La culture nationale
15/01/2023
(Mes photos- Des jacinthes de Nice, en souvenir de mon frère)
En Roumanie, le 15 janvier est le Jour de la culture nationale, c’est le jour de naissance du poète Mihai Eminescu (15 janvier 1850). J’ai cherché dans les Archives de ce blog et j’ai retrouvé trois notes à ce sujet, et avec lesquelles je suis toujours d’accord, donc je les résume.
Selon la formule consacrée, Eminescu est un poète national et universel. National, il l’est sans l’ombre d’un doute, mais son universalité réside dans les thèmes de ses poèmes (l’amour, la nature, l’histoire, le devenir), plutôt que dans une notoriété au-delà des frontières culturelles de la Roumanie. La vérité est que très peu de traductions valables ont pu le faire connaître, et seulement dans deux-trois langues de large circulation. Il faut remarquer que la littérature roumaine est quasiment une inconnue dans le patrimoine universel. C'est le destin d'une langue confinée dans un espace entre l'Occident et l'Orient, et parlée uniquement par son peuple, lequel, à travers son histoire, a été préoccupé par se défendre, survivre, se débrouiller, imiter. Chercher un site sur Eminescu pour lire, en traduction, ses poèmes, je ne le conseille pas. J'ai vu quelques sites qui avaient massacré les poésies, vraiment. Aucun service rendu à l'esprit du poète, bien au contraire. On ne peut s'improviser traducteur de poésie, il faut connaître, dans une égale mesure, la langue source et la langue cible. L'amour ne justifie pas tout.
Alors, affirmer que « le grand poète Eminescu est traduit dans toutes les langues » est, encore une fois, l’un des nombreux rêves de grandeur typiquement roumains, assez loin de la réalité. Comme on le sait bien, on ne traduit pas la poésie, mais on la transpose, et cela parce que la métaphore est liée aux règles sémantiques de profondeur propres à l’esprit de chaque langue, à sa philosophie, c’est-à-dire à sa perception et à sa vision d’elle-même et du monde. C’est la vision qu’une langue exprime qui lui donnera accès à l’universalité. Vouloir, ce n’est pas toujours pouvoir. Dans ma bibliothèque à Nice, j’ai un recueil de poésies d’Eminescu, dans une édition scolaire du temps de mes études (ou de celles de mon fils), apportée de Roumanie, et un billet de banque de 1000, avec le portrait du poète, et qui n’est plus valide. Je les expose sur le bureau, ma façon de marquer le jour.
En janvier 2009, j’ai fait un voyage de quelques jours en Roumanie. Je suis tombée au moment de la célébration des 159 ans de la naissance du poète national, mais aussi d'un scandale qui agitait la classe politique roumaine, plus exactement les clans politiques. J'ai également pu suivre en direct la transmission de la cérémonie d'investiture du président américain, et j'ai parlé au téléphone avec mon fils pour lui dire surtout de rester là où il se trouvait, c'est-à-dire aux States, car la Roumanie serait la même, sinon pire, dans cinquante ans. Il existe une vérité qui crève les yeux, en 2023 la même qu’en 1880, quand le poète écrivait ses articles de journal. Ce quelque chose est profondément enraciné chez nos dirigeants et chez nos politiques, appelons-le comme vous voulez : imposture, mauvaise foi, opportunisme, corruption, etc. « Le mal essentiel qui ronge la vitalité de notre peuple, c’est la démagogie », écrivait Eminescu. Plus actuel que jamais.
Souvenons-nous aussi : « Pour qu’une nation compte, il faut que la moyenne en soit bonne. Ce qu’on appelle civilisation ou simplement société n’est rien d’autre que la qualité excellente des médiocres qui la composent. » (E.M. Cioran, Ecartèlement)
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