Les oraisons funèbres
04/12/2016
Pour le jour des funérailles de Castro je vais transposer quelques extraits de l’article publié ce matin sur le site roumain In linie dreapta. C’est une manière d’exprimer ma colère personnelle envers l’aveuglement moral et l'hypocrisie, aussi bien par le choix de cet article, que par la rédaction de la note: pas d'image, pas de noms en caractères gras. Le minimum que je puisse faire.
Fidel Castro est mort. « La dernière grande figure politique du XXe siècle », a déclaré la gauche planétaire par la bouche de présidents d’Etats, de premiers ministres, d’écrivains, de footballeurs, d’idéalistes pas encore guéris ou inguérissables malgré la centaine de millions de morts sacrifiés sur l’autel du communisme au XXe siècle après J-C. « Le dernier grand tyran du XXe siècle est mort », c’est ce qui aurait dû être marqué sur tous les murs du monde libre. Au lieu de cela, aux hommages de Kim-Jong-un (Fidel Castro a été « un ami vrai et loyal »), de Poutine (Fidel « était un ami sincère et dévoué de la Russie »), de Xi Jinping (« le camarade Castro vivra éternellement »), se sont ajoutés ceux d’Obama (« l’Histoire va juger son énorme impact »), de Jean-Claude Juncker (« le monde a perdu un homme qui était un héros pour un grand nombre de gens »), ou de Justin Trudeau (« les Canadiens s’associent au peuple cubain dans son deuil après la mort d’un leader remarquable »). La gauche française a appelé les parisiens samedi soir à un meeting de deuil et de recueillement. […]
Voilà comment se rassemblent tous ceux dont la fièvre et le fanatisme ont été nourris par Castro, et qui en échange, ont entretenu la légende du révolutionnaire romantique assoiffé de liberté! Ils oublient, bien sûr, le gouffre qui sépare le romantisme révolutionnaire au nom duquel on choisissait d’aller n’importe où dans le monde pour mourir en défendant la cause de la liberté (le cas de Byron), de celui du XXe siècle au nom duquel on va tuer quelques milliers de citoyens, pour ensuite rester au pouvoir un demi-siècle et transformer le pays en une vaste prison. Quelles époques romantiques que celles de Lénine, Staline, Mao, Pol Pot! La réalité la plus atroce n’a pu abolir l’idéal, lequel a survécu et survit à toutes les montagnes de cadavres. […]
Quel terrible sophisme justifiant des crimes que « les bienfaits » du tyran ! Castro, disait Justin Trudeau dans son hommage du samedi dernier, a mis au point un remarquable système d’éducation et un tout aussi remarquable système de santé. Ban Ki-moon insiste sur les mêmes performances : « Sous la présidence de Castro, Cuba a fait des progrès importants dans les domaines de l’éducation, de l’alphabétisation et de la santé ». On se demande quelle éducation quand tout n’est qu’idéologie et culte de la personnalité, et quel système de santé dans un pays complètement pauvre. Comme observe un internaute : Et si on disait qu’Hitler a fait des usines et des autoroutes ? Quelle importance s’il a son actif les camps de la mort ? […]
J’inviterais tous les admirateurs de ces criminels bienfaiteurs à se mettre, pour une seconde, à la place de ceux qui ont été tués ou torturés du fait de la gesticulation révolutionnaire de leur idole (mais je sais bien qu’ils manquent d’imagination empathique). Se mettre à la place de tous ceux qui ont passé des dizaines d’années en prison, de leurs familles détruites, de ceux qui ont vécu leur vie (49 ans!) sous l’arbitrage d’un fanatique vaniteux. J’inviterais d'abord Maradona (celui qui s’est fait tatouer le visage de Castro sur la jambe) et le prix Nobel Garcia Marquez à se livrer à cet exercice d’imagination: goûter quotidiennement la douceur de vivre sous « le héros légendaire », sous « ce leader plus grand que la vie » (« Fidel Castro was a larger than life leader who served his people for almost half a century »), « un révolutionnaire et un orateur exemplaire », comme le présentait le premier ministre canadien. J’imagine Trudeau enfermé dans une pièce et obligé à écouter sur un CD pendant 7 heures l’un des discours mémorables de Castro. Pourquoi tous ces fans ne crient-ils pas leur enthousiasme du fond de l’une des fosses communes que l’Histoire met au jour périodiquement et qui témoignent du règne de leurs idoles? Ils ont applaudi leur héro (et maintenant ils le pleurent) du cœur du 6 e arrondissement parisien, ou de la rédaction confortable de l’un des journaux « progressistes » du monde. Il est étrange de voir dans toutes ces oraisons funèbres comment les grands criminels du monde, une fois qu’ils ont quitté l’espace quotidien pour entrer dans celui de l’Histoire, cessent d’être « des criminels ordinaires ». Ils deviennent des héros. Ils ne tuent pas n’importe comment mais au nom d’un idéal et d’une idéologie. Et quand on a un idéal et une idéologie, on peut tuer autant que l’on veut. On peut être décoré et, sûrement, avoir sa statue. C’est ainsi que nous avons les criminels-héros du XXe siècle. Car c’est exactement cela, le XXe siècle que nous venons de laisser derrière nous est le siècle des criminels-héros. Castro est le dernier. […]
Dans le livre intitulé « Une idée qui nous fait tourner la tête », HRP écrit :
« En invoquant le caractère prétendument modernisateur du communisme ou de ses idées prétendument généreuses, ou d’un supposé bilan positif de ses réalisations sociales, un grand nombre de progressistes, peut-être animés de bonnes intentions, préfèrent oublier que les régimes communistes ont tué cent millions de gens, en l’espace de deux générations : cela reviendrait à 450 personnes par jour, à savoir 190 morts par heure, à savoir 3 personnes réduites à l’état de cadavre chaque minute –et pas qu’une fois, mais minute par minute, heure par heure, jour par jour, pendant 60 ans sans interruption. Pouvez-vous imaginer une aussi monstrueuse montagne de cadavres ? Certains progressistes, il faut le reconnaître, ne peuvent nier l’existence de cette montagne de cadavres. Néanmoins, s’ils souffrent du même aveuglement moral, ils ont tendance à soutenir que, quand même -et ce « quand même » me glace – les victimes du communisme sont ces victimes collatérales d’une modernisation nécessaire qui autrement, vu le niveau arriéré des sociétés pré-communistes, n’aurait pas pu être accomplie. C’est-à-dire, cent millions de victimes afin que le PIB augmente de quelques chiffres: des victimes collatérales et non intentionnelles mais nécessaires à ce progrès. Il faut rejeter cette vision comme étant moralement inacceptable. »
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