Le Mondial (10/07/2006)
"Cher Fr. Antonio, j'ai laissé hier soir un petit message sur le répondeur du secrétariat, à votre intention, avec mes félicitations pour l'Italie. J'ai aussi envoyé des sms chez moi, et aussi à Jolanda, mon amie italienne. Si la Roumanie avait joué (elle ne s'était pas qualifiée), je l'aurais soutenue, par élémentaire devoir patriotique, puisque je suis née Roumaine et non pas autre chose. Si la France avait joué contre l'Iran, par exemple, j'aurais soutenu la France. Mais, pour parler votre langage, dans mes sympathies il y a un peu de ceci: "nos coeurs sont rassasiés du mépris des orgueilleux"... Autrement dit, quand la coupe (des déboires) est pleine, vous ne pouvez partager la tristesse d'un pays où vous vous êtes fait écraser injustement. Je dis souvent que mes préférences vont vers certaines valeurs, et non pas vers des appartenances, et que lorsque je rencontre des personnes ou des structures qui les incarnent, je me réjouis qu'elles puissent toutefois exister. Après tout, c'est très honorable pour une équipe d'être arrivée en finale, quand elle pouvait tout aussi bien s'arrêter en quarts de finale. Ce qui est drôle, c'est que le hasard semble avoir pris un malin plaisir à l'emmener jusqu'en haut, pour la lâcher ensuite sous une forme inattendue. Non pas une simple défaite, mais une sortie dénuée d'élégance, et là, je suis d'accord que cela fait mal...
Néanmoins, cela arrive également, que des idoles se tirent une balle dans le pied à un moment donné, excédées peut-être d'elles-mêmes (un peu de psychanalyse, voyons!).
J'ai cueilli hier matin dans le jardin une petite rose rose, que j'avais mise dans l'eau dès que je suis rentrée à la maison, mais elle était accablée de chaleur et j'étais sûre qu'elle allait mourir comme ça, à moitié éclose. J'étais en train de suivre le match, mon affectivité concentrée dans un point, tel un exercice de yoga. Et une demi-heure avant la fin, je vois la petite rose dresser la tête, se mettre à s'ouvrir, lentement. Je ne savais plus quoi regarder: le petit écran ou la fleur... Lorsque Trézeguet s'est avancé pour tirer, j'ai vu qu'il allait rater...
C'est vrai, cela a été une question de hasard, de sort, comme observait le Président français.
Il m'est venu à l'esprit, brusquement, un lieu commun de la théorie du chaos: le battement d'aile d'un papillon qui peut causer ailleurs un tremblement de terre...
Je vous embrasse bien fort, à très bientôt, j'espère. Vous permettez que je poste le message sur mon blog (en gérant du mieux cette transparence)? Le genre épistolaire est un genre littéraire, en fin de compte...Carmen."
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