuite de l’élever au statut de relations commerciales normales permanentes. Un marché de un milliard de consommateurs exerçait une attraction irrésistible, et la Chambre des représentants au Congrès (contrôlée par les Républicains) avait inclus la Chine dans la deuxième catégorie, celle des relations commerciales normales permanentes, en 2000. « Faire entrer la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce et normaliser les relations commerciales avec elle aura pour effet d’encourager ceux qui luttent pour l’environnement, pour des standards de travail, pour les droits de l’homme, pour l’Etat de droit. Dans cette étape de développement de la Chine, nous aurons une plus grande influence en lui présentant plutôt une main tendue qu’un poing serré. » (Bill Clinton)

On a cru fermement qu’une telle mesure allait mener, inévitablement, à la transformation du plus grand camp communiste au monde en un partenaire d’affaires fiable, et on a même fait le pronostique que, avec le temps, la libéralisation économique et l’augmentation du niveau de vie allaient avoir pour effet la libéralisation politique. En réalité, le succès économique n’a ni affaibli ni amélioré le système, mais a renforcé la dictature. La Chine a mis en place le plus insidieux et oppressant système de surveillance de ses propres citoyens. L’acte signé par Bill Clinton il y a vingt ans a donné une impulsion extraordinaire à l’économie chinoise. La Chine était le 7ème plus grand producteur du monde en 1980, et en 2010 est devenu le premier, en dépassant les Etats-Unis, quant à la valeur des biens produits (en dollars). Le poids global de la production chinoise a augmenté de 8,7% en 2004 à 28,4% en 2018, celui de la production américaine a baissé de 22,3% à 16,6%  pour la même période. Le secteur manufacturier chinois rapporté au PIB représente 30%, le secteur manufacturier américain seulement 11% du PIB (en 2018).

Suite au déclin industriel américain et à l’ascension rapide de la Chine, toute la planète, non seulement les Etats-Unis, dépend des produits fabriqués sous la tutelle du Parti communiste chinois (PCC). C’est d’ailleurs ce que la pandémie actuelle est en train de montrer clairement. L’exemple américain en est révélateur. Tout, à commencer par les médicaments utilisés en chimiothérapie, les antidépresseurs, les médicaments pour l’Alzheimer, les traitements contre le Sida, tout est produit par des entreprises chinoises. Les masques, les équipements de protection, les simples seringues aussi. Les Etats-Unis ne produisent même pas leur propre pénicilline –la dernière fabrique a fermé en 2004. Les Etats-Unis sont vulnérables, car la Chine a la réputation de produits défectueux, ou de qualité médiocre.

Le ministre du commerce américain a déclaré que les Etats-Unis devraient prendre en considération les conséquences implicites des relations commerciales avec un pays qui a une longue histoire dans la dissimulation des risques réels pour ses propres citoyens et pour le reste du monde. Au lieu d’adopter des principes de concurrence loyale, comme on espérait en 1990, la Chine a intensifié ses efforts d’espionnage industriel, le vol de technologies, et le recrutement des chercheurs étrangers corruptibles. Au lieu de lutter contre la corruption, la Chine l’encourage.

L’influence chinoise sur les grands trusts de presse américaine a augmenté, les rôles préconisés en 2000 se sont inversés : au lieu de voir une presse indépendante en Chine, on voit une presse américaine obéissant de plus en plus aux intérêts chinois. Bien entendu, il ne faudrait pas se découpler de la Chine, ni geler les relations économiques ou diplomatiques, ni exacerber les tensions militaires. Il faudrait, simplement, abandonner ses illusions : la Chine reste un acteur global de premier rang avec lequel l’Occident continuera à traiter, mais d’une manière prudente et réaliste, en partant du principe que tant qu’elle sera dirigée par le Parti communiste, la Chine n’est pas un ami, mais une menace pour le monde libre.  

15:53 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : la chine, pandémie, relations commerciales, etats-unis, communisme |  Facebook | |  Imprimer