Qui a le pouvoir?
15/03/2021
(Mes photos- Des fleurs moins ordinaires)
J’ai lu un petit texte de Monsieur Andrei Caramitru (Facebook, le 28 février), un texte qui résume en termes simples (Facebook n’est pas vraiment le lieu où vous publiez les conclusions d'une Thèse...) le type de mécanisme qu’il faudrait connaître « si l’on veut comprendre ce qu'il se passe dans un pays, pourquoi des décisions qui semblent absolument logiques, ou que la société demande, ne sont pas prises. A savoir, comprendre QUI est important et QUI ne l’est pas, QUI est l’élite qui décide finalement.
En Roumanie, ceux qui ont le pouvoir ne sont ni les citoyens, ni les multinationales, ni le milieu d’affaires, ni le Président, ni le Premier ministre, ni les partis politiques. Le pouvoir est chez les fonctionnaires publics et les structures de forces intérieures (le Ministère de l’Intérieur, les Services spécialisés de renseignements, les magistrats). Cela est visible dans la manière dont est réparti le budget : des pensions spéciales, des salaires énormes et des augmentations vont vers ces secteurs. Personne ne peut les diminuer, malgré toutes les tentatives. Nous pouvons voter pour qui nous voulons, nous pouvons nous révolter, aucun résultat. Ce sont eux qui ont le pouvoir. Attention, ils ne sont pas contrôlés par les partis politiques, c’est l’inverse - ce sont eux qui les contrôlent. Le milieu d’affaires n’est pas pertinent non plus, les multinationales ont beau vociférer, elles n’ont aucune influence. L’unique chance pour une vraie réforme, c’est une pression venue de l’extérieur de la part des centres de pouvoir plus grands: les Etats-Unis, l’Union européenne et les marchés financiers (si l’on n’obtient plus de fonds, nous sommes menacés de faillite). Nous pouvons être très vocaux sur les réseaux, le Premier ministre Cîtu peut dire ce qu’il veut, c’est inutile.
Aux Etats-Unis, tout est différent. Ce sont les grands business qui ont le pouvoir. Ils sont nombreux, et surtout ils ne sont pas ossifiés comme en Europe - il y a 20 ans, les plus grandes firmes étaient dans l’industrie et dans le pétrole et le gaz. Aujourd'hui, ce sont les Big Tech qui comptent, ce sont eux qui décident, rapidement et brutalement, de la stratégie. Voilà pourquoi le modèle économique des Etats-Unis a le plus de succès. C’est un capitalisme dur, la décision appartient en fait aux business, ceux-ci doivent être rentables, avoir une capacité constante d’innovation, être compétitifs et s’assurer que les règles du jeu et la puissance des Etats-Unis sont bien là.
En Europe de l’Ouest, c’est encore autre chose: le pouvoir se trouve dans la combinaison de la bureaucratie d’Etat et d'un certain nombre de grandes compagnies anciennes, fondées entre 1900 et 1950. Il n’y a pas de place pour la croissance de nouvelles compagnies en Europe, les anciennes n’y voient aucun intérêt, elles ne veulent pas d’une évolution constante comme aux Etats-Unis, car elles y perdraient. En Allemagne, par exemple, le pouvoir est chez les grandes compagnies automobiles, ce qui explique le manque de fermeté à l’égard de la Chine ou de la Russie. Ceux qui détiennent le pouvoir réel (les familles qui contrôlent Daimler/BMW/VW) ne veulent pas perdre une bonne partie du business. En France et en Italie, où le pouvoir de la bureaucratie est immense, le business ne compte pas beaucoup, ce qui fait que toute réforme, même minime, est impossible. D'où une stagnation totale là-bas.
En Roumanie, l’évolution est et sera lente, les réformes plus dures ne pourront être faites que lorsque il n’y aura plus d’argent. En général, évitez donc de vous faire trop d’illusions, la révolte sur Facebook ou le vote ne changeront strictement rien (certes, on peut toujours voter pour limiter un peu leur pouvoir, ou pour garder la situation comme elle est). Il vaut mieux comprendre comment le monde fonctionne, prendre des décisions individuelles intelligentes, et essayer de trouver de la joie dans la vie de tous les jours. C’est tout. »
Bien évidemment, pour moi, qui connais par expérience directe la Roumanie et la France, et par expérience indirecte (mon fils) les Etats-Unis, cette caractérisation est tout à fait exacte.
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