NEWSWEEK consacre son dernier numéro du 16 Février à
une présentation de la "Passion de Jésus Christ", avec
en couverture la photo de James Caviezel dans le rôle
principal et la question "Who really killed Jesus?",
anticipant une polémique qui vient nourrir le contexte
politique actuel.
J'ai lu, j'ai regardé la bande annonce, j'ai écouté
les prises de position dont les médias commencent à se
faire l'écho.
Certes, pour me faire une image plus complète sur cet
événement (car c'en est un, placé naturellement, sous
le signe de la contradiction), il faudrait que je voie
le film, ce qui ne sera pas possible dans l'immédiat,
puisque je me trouve en France.
Le sujet m'intéresse aussi pour lui avoir consacré ma
thèse de Doctorat "La Rhétorique de la Passion dans
le Roman Médiéval". J'ai obtenu la mention "Très
Honorable à la Majorité", l'un des membres du jury
n'ayant pas apprécié particulièrement ce qu'il croyait
voir transparaître comme subjectivité.
En plaçant ma recherche au niveau du discours, j'ai
regardé la Passion en tant que macro-figure rhétorique
qui communique un message d'amour exemplaire et qui
fonctionne comme modèle intériorisé pour une certaine
rhétorique de l'amour médiéval.
J'ai voulu montrer comment la Passion -parabole
existentielle par excellence -se reflétait dans la
psyché médiévale, et donc dans le discours de ce XIIe
siècle dominé par l'Imitatio Christi.
J'ai trouvé que c'était autour du Service, essence de
la Passion et emblème de la société courtoise que se
construisait l'éthique amoureuse, en fonction de
laquelle le Sujet pouvait s'édifier, car l'amour crée
des comportements civilisateurs, et j'ai ainsi été
heureuse de proposer une grille de lecture inédite
pour les romans de Chrétien de Troyes.
D'un point de vue sémiotique, tout produit artistique
a droit à un degré d'ambiguïté et de là son ouverture
(je ne fais que rappeler Umberto Eco et son "Opera
aperta"). Les choses vues sous cet angle,je ne saurais
prendre parti pour ou contre le film de Mel Gibson.
Il apparaît qu'en mettant en scène une "Passion"
excessivement violente, le film fait forcément
ressortir la question de la culpabilité, laquelle, en
dépit des périodes de mise en veilleuse, n'a rien
perdu de sa force.
Au cours de l'histoire, en matière de torture
l'imagination humaine a trouvé des solutions non moins
terribles que la crucifixion il y a deux mille ans,
lorsqu'on pense qu'au Moyen Age les supplices de
rigueur consistaient à écarteler ou à empaler.
Alors, pourquoi ne pas accepter une évidence bien plus
simple à partager et imperméable aux réactions
identitaires, en reconnaissant que dans la violence
que l'on reproche au film il peut exister une charge
accumulée, qui est en dehors d'un temps précis, tout
en étant de tous les temps?
La trahison aussi bien que l'indifférence
appartiennent au présent éternel, dans le rapport
Parole-Action elles font partie de l'histoire en tant
qu'événement vécu, avant de faire partie du récit de
l'événement, c'est-à-dire qu'elles relèvent de l'énonciation avant de
passer dans l'énoncé, elles se situent sur l'axe
Je-Ici-Maintenant.
Si l'on pouvait regarder ce qui fait l'être humain
dans son ensemble, plutôt que ce qui le définit comme
appartenance, toute tentative de récupération, de quelque
bord qu'elle vienne échouerait et ce serait là
peut-être la seule victoire à remporter. (https://www.sudoc.fr/043838340)
Carmen Serghie Lopez
06000 Nice
France
e-mail:serghie_carmen@yahoo.com
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