Article sur l'origine des Roumains paru dans la revue "Origini-Romanian Roots", Georgia, US (26/04/2004)

 
L'article répond au thème proposé par la revue: "Sommes-nous ou non les descendants des Romains?". Il a été traduit du roumain, avec l'accord de son auteur. Celui-ci peut être éventuellement contacté en roumain ou en anglais à l'adresse e-mail:athos60@yahoo.com 
 
 
 
"Prouvons que nous sommes les descendants des Romains!
 
de IOAN BOZAC,
Cluj-Napoca, Roumanie
 
Je crois que le thème choisi par la revue pour ce numéro ne se réfère pas à un éventuel doute concernant notre descendance des Romains (doute qui n'a d'ailleurs aucune raison objective d'être, sauf dans quelques esprits partisans), mais à la manière dont nous pouvons montrer que nous sommes dignes de nos glorieux ancêtres.
 
On sait que Rome a été le centre de la plus avancée civilisation de cette lointaine époque, du moins de ce point de vue européen-occidental qui fait notre conscience commune (je fais cette précision en pensant aux Chinois, par exemple, dans les conditions actuelles d'un renforcement de toutes les formes de culture et de civilisation).
En assimilant ce que les Grecs avaient eu de meilleur, sans pour autant s'élever à leur hauteur sur le plan culturel, et en ayant la mentalité des conquérants, avec l'esprit d'organisation, le sérieux et la discipline en plus, les Romains ont réussi à imposer leur propre système sur un territoire immense, initialement par la force, ultérieurement par l'attraction de la population vers des conditions de vie supérieures.
 
Nous, les Roumains, nous représentons une illustration des plus intéressantes et en même temps unique sous bien des aspects du processus de romanisation. Le nom que nous avons choisi pour nous désigner montre que notre descendance n'était pas à démontrer, elle allait de soi, d'autant plus qu'il est à rapprocher de "ruman", c'est-à-dire "homme simple".
Malgré cela, en nous voyant nous-mêmes comme pays et comme peuple plus petits qu'en réalité, nous avons toujours laissé la porte ouverte à certaines polémiques.
 
Lorsque j'ai décidé de répondre à ce sujet (tout en ayant la position de quelqu'un qui n'est pas un spécialiste du domaine), je pensais schématiquement, à savoir je voulais reprendre des arguments très connus, surtout archéologiques, en m'appuyant sur les théories les plus retenues. Mais, après quelques recherches infructueuses sur la documentation classique, je me suis tourné vers internet.
Et c'est là que j'ai réalisé à quel point les débats autour de notre romanisation et de notre continuité sur le territoire de la Transylvanie étaient restés tot aussi partisans qu'hier.
 
Malheureusement pour les Roumains, les thèses de l'anti-continuité sont plus accessibles, puisque exposées dans la langue qui a la plus grande circulation. Le bon côté des choses est que des historiens neutres (que j'ai consultés pour avoir un point de vue objectif) nous soutiennent pour convaincre le monde de notre descendance romaine et de notre permanence sur ce territoire. Et quand cela vient de la part des Anglais, dont la probité est bien connue, c'est réconfortant.
 
Dans ce sens, on peut citer un exemple: la politique de leur propre pays n'a pas été favorable aux deux unions des principautés roumaines (celle de 1859 et celle de 1918), mais même pas dix ans après 1859, à Londres apparaissait l'ouvrage "Roumania-Past and Present" (à remarquer l'orthographe) de James Samuelson. Ils se sont maintenus sur cette ligne depuis le célèbre Arnold J. Toynbee jusqu'à nos jours. L'article le plus récent que j'ai trouvé appartient à Keith Hitchins, dans "English Historical Review", et date de Février 2000. Il montre la réserve de son auteur à l'égard des idées apparentées aux thèses de Roesler que développe André du Nay (s'agirait-il d'un descendant de Carol Robert d'Anjou, c'est-à-dire de souche française et dévoué à la Grande Hongrie?).
 
J'ai insisté sur les Anglais parce qu'il me semblait plus normal que nous soyons soutenus par les Français-nos frères de sang- et par les Américains, sans lesquels je crois que la Grande Roumanie de 1918 aurait été difficilement réalisable. J'ai rencontré récemment une illustration de cette association dans la revue "Clipa" qui apparaît en Californie (no.600/15 Mai 2003). Dans cet article, Dr. George Duma présente le livre d'Alain Ruzvé "Les Latins des Carpathes".
Je vais continuer le fil de mes pensées à partir de ce titre même, et au lieu d'une dissertation documentée, ce sera une sorte d'essai, peut-être suggestif.
 
