L'absurde spectaculaire
06/05/2022
Arrivé en Roumanie lors du championnat d’échecs Superbet Chess Classic Romania 2022, 3-15 mai, Garry Kasparov a accordé un entretien à une chaîne de télévision. Il affirme qu’il n’existe aucune différence entre Poutine, Hitler, Staline et Ceausescu. Les dictateurs sont les mêmes, et la guerre en Ukraine le montre bien. Les dictateurs ne se posent jamais la question Pourquoi ?, mais Pourquoi pas ? « Nous voyons que Poutine peut s’emparer d’un territoire, peut tuer des gens en Syrie, comme il l’a fait à Alep, par des bombardements massifs. Il a commis tant de crimes sans avoir à subir des conséquences. Il veut absolument faire le prochain pas : l’Ukraine. S’il n’y a avait pas eu la résistance héroïque de l’Ukraine et du gouvernement de Volodymyr Zelensky, nous aurions assisté à une nouvelle capitulation du monde et à des négociations pour sauver certaines régions d’Ukraine ». D'après Kasparov, ce sont les leaders européens qui ont permis l’apparition du régime Poutine, le président russe étant leur création et celle de la politique indulgente et complaisante qu’ils ont menée à l’égard du Kremlin. Beaucoup d’hommes politiques européens vont reconnaître bientôt leur erreur d’avoir créé le personnage de Poutine, tel qu’il se révèle maintenant, mais ceux qui sont choqués par les crimes de guerre commis en Ukraine devraient se souvenir d’Alep, des armes chimiques utilisées en Syrie, de Grozny dans les années 2000, des assassinats contre des opposants politiques. Nous savons ce qu’est le KGB, je me trouve en Roumanie, et non en France ou en Grande Bretagne, mais nous constatons aujourd'hui que la menace est reconnue. Et je pense que nous vivons un moment qui changera l’histoire du XXIe siècle. Mais l’Ukraine est en train de payer un prix énorme. Zelensky montre qu’il est un vrai leader de guerre. Nous avons tant d’hommes politiques qui sont devenus des clowns et voilà un comédien qui est devenu un héros. C’est une leçon d’histoire.
Nous avons, une fois de plus, l'occasion de constater que le prophétique "1984" n'a pas cessé de nous parler. Je vais passer sur l'ironie politique qui fait que, au pays des droits de l'homme, en 2022, un trotskiste arrogant fédère une gauche en morceaux et rejoint ainsi l'extrême droite par les mêmes caractéristiques: populisme, antilibéralisme, euroscepticisme. Et ça, par les temps qui courent..
Je vais juste rappeler quelques extraits du livre qui pourraient tout aussi bien s'appliquer à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, guerre réelle, mais non assumée en tant que telle. "Peu importe que la guerre soit réellement déclarée et, puisque aucune victoire décisive n’est possible, peu importe qu’elle soit victorieuse ou non. Tout ce qui est nécessaire, c’est que l’état de guerre existe. (...) Les deux buts du Parti sont de conquérir toute la surface de la terre et d’éteindre une fois pour toutes la possibilité d’une pensée indépendante." Nous assistons sidérés, sans mots, aux préparatifs spectaculaires de la Russie pour célébrer la "grande guerre patriotique", le 9 mai (qui accessoirement est la fête de l'Europe..) à Marioupol, ville détruite à 90% par les bombardements russes. Sur les décombres et sur le terrain d'où les cadavres ont été enlevés, flotte le drapeau russe. L'absurde est saisissant.
Théorie et pratique du collectivisme oligarchique, par Emmanuel Goldstein
Chapitre I L’Ignorance c’est la Force
[…]Tout citoyen, ou au moins tout citoyen assez important pour valoir la peine d’être surveillé, put être tenu vingt-quatre heures par jour sous les yeux de la police, dans le bruit de la propagande officielle, tandis que tous les autres moyens de communication étaient coupés. La possibilité d’imposer, non seulement une complète obéissance à la volonté de l’Etat, mais une complète uniformité d’opinion sur tous les sujets, existait pour la première fois.
Chapitre III La Guerre c’est la Paix
La division du monde en trois grands Etats principaux est un événement qui pouvait être et, en vérité, était prévu avant le milieu du vingtième siècle. Avant l’absorption de l’Europe par la Russie et de l’Empire britannique par les Etats-Unis, deux des trois puissances actuelles, l'Eurasia et l'Océania, étaient déjà définitivement constituées. La troisième, l'Estasia, n’émergea qu’unité distincte qu’après une autre décennie de luttes confuses. Les frontières entre les trois super-Etats sont, en quelques endroits, arbitraires. […] Groupés d’une façon ou d’une autre, ces trois super-Etats sont en guerre d’une façon permanente depuis vingt-cinq ans. […](…)L’hystérie guerrière est continue et universelle dans tous les pays, et le viol, le pillage, le meurtre d’enfants, la mise en esclavage des populations, les représailles contre les prisonniers qui vont même jusqu'à les faire bouillir ou à les enterrer vivants, sont considérés comme normaux. Commis par des partisans et non par l’ennemi, ce sont des actes méritoires.[…] L’acte essentiel de la guerre est la destruction, pas nécessairement de vies humaines, mais des produits du travail humain.[…] Peu importe que la guerre soit réellement déclarée et, puisque aucune victoire décisive n’est possible, peu importe qu’elle soit victorieuse ou non. Tout ce qui est nécessaire, c’est que l’état de guerre existe.[…] Les deux buts du Parti sont de conquérir toute la surface de la terre et d’éteindre une fois pour toutes la possibilité d’une pensée indépendante. » (George Orwell, 1984, Editions Gallimard, 1950)
1 commentaire
Ce que fait aujourd'hui la Russie en Ukraine, c'est exactement la politique de la terre brûlée, la destruction totale, ponts, usines, fermes.. Comme écrit Orwell : "L'acte essentiel de la guerre est la destruction, pas nécessairement de vies humaines, mais des produits du travail humain".
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