Le populisme, toujours...
19/01/2014
Update 26. Concernant le récent accident dans les montagnes Apuseni, en Roumanie, qui a enflammé l'opinion, voici un article paru dans le Washington Post (washingtonpost.com) signalé par la presse roumaine: "Small plane crash in Romania unleashes public ire", 23 January. L'article [couvert par les droits d'auteur] remarque que la Roumanie, pays de 19 millions d'habitants et sans ennemis externes, possède 7 services de renseignement, y compris les principales agences d'espionnage interne et externe. Le gouvernement n'a pas été capable d'utiliser sa dotation technologique la plus récente pour localiser et sauver les victimes du crash, en revanche il investit lourdement dans la surveillance.
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(De mes photos: ghost led keyring)
Que peut-on lire de notable dans la presse roumaine des dernières semaines? A part les informations qui reprennent les informations présentes dans les quotidiens du monde entier, il y a celles qui sont purement nationales, mais pas d'intérêt uniquement national..Je retiens l'acquittement de l'ex-dirigeant de la Société Nationale des Chemins de Fer (Cai Ferate), Necolaiciuc, accusé de fraude et extradé des US pour pouvoir être jugé dans son pays, ainsi que la nouvelle condamnation de l'ancien premier ministre Adrian Nastase (éventuel rappel ici, premier paragraphe). Ces deux dernières décisions de justice ont polarisé de nouveau les opinions, mais comme je ne suis pas capable de m'orienter dans les intérêts qui les sous-tendent, je remarquerai seulement que l'une des affaires a été médiatisée plus discrètement que l'autre.. Un événement intéressant: la visite de l'adjointe de la diplomatie américaine, Victoria Nuland. La diplomate observe qu'il est inquiétant que la justice en Roumanie soit attaquée, elle dit aussi qu'elle a été informée des éventuelles solutions d'avenir, mais qu'elle ne perçoit pas clairement la trajectoire que se propose le gouvernement roumain [nous non plus..], et qu'elle considère qu'il est important d'avoir un large débat ouvert et sincère sur la transparence de l'Etat de droit. Enfin, elle dit ne voir qu'un pur hasard dans le fait d'être arrivée en Roumanie à un moment où le premier ministre roumain "avait d'autres obligations"..C'est un peu hallucinant, ou surréaliste, comme vous voulez, car le premier ministre avait effectivement disparu, et pendant quelques jours, la presse ne faisait que parier, avec plus ou moins d'humour, sur les supposées obligations du chef du gouvernement.. Jusqu'à ce que le conseiller du premier ministre lâche cette phrase d'une dignité remarquable, "la Roumanie n'est pas une colonie USA". Et toc. Néanmoins, ces dirigeants (élus, hélas...) qui s'expriment au nom de toute la nation, n'ont jamais fait la moindre expérience de l'expatrié roumain, en tant qu'individu, par exemple . En tout cas, je ne vois pas pourquoi l'officiel roumain s'exprimerait comme le chef d'un Etat africain..Et je tombe sur ces passages dans un récent article publié dans RL, sur les effets du populisme (et le règne de la barbarie) dans une Roumanie actuelle qui semble s'éloigner toujours plus de ce à quoi elle devrait prétendre:
"Les peuples ont des ressources illimitées de ressentiment, de haine et de violence. Il suffirait de gratter le mince vernis de civilisation qui recouvre la vie d'un peuple, pour y trouver le pire et pour réveiller les démons sommeillant aux profondeurs de chaque nation. Les hommes ne sont pas bons "par nature", on le sait depuis longtemps, et les peuples sont encore plus mauvais. Rappelons la leçon du XXe avec ses horreurs nazies, communistes, et reconfirmée au début du XXIe par les horreurs islamistes. Donnez au peuple des raisons apparentes, fausses, irrationnelles, peu importe, mais qui justifient la haine contre autrui, et accompagnez-les d'un divertissement grossier, bon marché et vulgaire -et voilà une recette sûre que vous aurez à votre disposition non pas un peuple, mais une masse hilare et inconsciente, prête à tout moment à se livrer, le sourire aux lèvres, à des atrocités, et cela sans aucun remords. Grattez un peu l'orgueil, l'ignorance, la frustration et les complexes nationaux, et vous aurez des exécutions sur la place publique, sous les acclamations de la foule, et des génocides commis avec innocence, des pogroms et parfois un Holocaust..
C'est le populisme violent et l'ignorance qui ont tué les démocraties anciennes, et c'est pourquoi les pères du libéralisme classique ont conçu les droits de l'homme, la liberté individuelle, la démocratie moderne, l'Etat de droit, la séparation des pouvoirs, le système de "checks and balances", afin de défendre l'individu contre le peuple, et le peuple contre soi-même. C'est là l'expression la plus haute de la civilisation humaine. Enlevez ce bouclier et vous découvrirez un monstre assoiffé de sang. Sans ce bouclier, de grandes cultures comme l'Allemagne, la Russie, le Japon, la Chine ont été victimes de la barbarie et ont commis les plus affreux crimes de l'histoire. La Roumanie a connu, elle aussi, des épisodes dans lesquels la haine du peuple déchaîné a produit d'horribles crimes (l'Holocaust en est un, insuffisamment connu et assumé, la chasse communiste, en est un autre). Nulle part en Europe de l'Est n'a existé une expérience plus déshumanisante que "le phénomène Pitesti", et nulle part en Europe de l'Est les valeurs authentiques n'ont été plus méprisées qu'à partir des années '50, pour finir avec l'arrivée en masse des mineurs (mineriada) dans les années '90, quand les cibles de la chasse populaire étaient les intellectuels et Corneliu Coposu. Si vous n'avez pas vu le film de Stere Gulea sur la Place de l'Université, il y a là une scène célèbre où une dame reçoit les bataillons de mineurs avec des bouquets de fleurs et des larmes d'émotion et de reconnaissance..C'est là le meilleur exemple de déshumanisation du peuple, et l'expression la plus claire de la malédiction que nous portons depuis près de 25 ans. On n'a aucun doute, la dame en question aurait applaudi avec la même gratitude innocente les atrocités commises par les mineurs ou un éventuel lynchage au milieu de la Place de l'Université -et c'est dans cette "Roumanie profonde" et obscure que gisent ses illimités ressources de haine et de barbarie (...)
Lorsque vous entendez (...) et d'autres personnages attaquer les juges, les procureurs anti-corruption (...), ce qu'ils font, en définitive, c'est transférer la haine canalisée longuement contre la personne du président actuel vers la justice et les institutions de l'Etat de droit, qui sont d'ailleurs, les seules à garantir la civilisation et les libertés des Roumains. Et lorsque vous les entendez attaquer l'UE et les USA, l'espace de la civilisation occidentale, le but est le même: exacerber systématiquement la barbarie. "
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