L'existence des Latins des Carpathes, à grande distance des autres peuples latins d'Europe et îlot parmi les descendants des migrateurs, n'est plus à démontrer. Il me semble aussi que la théorie du transfert massif de population n'est pas digne d'être prise en compte (à savoir la migration vers le Sud du Danube après le retrait d'Aurélien, et le retour du peuple roumain, déjà formé, éventuellement des Illyriens).
 
C'est une théorie à laquelle les historiens de la famille Giurescu ont déjà répondu ("L'Histoire des Roumains", Bucarest, 1976). Est-ce qu'on a jamais émis l'hypothèse de la migration des Gaulois au-delà des Pyrénées et de leur retour sur l'actuel territoire de la France après que les Francs, peuple germanique l'eurent occupé? Le problème des Roumains et des Hongrois reviendrait  à peu près à cela.
 
Il est étonnant que l'on omette souvent des aspects qui relèvent de la logique élémentaire, par exemple le fait que la Dacie romaine intégrait aussi l'Olténie -sur laquelle on ne formule pas d'objections. Les territoires qui avaient formé la Dacie après Trajan -la Transylvanie proprement-dite, entre les Carpathes, le Banat et l'Olténie- représentent plus de 14-20% de la Roumanie d'aujourd'hui.
Il est aussi surprenant qu lorsqu'on parle de la romanisation et de la continuité on oublie la Dobroudja. Il est vrai qu'elle ne faisait pas partie de la Dacie, mais elle est roumaine et elle était habitée par les Daces, ainsi qu'Ovide l'avait fait connaître au monde entier, même s'il les appelle "les Gètes", comme les Grecs aussi, en commençant par Hérodot, avaient l'habitude de les appeler. Cela est explicable, car l'aristocratie romaine considérait qu'il était distingué d'utiliser le grec en littérature.
 
Je reviens à "L'Histoire des Roumains" de Constantin C. Giurescu et Dinu Giurescu pour exprimer le regret que les auteurs ne soient pas parvenus à imposer l'appellation "Dacia Pontica" parallèlement à la "Scythia Minor" pour la Dobroudja roumaine (j'inclus ici aussi les descendants d'Orient, les Byzantins).
Nous devrions être plus fiers du fait que le territoire baigné par le Danube et la Mer Noire a accueilli le christianisme extrêmement tôt, dans la personne de l'Apôtre André, celui qui, avec son frère Philippe a été l'un des premies disciples de Jésus.
J'ajoute que c'est toujours le christianisme qui offre les preuves archéologiques -et ces preuves sont d'autant plus estimables dans une époque aussi matérialiste que la nôtre.
Sur la page Web du Ministère de la Culture on lit que l'on a trouvé des reliques chrétiennes antérieures au IIIe siècle même en Moldavie, qui était habitée à cette période par les Daces libres. D'ailleurs, je vois tous les jours dans ma ville (Cluj Napoca) les vestiges de plusieurs nécropoles datant du IVe siècle, époque où, d'après certains, toute la population de ce territoire s'était retirée.
 
Les historiens tendancieux soutiennent qu'entre le retrait officiel des Romains au Sud du Danube et l'arrivée des Hongrois en Transylvanie, il n'existe que les traces des peuples migrateurs. On oublie volontairement que Arpad, celui qui a mené son peuple vers la Plaine Pannonienne (895) est devenu après le gendre de Ménoumorouth, le Prince de Bihor.
Or, je crois que les Roumains étaient déjà formés comme peuple du moment qu'ils se sont retirés sans résistance devant les migrateurs.
C'est une situation analogue à celle de 1940, toute proportion gardée.
 
Un tel scénario n'est plus possible dans la conjoncture actuelle, nous sentons que nous avons une protection de l'autre côté de l'Atlantique, et cela non seulement par notre récente adhésion à l'OTAN.
Nous devons montrer que nous le méritons, en honorant une descendance de deux grands peuples. Le peuple autochtone, depuis Burebista a été un facteur de puissance reconnu et il n'est pas étonnant que seul Trajan (général austère, qui a réussi à transformer le petit village au pied des sept collines en un grand pouvoir) ait pu conquérir la Dacie.
Nous devrions être fiers que nos ancêtres aient finalement capitulé (et cela seulement après une basse trahison) devant celui qui est considéré comme étant le plus grand empereur romain, pour avoir élargi  l'Empire au maximum."
 

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