Les barons locaux et les autres
13/06/2004
En bas de mon immeuble à Nice, une femme reste assise sur le pavé toute la journée. Elle tend aux passants un gobelet pour recueillir quelques cents, en accompagnant son geste de mots incompréhensibles, dans une autre langue et en dodelinant de la tête au rythme de ses paroles suppliantes.
Elle est Roumaine, elle a laissé dans une ville de Transilvanie cinq enfants et un mari malade qui travaille à la journée au champ. Elle leur envoie toutes les trois semaines environ 150 euros, l'équivalent des 8 euros par jour ramassés par cette mendicité. Elle a des dettes à rembourser auprès des usuriers qui lui avaient prêté de l'argent pour ce voyage (il existe en Roumanie un système parallèle de prêt et de récupération des dettes très huilé et impitoyable). Ils sont nombreux à mendier comme elle, des femmes pour la plupart. Ils font l'aller-retour Nice-Bucarest avec la ligne Intercars -un trajet qui dure deux jours- et une fois arrivés ici, ils se dispersent dans le Centre ville, devant les entrées des immeubles et des magasins.
Si quelqu'un les chasse, on les retrouve quelques mètres plus loin. La nuit, ils dorment dans un parc où le Samu social leur distribue souvent du café chaud, de la soupe.
Toute précision d'ordre ethnique est inutile, puisqu'ils sont citoyens roumains, tout aussi roumains que les barons locaux des départements d'où ils viennent. Leur misère est directement proportionnelle à la prospérité de ces derniers.
Il m'arrive d'imaginer le comble de l'absurde: que la mafia roumaine aux cols plus ou moins blancs cotise pour la création du Centre de formation pour la lutte anti-fraude dont je formule le projet depuis longtemps. En définitive, ce ne serait pas si absurde que cela, il suffirait d'une participation modeste puisée dans les fonds européens qui nourrissent leur prospérité.
Carmen Serghie Lopez
www.hautetfort.com/elargissement-ro
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