L'Avocat du diable / les petits riens
05/01/2011
Chaque journée qui commence vous noie dans un flot d'informations diverses, vous les lisez, les entendez ou les enregistrez simplement au niveau subliminal. Vous en sélectionnez quelques unes et leur accordez une minute ou plus de réflexion.
Finalement, chacun les traite en fonction de sa propre échelle, plus ou moins, tous conditionnements compris.
On peut remarquer que le désastre, l'horreur, l'abominable ne suscitent pas partout une réaction unanime de rejet, c'est ce qui permet peut-être au "mysterium tremendum" de perdurer sous des apparences rationnelles et justifiables -idéologiques, religieuses, politiques.
Néanmoins, on dit que le diable n'est pas que dans l'extrême, mais aussi dans les petits détails, qu'il adore, parce que bien plus difficiles. Quoi de plus difficile qu'un rien discret, presque invisible, et surtout intérprétable à mourir (pardon, à diviser), et qui met en route l'engrenage? En voici quelques riens interprétables.
D'abord, cette affiche (la photo) que mon cerveau a enregistrée automatiquement à un étage inférieur avant de transmettre l'info plus haut. Une affiche en roumain, dans une rue commerçante de Nice: "Trimite bani in Romania", "Alegerea e in mainile tale" ("Envoyez votre argent en Roumanie", "Le choix vous appartient"). Et qu'est-ce qui vous dérange, chère Madame, dans ce type de marketing? (j'oubliais, le diable aime également la courtoisie, les formes et s'amuse bien avec des exercices de logique..). Le roumain est l'une des 27 langues de l'UE, au même titre que l'anglais, alors, vous ne tiquez pas quand vous voyez une pub en anglais, n'est-ce pas ? Non, seulement la pub sur la photo cible ouvertement une catégorie: s'il s'agissait des Roumains travaillant en France, elle serait en français, or elle s'adresse à ceux qui ne connaissent pas le français et ont de l'argent à envoyer en Roumanie. J'entre pour me renseigner, avant d'aller sur le site Internet. On me rassure que c'est très sécurisé, et je constate surtout que c'est très simplifié.. Oui, bien sûr, on a une multitudes d'agences correspondantes en Roumanie..Et là, c'est encore plus cohérent, car les agences respectives sont pour la plupart dans des banques privées (dont l'une appartient évidemment à un milliardaire roumain vivant sur la Côte, sur le fameux rocher, j'aurais parié...). Et alors, cela prouve quoi, sinon le dynamisme économico-financier? Je ne sais pas, mais je me souviens aussi qu'il y a deux sources d'argent qui participent bien au PIB de la Roumanie: les envois/transferts faits par les expatriés, et le trafic de personnes (première place dans l'UE).
Deuxième petit rien. Un quotidien roumain cite un quotidien norvégien ("Aftenposten") qui à son tour cite les notes diplomatiques obtenues par WikiLeaks à propos de la rivalité franco-allemande dans le domaine des satellites espions: la France serait championne dans l'espionnage industriel en Europe, "l'Empire du Mal" pour ce qui est du vol des technologies..Et alors, cela doit être dans le cadre de l'étroite coopération franco-allemande.. D'ailleurs, je vous rappelle que récemment les deux pays ont adressé une lettre officelle à la CE en argumentant leur opposition à l'entrée de la Roumanie dans l'espace Schengen ("espace de liberté, de sécurité et de justice"). Mais, OK, rien à dire!
Troisième petit rien. Un jeu de mots en roumain (intraduisible en fait, c'est juste la lettre "t" qui fait la différence) dans l'article qui parle de la Cathédrale de la Rédemption/de la Manipulation du peuple. "Le Monde" publie également un article avec le titre "Soutenue par l'Etat, l'Eglise roumaine ne connait pas la crise". Puisqu'il est payant maintenant, je résume de quoi ça parle: une méga construction, 38.000m2, 100m de hauteur, 12 ascenseurs, capacité d'accueil 125.000 fidèles, etc.. Grandiose...C'est ce qui peut arriver de mieux à ce peuple pour qu'il retrouve ses valeurs, son identité..
Quatrième petit rien. Apparemment, la moitié des médicaments sur le marché en France seraient inutiles, puisque inefficaces. En général, on ne l'ignore pas, mais les pressions économiques, financières, ou liées à l'emploi pèsent davantage. Cela semble faire partie de ces aspects quotidiens qui ne choquent plus, comme la dépression, qui est un marché florissant, comme l'aspartame, qui disparu des yaourts est entré dans les génériques..
P-S. En suivant la première revue de presse de ce matin, sur F2, j'ai failli renverser mon café à la vue du titre qu'affichait un quotidien, en citant le laboratoire qui fabrique le médicament récemment retiré du marché: "Le Médiator, ce n'est que trois morts" (on parle de quelques centaines ou davantage). Je suis certaine que ce Monsieur respectable n'a pas voulu être cynique, il a juste été sincère, c'est ça le problème...Une manière courante de raisonner, la logique exponentielle des affaires. Oui, vous avez bien compris, si, par exemple, 4000 Chinois sont morts, c'est négligeable par rapport à plus d'un milliard...
Les exemples sont infinis, à portée de réflexion, pour ainsi dire, ne demandant que plus d'attention pour plus d'action. Le diable aurait quelque chose à voir avec le libre-arbitre, non? "Le choix vous appartient".
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