Statistiques personnelles (Emploi VI) (17/02/2006)

(d'autres notes sur l'emploi se trouvent dans les catégories Correspondance, Emploi, et aussi dans Actualité -"L'esprit américain", "La liberté d'entreprendre")

Mercredi soir, des amis qui devaient sortir avec leurs invités ont pensé à moi. Alors, après un Disney en DVD et quelques jeux, j'ai fait coucher les enfants et je me suis installée devant la télé pour profiter du Câble. J'ai zappé, et le hasard, malin quand il veut, m'a fait tomber sur 90 Minutes, pile sur un reportage qui parlait de l'Anpe et de la radiation des chômeurs. Je ne rêvais pas, une conseillère était bien en train d'expliquer le phénomène "de l'intérieur": de la pression pour "faire du stock", pour "nettoyer le fichier", ou carrément des demandes pour qu'un tel ou un tel "dégage"... Bien sûr que j'ai eu la chair de poule. En parallèle, le discours complètement différent d'un dirigeant sur le respect avec lequel ont traite les demandeurs d'emploi, etc, etc. Heureusement, tout n'est pas perdu, tant qu'il existe le politiquement correct sur lequel on peut s'appuyer, à la rigueur. Imaginons l'inverse...Du Orwell appliqué. Mais, par les temps qui courent, il vaut mieux pouvoir prouver sa recherche d'emploi, plutôt que sa bonne foi dans la recherche. Il y a peu d'emplois réels en France, et peu de créations aussi. Les chiffres l'attestent, même les plus arrondis. Il est difficile de mettre en rapport une offre et une candidature. D'où le nombre ouvert de candidatures spontanées, pour des emplois virtuels (cela existe, tout comme il existe de l'argent virtuel qui se ballade -je l'ai appris à un cours de comptabilité, il y a longtemps, la seule information qui me soit restée, d'ailleurs). Voici une journée de travail. 3 heures cumulées sur Internet dans des centres publics et non payants, avec visite des sites et envoi de 5 à 6 courriers contenant un CV en pièce jointe -cela au Cyber emploi, le seul endroit où je peux utiliser une disquette. Le reste de la journée consiste à faire du porte à porte ciblé (c'est-à-dire plus ou moins compatible) pour laisser un CV, et solliciter en retour un tampon dateur. Cette dernière démarche, malgré l'effort spécifique qu'elle me demande (contact direct, discours et persuasion en fonction de la personne que j'ai en face de moi), a en même temps l'effet paradoxal de me détendre. A condition que je parvienne à mettre entre parenthèses mes éventuels états d'âme, et que je me contente de déchiffrer comment les choses fonctionnent sur le terrain, ce qui en vaut la peine... En général, je rencontre une compréhension aimable, qui va parfois jusqu'à une certaine solidarité, du genre "on joue le jeu ensemble". Il m'est arrivé d'obtenir un tampon sans même laisser de CV ("Gardez-le, cela vous fera une copie de plus"), ou de me faire délivrer sur place une lettre de refus (une secrétaire s'est empressée de taper mon adresse sur une lettre prédéfinie). C'est là une complicité qui me rappelle des moments vécus ailleurs, à une autre époque...Je constate aussi que les femmes sont moins formelles, elles semblent comprendre au quart de tour. Les hommes ont l'air plutôt guindé, se prennent au sérieux, et souvent ils poussent la logique assez loin: "Nous n'avons pas de poste, nous ne pouvons pas prendre votre CV"(!). Tous n'ont pas encore intégré la formule "...toutefois, nous conservons votre dossier dans l'espoir de vous contacter ultérieurement si un poste correspondant à votre profil et susceptible de vous intéresser (!!) se présentait...etc, etc".

Dans la France des années 1600, un certain Charles Perrault (qui avait des fonctions dans l'appareil d'état, il était une sorte de ministre de la culture) écrivait cette moralité dans son Cendrillon:
"C'est sans doute un grand avantage,/D'avoir de l'esprit, du courage,/De la naissance, du bon sens,/ Et d'autres semblables talents,/ Qu'on reçoit du Ciel en partage;/ Mais vous aurez beau les avoir,/ Pour votre avancement ce seront choses vaines,/ Si vous n'avez, pour les faire valoir,/ Ou des parrains ou des marraines."

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